Laurence Doligé et Maxime Vibert-Guigue, deux parcours différents : l'une durant 10 ans fut à la tête d'une boutique créateur rouennaise, alors que l'autre fut styliste photo au journal "Le Monde". Les deux jeunes femmes se lient d'amitié à Paris, alors qu'elles sont amenées à travailler ensemble chez Vanessa Bruno. Laurence y était chef de produit et Maxime assistante-styliste.
Tout de suite, entre ces deux mordues de mode et de littérature, c'est l'entente parfaite. En dépit de leur différence de caractère - l'une bouillonnante, l'autre sage - elles sentent très vite une même envie les tenailler : celle de larguer les amarres. Elles sont jeunes, pleines d'enthousiasme, prêtes à croquer le monde, elles se lancent donc dans le prêt-à-porter créateur.
Leur concept : traiter la mode différemment afin de ne pas surcharger le marché avec une énième marque de prêt-à-porter. Elles imaginent donc un personnage, "Madame à Paris", qu'elles placeront tous les mois dans différentes situations et l'habilleront en conséquence. "Madame à Londres" ou "Madame et son amant", sont des prétextes à concevoir des petites saynètes, 6 par saison exactement, une par mois, où elles imaginent et répondent aux besoins de leur poupée de chiffon.
Et cela bien au-delà du vêtement... c'est cela qui les intéresse : pouvoir avoir une production éclectique et variée, mettre en place un véritable univers, proche d'un style de vie à adopter. Madame à Londres se voit donc, en plus de sa panoplie de la parfaite petite touriste, pourvue d'un mini-guide de Londres édité par leurs soins. Pour Madame et son amant, ensembles stricts et lingeries affriolantes se télescopent pour le plus grand plaisir des deux compères.
Laurence et Maxime croient en leurs idées et se régalent en les réalisant. D'ailleurs cela fonctionne : des espaces selects et propices à recréer les historiettes mensuelles, tels que Colette ou l'Éclaireur, se piquent au jeu. Mais ce genre de concept store ne court pas les rues, et pour ne pas faire plonger la trésorerie, les deux femmes se doivent de trouver d'autres points de vente.
Et c'est là que les choses se corsent, en effet il est compliqué pour les acheteurs des grands magasins de respecter le concept de la marque, ils prennent un élément par ci et un autre élément par là, sans tenir compte de la mythologie du vestiaire proposé. Dès lors, si "Madame à Paris" veut survivre, elle se doit de modifier son éthique et s'orienter vers des collections prêts-à-porter au fonctionnement plus classique, sans toutefois renoncer totalement à ses ambitions conceptuelles.
Les stylistes reverront donc leur copie : "Madame à Paris" se calquera sur les calendriers des saisons réglementaires, tout en conservant l'idée que les vêtements doivent raconter des histoires. Ainsi, elles suppriment les états d'âme des acheteurs et rendent leurs collections plus commerciales. Le Japon, féru de jeunes marques françaises, devient leur meilleur lieu de vente, mais elles sont aussi distribuées en Angleterre et aux Etats-Unis.
Point de vue inspiration, elles évoquent leur amour des livres, des héroïnes de Francis Scott Fitzgerald et leurs engouements pour des périodes telles que les années 20 et 50. D'ailleurs, dans leurs collections pointent de façon récurrente des détails du passé : broderies anciennes ou accessoires faussement vintage. Le tout toujours gravitant autour de la vie trépidante de leur "Madame à Paris".
En dépit de l'essor de leur marque, les deux associées restent seules maîtres de leur navire : elles font tout ensemble, de l'administratif à la conception. Ceci expliquant peut-être cela, l'absence de site Internet ou la décoration un peu tristounette de leur boutique rue Vieille du Temple semblent être le résultat d'un cruel manque de temps.
Leur boutique : leur fantasme préféré, qu'elles rêvaient en futur boudoir où "Madame" aurait pu s'épanouir et se livrer à toutes sortes de fantaisies, laisse sur sa faim la cliente nostalgique des mises en scène pittoresques et charmantes admirées chez Colette lors du lancement de la marque. Dommage... Cependant, on aime l'esprit bohème chic qu'elles insufflent à leurs collections et les petites pièces élégantes un brin fantasques qui peuplent leurs portants.
Madame à Paris : 77-79 rue Vieille du Temple - Paris 3e
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