Car si Chloë Sevigny est une icône de mode, ce n'est pas dans le sens où on l'entend généralement, car elle ne lance aucune mode ou très rarement (on se souvient des Wayfarer blanches) et les suit encore moins ! On ne voit jamais la jeune femme avec le dernier Marc Jacobs, ou cloner les multiples starlettes du moment. Si on guette les looks de l'actrice, c'est bien parce qu'ils sont ultras personnels et que personne ne lui dicte ses tenues du jour.
Elle surprend par des associations décalées, par son apparente désinvolture et par sa totale liberté vis à vis des diktats de la mode. Elle porte les créations des stylistes qu'elle admire et respecte, elle aime les belles choses, mais aussi les pièces improbables qui mystérieusement, une fois sur elle, prennent une toute autre allure. Chloë Sevigny est réellement à part, new-yorkaise jusqu'au bout des ongles, mais à dix mille lieues du glamour américain.
Actrice, mais libre vie à vis des pseudos règles que s'imposent ses collègues : brushing obligatoire, maigreur conseillée et sourire ultra bright. Elle a choisi d'être elle-même, une jeune femme issue du très conservateur Connecticut, qui dès son adolescence a recherché éperdument la liberté dans des virées new-yorkaises hebdomadaires… Elle y fréquente le milieu skate-rave-rock et s'installe définitivement à New York à 18 ans.
C'est là que sa vie professionnelle commence et c'est sa passion pour la mode qui lui permet de trouver un job. Elle devient assistante-styliste pour Sassy Magazine. C'est d'ailleurs en préparant un shooting qu'elle rencontre la styliste qui s'occupe du groupe de rock « Sonic Youth », cette dernière tombe sous le charme acide de Chloë Sevigny et la fait apparaître dans un clip du groupe.
Dès lors, la jeune femme enchaîne les apparitions dans les clips, pose pour quelques magazines et arrondit ses fins de mois en étant vendeuse dans une boutique de vêtements. C'est au détour d'un casting que Chloë Sevigny va croiser le rôle de sa vie, celui qui lui fera accéder au statut de star. C'est en effet son interprétation dans "Kids" qui la révèle aux yeux du grand public.
Le talent de la jeune femme ne tarde pas à se voir confirmé par deux nominations, une au Golden Globe et une aux Oscars pour son rôle dans "Boys don't cry". Une ascension rapide bien plus basée sur la capacité de l'actrice à s'investir totalement dans ses personnages que sur une peopolisation glamour éphémère… Chloë Sevigny a beau paraître un peu ailleurs, toujours décalée, cela ne l'empêche pas d'être très exigeante dans le choix des films dans lesquels elle tourne.
Elle travaille avec les réalisateurs les plus pointus du cinéma international, qu'elle séduit par son aura à la fois candide et sensuelle. Assayas (Demonlover), Lars Von Trier (Dogville) ou encore Vincent Gallo (Brown Bunny) l'ont associé à leurs films avec un plaisir évident. Films d'auteurs, peu accessibles ou sulfureux… Chloë Sevigny se sent à l'aise dans ce genre d'univers.
En 2005, Woody Allen décide de la faire jouer dans "Mélinda et Mélinda". Il est d'ailleurs étonnant que cette rencontre entre le cinéaste le plus farfelu de New York et l'actrice la plus atypique du moment n'est pas eut lieu plus tôt ! Aussi sélective et exigeante qu'elle soit, Chloë Sevigny ne refuse pas un brin de détente dans des productions un peu moins torturées ou alambiquées…
C'est pourquoi on la retrouve sur les marches de Cannes en 2007 pour Zodiac de Fincher, où elle interprète un petit rôle. Alors actrice intello, égérie ou figure de la mode ? La jeune femme, elle-même, semble ne pas se soucier de cela, rien ne semble calculé et pour une fois on y croit. En 2006, à un journaliste qui lui demande comment elle a accédé à son statut d'icône de mode et du cinéma underground, elle répond : « À vrai dire, je ne sais pas. J'ai en fait beaucoup d'amis qui travaillent dans différents magazines et ils m'ont célébré avant tout comme amie. Puis une chose en entraînant une autre... »
À l'entendre, sa réussite est donc un peu due au hasard. Cependant, en réfléchissant bien, le hasard n'a pas grand-chose à voir avec son succès : lorsque l'on scrute la sphère mode, on ne trouve pas une telle jeune femme autant détachée du regard des autres et complètement en accord avec elle-même, au point parfois de choquer par des choix pour le moins insolites en matière de style.
Mais même cela on ne s'en offusque presque plus, car on ne juge pas quelqu'un qui semble tellement raccord avec soi-même. Chloë se moque de porter une toilette verte et cartonnée Balenciaga au bal du Metropolitan Museum of Art. Elle l'aime, elle, et qu'importe le reste ! Ce qui ne l'empêche pas de porter une délicieuse robe YSL au dernier Festival de Cannes et de jouer la simplicité minimaliste pour la montée des marches 2007…
Farouchement imprévisible, elle en devient rafraîchissante dans un système botoxé et joué d'avance. Alors Icône de mode ? Oui, et bien plus que toutes celles à qui l'on attribue cette étiquette...
Par Lise Huret, le 18 mai 2007
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