Street-style : vers un retour aux sources ?
Avec ses silhouettes anonymes, ses looks imparfaits et ses clichés pris de dos, les posts street-style publiés sur le compte Instagram "Parisiens in Paris" n'ont pas grand-chose à voir avec ceux ayant depuis une dizaine d'années dénaturé la discipline chère à Bill Cunningham. Serions-nous sur le point de renouer avec l'ADN du street-style ?
Si, partant du principe que la mode se crée bien plus dans la rue que sur les catwalks, les photographes street-style (ou style hunter) ont toujours parcouru - Nikon autour du cou - les artères, ruelles et autres avenues en quête de looks inspirants, uniques et authentiques, il faudra néanmoins attendre 2005 et la création du blog The Sartorialist pour que cette discipline discrète devienne un phénomène de mode à part entière. Porté par la montée en puissance du phénomène des blogs et donc de la démocratisation de l'auto-édition (plus besoin d'être repéré pour être publié), le street-style connaît alors une embellie sans pareille.
Peu à peu, les disciples de Scott Schuman se multiplient, créent à leur tour leur propre support et tentent de se faire une place au soleil. Or, trouver suffisamment de matière dans les rues de New York, Paris ou Toronto pour alimenter quotidiennement un blog street-style s'avère vite trop chronophage et pas suffisamment rentable pour ces néo chercheurs d'or. D'où l'idée de se focaliser sur des événements où papillonnent une multitude d'individus portant la plus grande attention à leur apparence : les fashion weeks. Rapidement, les inconnues à l'allure unique et aux looks non griffés cèdent alors la place aux rédactrices de mode, acheteuses et autres mannequins. Oui mais voilà, la présence de ces photographes en quête d'accessoires flashys, de pièces hors norme et de looks photogéniques ne tarde pas à bouleverser le comportement des participantes auxdites fashion weeks (qui se mettent à penser leurs toilettes dans l'espoir d'être photographiées), mais aussi celui des marques (qui cherchent à placer leurs produits sur ces femmes sandwich d'un nouveau genre).
Une savante mécanique se met ainsi en place, où branding personnel, enjeux financiers et publicité tacite achèvent de retirer toute authenticité à une démarche originellement fondée sur la spontanéité. Aujourd'hui, les abords des fashion weeks se sont à ce point professionnalisés que l'intérêt qu'ils suscitent s'est fortement amoindri. Dans le même temps, les figures - on pense tout particulièrement à Anna Dello Russo - ayant participé à l'âge d'or du street-style ont remisé au placard leurs 6 tenues quotidiennes et brillent désormais par leur absence. Les excès ont fini par lasser...
C'est dans ce contexte qu'a éclos "Parisiens in Paris", un compte Instagram mettant à l'honneur la dégaine de passants anonymes. Les clichés sont bruts, non retouchés et plébiscitent des looks possédant un léger twist, un petit truc en plus. On ne parle ici ni de marques, ni de "it" girls et encore moins de must have : l'idée est d'immortaliser une normalité potentiellement inspirante où le style se voit décorrélé de l'argent. La boucle est bouclée...
Par Lise Huret, le 10 février 2021
Suivez-nous sur , et