Quand Cristobal Balenciaga rend l'âme en 1972, le jeune Nicolas n'a qu'un an ; il est né en mai 1971 sur la frontière franco-belge. Il passe une enfance tranquille en Poitou-Charentes, dans une famille qui n'a pas la fibre artistique : monsieur Ghesquière est responsable d'un golf, et le frère de Nicolas sera enseignant. Pourtant, le jeune homme se sent rapidement attiré par l'univers de la mode. Il découpe et collectionne des photos dans les revues, et griffonne ses premières esquisses…
Alors qu'il est encore lycéen, il démarche les maisons de stylisme, et décroche des stages d'été chez Agnès B et Corinne Cobson. C'est sur le terrain qu'il apprendra toutes les ficelles du métier, et une fois obtenu son baccalauréat, il n'apprendra pas le stylisme sur des bancs d'école : autodidacte, talentueux et chanceux, il décroche tout de suite une place d'assistant-styliste chez Jean Paul Gaultier, qu'il occupera pendant 2 ans.
La suite de son ascension se fait à une vitesse vertigineuse : en plus de collaborations avec Mugler et Kelian, et un poste de styliste chez Trussardi, Ghesquière travaille également en freelance pour les collections sous licence de Balenciaga dès 1995. Il y travaille pour le marché asiatique, et c'est un petit vestiaire qu'il dessine pour le Japon qui le fait remarquer. Son talent devient évident aux yeux de tous, et c'est pourquoi, lorsque Josephus Thimister se retire de Balenciaga en 1997, Nicolas est nommé à la direction artistique de la collection de prêt-à-porter féminin « le Dix ».
Il n'est pourtant encore qu'un inconnu, et il doit faire la preuve de ses compétences. Le défi est de taille, d'autant plus que l'enseigne connaît une phase critique, n'arrivant pas à renouveler son vestiaire. C'est un véritable miracle que Ghesquière accomplit : dès ses premières collections, il redonne littéralement vie à l'oeuvre de Cristobal Balenciaga, et s'inspire des codes du maître pour les revisiter avec une modernité inédite.
Rapidement, le monde de la mode découvre un génie, et les critiques tombent sous le charme. Le créateur est salué comme le fils spirituel de Balenciaga, dont il possède la même approche du vêtement. Comme lui, il pense ses créations comme un architecte élabore une construction, et il pousse à son paroxysme le pouvoir de la coupe. Il manie ses tissus jusqu'à en faire des pièces presque futuristes, et associe les volumes pour en faire des sculptures molles.
C'est ainsi que peu à peu, tout en conservant à merveille l'esprit Balenciaga, Nicolas Ghesquière façonne son propre style. Il combine habilement le cérébral et la luxuriance, le dépouillement et la démesure, faisant cohabiter une ornementation surchargée et des silhouettes épurées. Il intègre le passé de l'enseigne pour aller vers un style unique et nouveau.
Dès lors, Balenciaga devient une maison moderne et avant-gardiste, génératrice de nouvelles tendances : les robes en dentelles, l'écossais, les treillis, le sport-couture, le hippie chic, les coupes XXL ou encore les chaussures de gladiateur provoquent de véritables raz de marée au sein de la critique.
C'est donc tout naturellement que la fashion sphère lui rend hommage en 2000 en le consacrant « Avant Garde Designer of the Year », prix décerné par Vogue et la chaîne VH1. Cette même année, la griffe est rachetée par PPR (Pinault Printemps Redoute), qui l'insère dans le groupe Gucci parmi ses marques jeunes et séduisantes à fort potentiel de croissance.
Encouragé par le succès de ses lignes féminines et par l'obtention du CFDA du meilleur designer de l'année en 2001, Ghesquière lance alors des lignes de sac et de chaussures, suivies par une collection pour hommes. Balenciaga devient ultra branchée, et travaille son image avec le célébrissime photographe David Sims.
Mais la meilleure publicité se fait tout naturellement, quand on voit Nicole Kidman pour son mariage ou Charlotte Gainsbourg à l'occasion de la sortie de son album, vêtues de la tête aux pieds par Ghesquière…
Adulé par la presse, reconnu par ses pairs, point de mire d'une admiration sans limites, Nicolas Ghesquière a réussi son pari. Son nom est devenu indissociable de Balenciaga, et chacune de ses collections est attendue avec impatience. Des boutiques ont fleuri à travers le monde entier, dont les dernières sont celles de Londres, Los Angeles et Cannes en 2008, et le chiffre d'affaires de la maison frôle des sommes jamais atteintes auparavant.
À 38 ans à peine, il ne parle pas encore de lancer sa propre griffe. Patience …
Par Lise Huret, le 03 mai 2007
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