La presse féminine sous l'emprise des marques
À l'heure où la presse féminine/mode tente par tous les moyens d'enrayer la chute de ses ventes, l'emprise des marques sur le contenu éditorial de celle-ci se fait de plus en plus prégnante...
Dans un monde idéal, les hebdomadaires féminins et autres magazines de mode seraient bien différents de ceux d'aujourd'hui : les rédactrices se verraient encouragées à livrer leur véritable opinion, les produits mis en avant seraient sélectionnés selon leur qualité stylistique ou leur efficacité réelle, les interviews de créateurs se révéleraient piquantes et non-conventionnelles, tandis que les séries mode refléteraient la vision d'une styliste libre de toutes contraintes commerciales.Malheureusement, la réalité est toute autre. Au sein des rédactions, les rédactrices en chef enjoignent en effet les journalistes à flatter les marques/annonceurs dans leurs articles et à composer leurs sélections "jeans" ou "maillots de bain" en piochant leurs pièces exclusivement chez les annonceurs. Le tout en gardant constamment en tête que plus la marque achète de pages de publicité, plus elle s'attend à être citée au sein de la partie éditoriale du magazine...
Et si l'on pensait que le phénomène avait atteint son paroxysme, c'était sans compter sur l'impudence des griffes de luxe qui, se sachant en position de force, viennent récemment de franchir une nouvelle étape en terme d'ingérence éditoriale. Ces derniers jours, nombreuses sont en effet les stylistes à avoir reçu un email d'une grande maison italienne les enjoignant à présenter leurs produits soit en total look, soit accompagnés de pièces choisies chez leurs concurrents directs (Chanel, Louis Vuitton, etc), et à ne surtout pas les mixer à des marques considérées comme moins prestigieuses (Isabel Marant, Zadig&Voltaire, etc). Et la griffe de stipuler que si ces conditions n'étaient pas respectées, elle se verrait dans l'obligation de supprimer son budget publicitaire au sein du magazine…
Face à cet énième acte d'ingérence, une amie styliste me révéla avoir plus que jamais envie de changer de métier, considérant que ce dernier était à l'agonie.
À la lumière de ces faits, on comprend mieux pourquoi la presse féminine éprouve tant de difficultés à rester en phase avec son lectorat. Malheureusement, tant que les marques resteront au coeur de son modèle économique, elles auront les pleins pouvoirs...
Par Lise Huret, le 20 février 2015
Suivez-nous sur , et