En 1992 nait sur le marché du prêt-à-porter une nouvelle marque : Antik Batik. Son appellation en dit déjà long sur la nature et le concept de la griffe. La résonance de ces deux mots se veut ethnique, le batik étant une technique d'impression traditionnelle de Bali, que l'on utilise pour décorer des paréos qui là-bas s'accrochent au mur comme un élément de décoration. Bali, paréos, artisanat local... C'est l'alchimie de ces trois données qui donnera envie à Gabriella Cortese de se lancer dans l'aventure de la création.
La jeune femme est originaire de Turin, où elle vit le jour en 1965. La petite fille se rappelle qu'elle fut toujours attirée par la mode, ou tout du moins par la magie des vêtements. Elle admirait sa mère qui s'habillait de manière élégante et sophistiquée, coordonnant tailleurs couture et accessoires. Lors de vacances familiales à Saint-Tropez, les atours de la faune du club 55 la fascinaient, et dès que Gabriella avait un peu de temps, elle aimait s'exercer à broder comme sa grand-mère.
Pourtant, ce n'est pas vers la mode qu'elle se tourne lorsque, désormais jeune adulte, elle doit choisir sa voie. C'est alors la danse qui l'attire. Elle monte donc à Paris, passe une audition et se retrouve embauchée au Crazy Horse. Dans un premier temps, l'univers festif et glamour qui l'entoure la grise, mais au bout d'une année Gabriella n'en peut plus et décide de s'envoler vers Bali, afin de retrouver ses repères. À Bali, elle découvre l'artisanat local et en tombe amoureuse.
Elle s'entiche des paréos et de tout ce à quoi donne naissance la technique du Batik. Or, les paréos et autres foulards colorés n'étaient alors pas nombreux sur le marché européen, et Gabriella y voit une opportunité intéressante : elle décide donc de lier le savoir-faire balinais à son sens créatif. Cependant, les motifs utilisés par les locaux ne plairont pas aux européens ; qu'à cela ne tienne, elle dessinera elle-même les modèles. Aux paréos s'ajoutent des chapeaux au crochet, puis des écharpes, et de fil en aiguille ce qui à l'origine n'était qu'un petit business entre ami, prend de l'ampleur. C'est ainsi qu'en 1992, avec son ami de l'époque, Christophe Sauvat, Gabriella Cortese crée Antik Batik.
Son concept est de mêler techniques traditionnelles locales et mode. Maille du Pérou, broderie indienne et tannerie pakistanaise sont autant de savoir-faire qu'elle met à profit. Pour ses collections, elle ne suit pas spécialement les tendances, elle serait plutôt du genre à les lancer... Cependant, elle se rend tout de même sur le salon Première Vision (spécialisé dans le textile) afin de connaître les gammes de couleurs de la prochaine saison, mais pour ses inspirations elle n'a besoin de personne.
Antik Batik possède un univers fort, à la fois ethnique et ludique, qu'elle nourrit grâce à une curiosité insatiable. Elle s'inspire d'expos londoniennes, d'anciennes gravures, des robes vintage de Chez Mamie (73 rue Rochechouart à Paris), des costumes des années 30-40 ou même du cinéma de Truffaut. Elle mixe le tout, reprend une idée de broderie, extrait un détail, brode autour et donne naissance à des vêtements ou se confondent vintage, exotisme et espièglerie.
80% de sa production se fait en Inde, dont le savoir-faire l'inspire et lui promet une qualité incomparable. Expertes dans l'art de broder les paillettes (l'un des points forts de la marque), les couturières indiennes permettent aux modèles Antik Batik d'avoir parfois des allures de pièces uniques de Haute Couture...
Gabriella rêve sa griffe comme une vitrine illustrant un certain style de vie. La femme Antik Batik est friande de métissage, porte du vintage, de l'équitable et modernise le tout avec une accessoirisation up-to-date. Le style et les créations de la marque plaisent tout particulièrement à cette tribu sociale que l'on appelle "Bourgeois Bohêmes", même si au fur et à mesure du développement d'Antik Batik, la clientèle de la rue de Turenne ou celle de la rue Cambon (quelques-unes des adresses des boutiques) s'est diversifiée. Elle compte désormais autant de jeunes filles branchées qui viendront rechercher un loup pailleté, que d'adeptes du premier jour venant shopper la fameuse tunique rebrodée, ou que de modeuses en attente de dépaysement.
En un peu plus de 15 ans, le petit monde de Gabriella Cortese a évolué : ce qui n'était qu'une lubie utopiste est devenu une société dont la production est distribuée dans plus de 1500 points de vente. Ses créations se sont patinées et sont moins ethniques qu'à ses débuts. Elle parvient en effet à dépasser le premier degré folklorique des locaux, et conçoit des modèles plus sophistiqués, emprunts de grâce.
10 ans après la création de la griffe, son associé a changé ; c'est désormais le père de son fils qui est à ses côtés. Gabriella pense alors à la diversification : en 2000, elle décide d'habiller les petites filles, et en 2005 elle s'associe à Dim pour lancer une collection de lingerie. Elle participe également à de nombreuses initiatives humanitaires. Elle a par exemple habillé la poupée de l'UNICEF.
Les amies du début, qui regardaient avec envie ses trouvailles venues d'ailleurs, se sont transformées en une pléthore de jeunes stars, plébiscitant ouvertement la griffe, sans que Gabriella ait à leur envoyer des vêtements. Que ce soit Lou Doillon, Sarah Forestier, Kate Moss ou Vanessa Paradis, elles trouvent toutes chez Antik Batik un vestiaire à la fois authentique et chic, qui leur convient à merveille.
En dépit de la tendance hippie chic qui fluctue au fil des années, Antik Batik perdure et séduit toujours autant. Les quatre boutiques de la capitale qui ne désemplissent pas en sont la preuve...