Hussein Chalayan (né en 1970) compte parmi les créateurs de mode les plus originaux de Grande Bretagne.
Paradoxalement, la mode ne l'intéresse pas en tant que telle. Les créations de Chalayan se concentrent avant tout sur la façon dont fonctionne le corps au sein du monde qui l'entoure, tant en terme d'espaces physique, de volume que d'environnement, sans oublier le contexte socioculturel qui l'influence. Il n'est donc pas très surprenant d'apprendre que Hussein Chalayan a failli devenir architecte. D'ailleurs ses vêtements sont empreints d'une telle rigueur technique et d'une telle précision qu'ils semblent parfois presque architectoniques. Pourtant le travail de Chalayan est loin d'être froid, il est également très apprécié pour ses défilés, qui délaissent le podium traditionnel au profit de mises en scène spectaculaires qui abolissent les frontières entre mode, design, performance et art, souvent avec une grande émotion.
Chalayan fait sensation avec sa désormais célèbre collection de fin d'études « Buried » à Central Saint Martin en 1993, mais ses vrais débuts londoniens n'ont lieu qu'en mars 1995. Depuis il a remporté deux fois le prix de « British Designer of the Year » en 1999 et en l'an 2000. Les collections et les défilés de Chalayan tournent souvent autour des thèmes du déplacement et de l'identité, de l'isolement et de l'oppression.
Chalayan a ainsi pu évoquer la question du voile islamique et de la diaspora des réfugiés (parallèlement, sa vie et son identité ont subi les conséquences de son propre déplacement : né à Nicosie de parents turcs-chypriotes, Chalayan a quitté l'île gréco turque de Chypre pour venir étudier en Angleterre lorsqu'il avait 12 ans).
Une fois son entreprise restructurée à la suite de problèmes financiers, Chalayan commence à présenter ses collections à Paris en octobre 2001. En 2002, il a été nommé styliste d'Asprey, pour qui il a dessiné une ligne de prêt à porter.
Conceptuel, toujours. A tel point que les recherches de ce jeune ? 34 ans ? designer ont déjà fait l'objet d'une rétrospective au musée de Groningue (Pays-Bas).
En ce qui concerne son dernier défilé, Hussein Chalayan ne s'est pas privé d'explications alambiquées sur l'origine des motifs ornant les tapis dont il a façonné des manteaux-matriochka encaissant la tête et les épaules de ses mannequins, créés semble-t-il à partir d'un décodage sonique de séquences ADN… Paradoxalement, dans l'hôtel particulier où il présentait sa collection, ce sont des vêtements sensuels, empruntant à la haute couture ses matériaux précieux ? chantilly, plumes d'autruche, mousseline ? et ses codes de coupe, notamment les volumes à la Balenciaga. Tout se passe comme si Hussein Chalayan rusait avec son propre désir de mode et d'élégance en le passant au tamis d'un discours expérimental. Le résultat témoigne d'une véritable et émouvante maturité. C'est beau, tout simplement. Avec l'inspiration venant de diverses disciplines telles que l'architecture, la philosophie et l'anthropologie, son oeuvre peut être situé à l'interface entre la mode et l'art. Chalayan appartient aux couturiers les plus innovateurs, les plus expérimentaux et conceptuels d'aujourd'hui.
Par Lise Huret, le 06 février 2007
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