Debrief fashion #28
Entre looks premier degré, collaborations plus ou moins réussies, robes de mariée créateur et montée en puissance du hashtag #dolette, petites réflexions sur l'actualité mode de ces dernières semaines…
Coachella
Il fut un temps - vers les années 2010 - où les pelouses de Coachella étaient peuplées de créatures boho donnant le La en matière de looks estivaux. Entre shorts en jean 501, blouses folk, lunettes aviateur et autres voiles de coton brodé, les éléments hippisants s'y mêlaient ainsi souvent pour le meilleur. Oui mais voilà, à l'instar des photos street-style prises lors des derniers défilés, celles immortalisant les tenues des participants au mythique festival de musique n'ont plus rien d'inspirant. De la caricature bohème à la sexyness vulgaire (voir ici et là) en passant par les excès de coloris, de logos voyants et de mix and match premier degré, la couleur stylistique générale de ce dernier est à l'image de celle du paysage fashion actuel : dépourvu de subtilité et donc de désirabilité.
La Redoute x Wrangler
En promettant de revisiter une dizaine de modèles issus des archives de la griffe américaine Wrangler, La Redoute affola les radars de toutes celles sensibles aux pièces en jean de bonne facture. Il faut dire que l'idée d'associer 75 années d'expérience dans la toile de denim à une connaissance poussée du marché français et de ses attentes laissait envisager le meilleur. À l'arrivée, le résultat est malheureusement mitigé : le travail des poches sur les jeans sacrifie le pragmatisme au profit du "style", les jambes auraient gagné à ne pas marquer de galbe, tandis que la combinaison aurait été plus seyante avec des jambes ne se resserrant pas aux chevilles et des poches moins petites à l'arrière (voir ici).
On note cependant qu'avec son ourlet arrondi et sa longueur sage, a tout du basique facile à vivre (on la portera avec une paire de baskets ou de sandales à talons, un tee-shirt blanc ou un caraco en dentelle, un pull moelleux jaune ou un sweat à capuche caramel). De même, demande à être essayée.
Robe de mariée Viktor and Rolf
Il est de ces créateurs dont l'imagination est telle qu'ils éprouvent parfois des difficultés à la canaliser. Le duo néerlandais Viktor and Rolf est de ceux-ci. À la grande époque de leurs défilés haute couture, les deux hommes n'avaient en effet de cesse - afin de servir leurs géniales élucubrations - de repousser les limites qu'impose le modélisme. Entre démultiplication du col de chemise, fusion coiffe/robe, millefeuille vestimentaire, oreiller prêt-à-porter et exosquelette cinématographique, chaque passage recelait suffisamment d'idées pour développer une collection entière. Pour autant, aucun n'était réellement portable. "La portabilité" : tel était ce que Viktor and Rolf devaient - afin de devenir audibles et rentables - parvenir à injecter à leurs créations. Un travail apparemment complexe à réaliser (si l'on en juge par la qualité fluctuante de leurs collections prêt-à-porter), mais qui semble aujourd'hui porter ses fruits au sein de leur opus "robe de mariée". Et si tout est loin d'être parfait et que nombre de toilettes manquent encore de finesse, certains modèles - à la fois impactants et transposables à la réalité d'une future mariée - laissent néanmoins entrevoir ce que pourrait donner le génie des deux hommes une fois passé au filtre des exigences commerciales (voir ici, ici et là).
Barbie/Bratz : de l'objet à la personnification
Autrefois inondée par les publicités pour les Polly Pocket, Bratz et autres variations autour du thème de la poupée, la génération des 15/20 ans a semble-t-il décidé de prendre le pouvoir sur ses jeux d'enfants en s'appropriant l'imagerie et la symbolique véhiculées par le mot "poupée". Il est vrai qu'entre la veste en chevelure de Barbie conçue par la créatrice Zoe Grinfeld, les silhouettes imaginées par Simone Rocha, le titre ("boy doll") du dernier défilé Céline homme, la série Netflix "Russian doll", le travail de Lucille Reynolds (qui imagine ses créations pour des poupées avant de les adapter aux humains), la campagne de la marque Heaven ou encore le TikTok d'Antonella (80k followers) qui promeut une esthétique #dolette (qui consiste à s'habiller comme une poupée), les références aux "dolls" sont plus que jamais omniprésentes au sein de la pop culture. Les cabinets des psychanalystes ne sont pas près de se vider… PS : Les campagnes de saison reflètent à merveille le manque de génie et la perte de sens de la mode actuelle (Self Portrait, Gucci, Marc Jacobs, Loewe, Heaven).
Par Lise Huret, le 22 avril 2022
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Exception faite pour les robes de mariée, là on est dans une autre catégorie, j'applaudis!