Derek Lam, c'est un styliste d'origine asiatique, qui vit aux USA et qui vient d'être promu directeur artistique de Tod's, la fameuse griffe italienne. Le pari à relever est de lancer une « marque globale » qui sera destinée à une clientèle d'initié. Pourquoi la firme Italienne parie-t-elle sur ce jeune homme de 40 ans, qui vient à peine de sortir de l'ombre ? Car elle a vu et senti que Derek Lam avait tout pour réussir.
En effet aux USA, tous s'accordent pour dire que son travail relève du génie. Anna Wintour - rédactrice en chef de Vogue US - elle-même, lui a consacré des pages entières dans son magazine et le cite comme étant le renouveau de la couture américaine. Signe qui ne trompe pas, les actrices les plus hype du moment ont adopté ses créations : Mischa Barton, Demi Moore, Jessica Alba, Selma Blair, Hilary Swank, Lindsay Lohan et Nicole Kidman font parties de ses clientes attitrées.
Mais ce qui a poussé Tod's a s'intéresser à Derek Lam, c'est que le styliste est loin de n'être qu'un épiphénomène outre-atlantique, il a réussi à séduire le marché français et même européen ! Ses collections sont distribuées au Bon Marché et au Printemps.
Dans ces grands magasins, on cite Derek Lam comme la nouvelle valeur sure. On apprécie sa mode créative et libérée des diktats américains, qui poussent d'habitude les designers à faire passer le commercial avant la création. Le plus de Derek Lam c'est de réussir à concevoir des vêtements chics et portables, sans faire quelque chose de ringard.
L'engouement qu'il suscite est essentiellement lié à son style, ce n'est ni un Galliano ni un Lagerfeld mais un homme discret qui travaille assidûment et minutieusement. C'est auprès du grand Michael Kors, qu'il a fait ses armes et a appris à peaufiner son style. Pendant une douzaine d'années, il a travaillé à ses côtés, développant avec lui un sportswear de luxe totalement américain !
Mais Derek Lam c'est aussi l'amour de la couture à la française, dont il sait décliner les codes. Ses vêtements jouissent de l'alliance parfaite entre volume complexe et fluidité maîtrisée. Dans ses collections, il aime puiser dans les racines du peuple américain, style mexicain, textile amish…
Il détourne tout, sa conception du vêtement est avant tout conceptuelle. Mais loin d'être incompris ou border line, Derek Lam a su créer une mode à la fois classique et hautement désirable. Loin de rééditer platement des tissus du passé, il se replace dans le contexte de l'époque et essaie de comprendre pourquoi telle teinte ou tel tissage et les recrée à sa manière.
Son style qui mixe fonctionnalité (chère aux américaines depuis Donna Karan), luxe et fantaisie est certes en grande part responsable de son succès mais il n'est pas tout. Car lorsqu'on regarde l'entourage de Derek Lam, on découvre que son compagnon à la ville, n'est autre qu'un grand ponte du marketing : Mr Jan-Hendrick Schlottmann, qui s'occupa du marketing cosmétique de Prada…
Ainsi c'est lui qui tire les ficelles et qui a élaboré le business plan de Derek Lam. C'est lui qui a décidé de déroger aux règles tacites du commerce américain qui poussent les designers à développer des ligne bis qui ont pour but de créer un buzz commercial. L'objectif de la marque est ailleurs. Les deux hommes ne cachent pas leur ambition sélective et élitiste. Ils désirent vêtir des femmes qui n'ont plus besoin de rien et qui veulent avant tout du luxe fait de rareté et d'exclusivité !
C'est pourquoi ils se sont entourés des meilleurs sous-traitants italiens qui travaillent déjà pour Chanel et Vuitton. Les endroits où ils sont distribués sont soigneusement sélectionnés. Ils sont également présent dans tous les lieux hautement connotés luxe : Dubaï, Milan, Tokyo… Derek Lam sait ce qu'il veut, diplômé de la fameuse Parsons School of Design de New York, il préfère renoncer à un poste chez un créateur qu'il admire depuis toujours faute de possibilités d'évolution.
Et partir travailler auprès de Michael Kors. Un des acheteur du Printemps décrit Derek Lam comme un styliste faisant partie de la génération qui a compris que pour avancer et se faire une place, il fallait jouer sur tous les tableaux : presse, stars, marketing… Chez Tod's, Lam joue la carte du luxe, tee-shirt en cashmere, doudoune en cuir, le tout additionné d'une bonne dose de BCBG attitude…
Le styliste sait ce qui fera vendre et à quelle clientèle il s'adresse. Mais tout cela il le fait avec talent, sachant insuffler à cette collection l'énergie du sportswear US et la séduction du luxe italien. Son poste de directeur artistique chez Tod's va sûrement lui permettre de mieux se faire connaître et celles qui seront séduites par son travail se tourneront automatiquement vers sa propre griffe. Coup marketing ou coup de génie ? Les deux semblent maintenant indubitablement liés…
Par Lise Huret, le 04 mai 2007
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