La minceur gracile qu'afficha tout au long de sa vie Audrey Hepburn lui valut de nombreuses critiques, et beaucoup la soupçonnèrent de souffrir de désordre alimentaire. Cependant, si l'actrice possédait une ligne parfaite (qui parfois penchait vers la maigreur), cela n'avait rien à voir avec des problèmes d'anorexie. Il fallait chercher plus loin...
La petite Audrey, née d'une riche mère hollandaise et d'un père irlandais, passa son enfance dans un pensionnat anglais afin d'y apprendre la langue. Cependant, la Deuxième Guerre mondiale va contrecarrer la scolarité de la petite fille. Sa mère, divorcée depuis peu, la rapatria en Hollande, espérant qu'elle y serait plus en sécurité. Mais en 1940 la Hollande se fait envahir, et les biens de la famille sont confisqués. Commence alors pour la fillette de 11 ans des années de privation, qui attaqueront durablement sa santé.
En dépit du climat d'insécurité ambiant, Audrey rêve et se prend de passion pour la danse classique. Elle entre au conservatoire et devient l'élève préférée de son professeur. Sans être extrêmement douée, la petite dégage une certaine grâce qui envoûte ceux qui la regardent faire des entrechats. En 1944, Audrey a acquis assez d'expérience pour donner des cours, elle officie alors au conservatoire et chez elle. Cependant, le rationnement alimentaire l'affaiblit, à tel point que l'épuisement l'oblige à suspendre les leçons qu'elle donnait.
1945 sonne la fin des conflits, mais laisse une Audrey famélique : elle mesure 1m71 et pèse 45 kilos. Le manque de nourriture lui a provoqué différentes affections : jaunisse, asthme, anémie... Son corps en gardera des séquelles : elle ne parviendra jamais à prendre du poids, et à la moindre fatigue, elle en perdra beaucoup... Malgré tout, Audrey se rétablit peu à peu et sa mère, soucieuse de la carrière de ballerine de sa fille, l'emmène à Amsterdam. Audrey y reçoit l'enseignement de Sonia Gaskell qui - en dépit d'être un professeur très renommé - lui offre ses leçons, croyant déceler en Audrey les prémices du talent. La jeune fille travaillera très dur et y développera une discipline de fer, qu'elle conservera tout au long de son parcours professionnel.
En 1948, elle et sa mère vont vivre à Londres. Audrey ne pense alors qu'à la danse, mais pour arrondir les fins de mois elle pose en tant que modèle le week-end. Cependant, Audrey est trop grande et pas assez douée pour réellement penser à une carrière de danseuse étoile. C'est pourquoi, alors qu'on lui offre une place dans une compagnie de danse à l'étranger, elle préfère passer les auditions pour intégrer une comédie musicale : "High Button Shoes". Elle obtient un petit rôle, mais y sera néanmoins remarquée. Elle enchaîne avec une pièce de théâtre nommée "Sauce Piquante", ce qui lui vaudra de passer plusieurs fois à la télévision et de poser pour différents magasines. Peu à peu, Audrey sort de l'anonymat.
En 1951, elle rencontre James Hanson, un riche homme d'affaires qui tombe amoureux d'elle. Cette même année, la trajectoire professionnelle de la petite actrice va s'envoler. Lors d'un tournage, Colette tombe sous son charme et lui offre le rôle-titre de sa pièce de théâtre "Gigi". Peu de temps après, elle décroche son premier rôle dans une production hollywoodienne : elle sera l'héroïne de "Vacances Romaines" de William Wyler. Gigi est un échec, mais la critique encense le travail d'Audrey. Cette dernière s'est installée à New York, mais continue également à tourner à Londres et au Canada. Vacances Romaines sort aux États-Unis en 1953, et c'est un triomphe. Audrey dira avoir tout appris de William Wyler.
Le monde a désormais les yeux tournés vers cette jeune femme frêle et charismatique, à dix mille lieues de l'aura pulpeuse des Marilyn de l'époque. Peu de temps après, Audrey Hepburn tourne "Sabrina". C'est à cette occasion qu'elle convoquera le destin pour faire d'elle une icône de mode. L'actrice ayant vu le travail d'Hubert de Givenchy, elle décide que c'est lui qui devra l'habiller pour Sabrina. Le couturier tombe alors sous le charme de cette laine brune, et de ce coup de foudre naîtra une nouvelle Audrey, façonnée par Givenchy et elle-même.
Le couturier reconnaîtra en effet que la jeune femme savait ce qui la mettait en valeur. Elle avait une idée précise de son physique, en connaissait les moindres défauts et savait en sublimer les qualités. Givenchy dira d'ailleurs qu'il n'a fait que s'adapter à ses désirs. Si le style d'Audrey faisait déjà parler d'elle dès Vacances Romaines et les costumes d'Edith Head, sa rencontre avec le styliste français va achever de l'ériger en tant que modèle à suivre. Givenchy l'habillera sur tous ses films, concevra la robe pour le deuxième mariage d'Audrey et en fera la première égérie du monde du parfum, en associant son image à L'interdit.
L'alchimie entre Hubert de Givenchy et Audrey Hepburn donnera naissance à une nouvelle image de l'élégance, qui sévit encore aujourd'hui. Que ce soit en tailleur cintré, en justaucorps, en marinière ou en robe corolle, Audrey incarne la quintessence de la grâce. Elle construit son propre style et ne suit pas les modes ; ses mots d'ordre sont simplicité et élégance. Elle apparaît plusieurs fois en couverture de Vogue et du Harper's Bazaar. Jamais une actrice n'avait suscité autant d'admiration de la part de l'univers de la mode, et bien après son heure de gloire, le personnage d'Audrey continue et continuera à influencer les couturiers, qui trouvent en elle une icône intemporelle.
Point de vue carrière, Audrey Hepburn obtient l'Oscar de la meilleure actrice pour "Vacances Romaines", puis reçoit le Tony Award de la meilleure actrice pour son interprétation dans la pièce de théâtre "Ondine". Elle est ensuite nommée aux Oscar pour le rôle de Sabrina, mais elle ne l'obtiendra pas. Néanmoins, les propositions affluent, et Audrey doit en refuser beaucoup. Elle se consacre à son tournage avec Fred Astaire dans "Drôle de Frimousse".
Les films s'enchaînent, cependant la santé d'Audrey est fragile et ses tournages l'épuisent. Mariée à l'acteur et réalisateur Mel Ferrer, elle fait plusieurs fausses couches, et lorsqu'elle tombe à nouveau enceinte, elle refuse tous les projets qui s'offrent à elle, dont un film avec Hitchcock. Elle acceptera cependant de tourner "Diamants sur Canapé", à condition que le tournage ait lieu après la naissance. En 1960, elle met au monde Sean Ferrer, et est nominée pour la quatrième fois aux Oscars pour "Diamants sur Canapé" (Breakfast at Tiffany's), mais elle ne l'emportera pas. Elle sera également nominée trois années plus tard pour son rôle dans "My Fair Lady", mais se verra souffler l'Oscar par Julie Andrews.
Les années suivantes sont difficiles : Audrey fait une nouvelle fausse couche, travaille énormément et délaisse sa famille, si bien qu'en 1968 le divorce est prononcé. Audrey décide alors de se consacrer à son fils et d'arrêter le cinéma. Une année plus tard, elle épouse un psychiatre italien, Andrea Dotti, et tombe enceinte quelques mois plus tard. En dépit de l'infidélité notoire de son mari, Audrey se complait dans les joies de la maternité. Habitant désormais à Rome, elle fait savoir à l'industrie du cinéma qu'elle veut bien rejouer, à condition que tout se déroule dans la capitale italienne. Mais les rôles qu'on lui propose ne l'intéressent pas, et Audrey s'investit auprès de l'UNICEF.
En 1975, elle accepte de tourner en Espagne "La Rose et la Flèche" avec Sean Connery. Mais son mariage bat de l'aile : le comportement volage de son mari est dénoncé par la presse, et ils divorcent en 1982. Puis elle tourne avec son fils Sean, mais finit par délaisser le cinéma au profit des actions humanitaires de l'UNICEF. En 1988, elle est nommée ambassadrice de cette ONG, et y consacre de plus en plus de temps. Elle sillonne alors le globe et tente de sensibiliser l'opinion sur le sort des enfants des pays pauvres. Une année plus tard, elle apparaît pour la dernière fois au cinéma dans "Always" de Steven Spielberg.
En 1992, la maladie - un cancer du côlon - l'oblige à réduire ses activités. En 1993, on annonce qu'elle va recevoir la récompense Jean Hersholt pour son travail humanitaire. Elle la recevra à titre posthume, car le 20 janvier Audrey Hepburn décède. Depuis, il ne se passe pas un mois, une parution magazine, une saison sans que l'on fasse référence à Audrey Hepburn. Cette dernière a imprimé durablement l'univers de la mode, lui offrant une silhouette indémodable, racée et proche de la perfection, qui n'a jamais trouvé d'égal...