Les Kickers ont beau faire actuellement partie du paysage, lorsqu'en 1970 elles pointent le bout de leurs semelles arrondies sur les pavés parisiens, il s'agit bel et bien d'une petite révolution. Car si à l'époque - juste après les bouleversements de mai 68 - les jeunes adoptent massivement jeans pattes d'eph' et chemises bariolées, aucun soulier ne convient à leurs aspirations de liberté.
Or, c'est précisément ce constat que fait Daniel Raufast - patron de "E. Raufast et fils", une entreprise de chaussures pour enfant - lorsqu'il se retrouve face à l'affiche de la comédie musicale "Hair" : il remarque que si les acteurs arborent le look du moment, la "non-existence" de chaussures correspondant à leur look les oblige à poser pieds nus.
Il décide alors de concevoir un modèle qui respectera les codes de la nouvelle génération. Pour ce faire, Daniel Raufast et son styliste Jacques Chevallereau ont l'idée de transposer les points forts de la pièce phare du moment - le jean - à leur chaussure...
Ils reprennent ainsi le gimmick des surpiqûres, des oeillets et même du "tab" - la fameuse petite étiquette rouge dépassant d'une des poches arrières du jean - pour les injecter à leurs créations, qui veulent alors prendre le contrepied des richelieux et autres souliers vieillots de l'époque nécessitant beaucoup d'entretien.
Devant son nom au terme anglais "to kick" (donner un coup de pied), la Kickers balaie très vite les anciens modèles de chaussures et devient le must have du moment. Il faut dire que son design bicolore (faisant référence aux chemises bariolées des seventies), son entretien ultra facile au savon et à l'eau ainsi que son indéniable confort en font le partenaire idéal des blue-jeans et des envies de libertés animant la jeune génération...
Et si dans un premier temps les Kickers restent destinées aux adultes, Raufast et Chevallereau s'amusent - en guise de clin d'oeil aux premiers clients en culotte courte de la société Raufast - à distinguer la gauche et la droite de leurs souliers, par le biais de deux pastilles rouges et vertes se situant sous la semelle. Un détail enfantin qui séduit néanmoins les trentenaires, qui aiment se considérer comme de grands enfants.
De 1970 à 1980, le chiffre d'affaires généré par les Kickers explose (il passe de 10 à 330 millions de francs), tandis que les collections se diversifient, la marque proposant désormais de nombreux modèles de sandales et chaussures basses...
Cependant, l'embellie ne dure pas et les années 80 s'avèrent difficiles : se rêvant désormais en Converses, les nouveaux adolescents font en effet peu à peu tomber Kickers en désuétude. La marque qui avait lancé des modèles pour enfants à la fin des années 70 se concentre alors sur ce marché.
En 1989, le groupe Zannier rachète la société et tente de séduire à nouveau les ados à coups de nouveaux produits, mais la stratégie échoue. Il faudra finalement attendre 2002 et l'arrivée à la direction artistique de Manfred Geserick, ancien de chez Chevignon, pour que la marque retrouve de l'allant...
En osant désacraliser la mythique Kickers (en lui apposant vernis, imprimés fleuris ou cuir monochrome blanc), cet ancien élève des Beaux Arts parvient à donner une nouvelle dynamique à la griffe. Sans parler des autres changements qu'il opère et qui s'avèrent très vite bankable : les offres homme et femme se différencient, tandis que les modèles se veulent de plus en plus citadins (bottes, escarpins, etc...).
En 2007, Kickers change encore de main : c'est le groupe Royer qui en devient le nouveau propriétaire. Devant l'excellent bilan de Manfred Geserick, Royer décide de le conserver à son poste. Kickers continue alors son évolution, affichant son ambition de proposer des pièces originales collant au plus près des besoins du consommateur, tout en continuant à mettre en avant son patrimoine. Cet hiver, la griffe rééditera ainsi la plupart de ses modèles phares, à l'instar de la Kick Legend ou de la Kick Rallye.
Par ailleurs, en lançant dernièrement une ligne de maroquinerie et de prêt-à-porter enfant, Kickers tente de prouver qu'en dépit d'avoir soufflé ses 40 bougies, elle reste une griffe dynamique en constante évolution. Mêlant constamment nouveautés et clins d'oeil vintage, la marque semble avoir le potentiel pour séduire les nouvelles générations et conserver les faveurs de ses aficionados...
Site officiel : https://www.kickers.com/fr/
Par Lise Huret, le 16 juin 2010
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