Un défilé new-yorkais, des mannequins placides, une musique rythmée, un parterre de VIP au premier rang… rien ne semble pouvoir venir déranger les rouages bien huilés de ce genre d'événements. Pourtant, une once de fantaisie va venir s'y glisser : alors que les modèles marquent juste un arrêt en fin de podium, une petite nouvelle y prend la pose, et lors de son demi-tour sur le catwalk envoi un clin d'oeil à la dame au carré lissé et lunettes noires assise non loin… La jeune audacieuse se prénomme Chanel, et séduit en une seconde André Léon Talley et la rédactrice en chef de Vogue.
Chanel Iman Robinson est née en novembre 1989 à Atlanta. Son père est afro-américain et sa mère (China Robinson) est moitié coréenne, moitié africaine. La famille vit à Atlanta, mais déménage très vite à Culver City en Californie. Lors de son enfance, Chanel ne supporte pas son prénom, qu'elle juge bizarre et peu populaire. Elle va même jusqu'à se faire appeler Britanny au collège… En fait, la jeune fille est à mille lieues de juger du potentiel d'un tel prénom dans une carrière à laquelle elle rêve pourtant.
En effet, depuis son enfance la petite Robinson n'a qu'une obsession en tête : devenir mannequin. Son entourage la pousse d'ailleurs dans cette voie, mais sa mère la juge trop immature pour tenter sa chance. Néanmoins, la tante de Chanel parvient finalement à la convaincre et emmène l'adolescente de 13 ans faire le tour des agences. L'effet est immédiat : le portable de China - alors hôtesse de l'air - ne s'arrête plus de sonner, et toutes les agences visitées par Chanel veulent la booker !
Il faut dire que la jeune fille, avec ses jambes interminables, son sourire immense, ses yeux rieurs, sa taille de micro guêpe et son charme ravageur, ne pouvait qu'attirer l'attention. Elle décide finalement de signer avec l'agence Ford. Celle-ci lui fait rapidement faire ses gammes dans les catalogues et magazines d'ados.
Il faut très peu de temps à Ford pour sentir que Chanel a tout d'une grande, et pour lui faire prendre un avion vers Paris. La vie de l'adolescente change alors du tout au tout : elle quitte le collège, tandis que sa mère démissionne afin de se consacrer pleinement à sa fille en devenant son professeur, son chaperon et son garde-fou.
En 2006, Chanel remporte la troisième place au concours Ford, puis défile en février pour Anna Sui, Derek Lam, Marc Jacobs, et Proenza Schouler. Elle y marque instantanément les esprits. Son corps gracile, son minois cosmopolite, sa liberté d'action sur le podium et sa lubie d'envoyer une oeillade à l'une des personnes de l'assistance lors des défilés transforme rapidement Chanel en "it" girl.
Elle enchaîne alors les shows : Milan, Paris… Avec toujours sa mère à ses côtés qui ne la quitte pas d'une semelle. China est partout où se trouve Chanel, et le petit monde de la mode commence à s'y faire. Par ailleurs, China prend à coeur que sa fille ne brûle pas les étapes et ne se grise pas au contact de la démesure du milieu dans lequel elle évolue. C'est ainsi qu'elle lui alloue une certaine somme pour son argent de poche, tandis que le reste de ses cachets est bloqué jusqu'à sa majorité.
Chanel pose ensuite pour United Colors of Benetton, Gap puis pour Bottega Veneta (sous l'objectif d'Annie Leibowitz). Cependant, la consécration vient un plus tard, lorsqu'Anna Wintour la choisit pour faire la couverture du Vogue de mai, avec 9 autres mannequins représentant la nouvelle génération de tops. Elle est alors de tous les défilés, et on la sollicite pour de nombreuses campagnes de publicité, telles que Nina Ricci, Alexander McQueen, Marc by Marc Jacobs ou encore Victoria's Secret Pink…
La belle attire alors l'oeil de Tyra Banks (elle-même originaire de Californie), qui décide de la prendre sous son aile. Elle devient son mentor, la prévient des vices du métier, lui fait partager son expérience et lui prodigue moult conseils de professionnelle. Le meilleur selon Chanel est celui que Tyra lui a confié dès le début : "Plan the end at the beginning", autrement dit "Assure tes arrières, car le succès et la gloire ne sont pas éternels".
En dépit d'avoir été projetée parmi les étoiles, Chanel reste une fille de son âge dont la candeur et la simplicité en font une personne irrésistible. Ainsi, personne ne s'offusque lorsqu'elle ne reconnaît pas Paul McCartney, ou lorsqu'elle juge affreuse une paire de sandales à 800 dollars, provoquant une quasi-crise d'apoplexie chez son maquilleur…
Pourtant, Chanel n'en a cure et continue de faire son shopping sur Melrose Avenue (chez Forever 21) et de jouer au football avec ses amis lorsque son emploi du temps le lui permet. Elle est aussi une ado bien avec son temps, qui fond pour le dernier Ipod en Vogue ou pour le dernier must have entre-aperçu sur ses collègues de défilés, qui prend sa voiture pour avaler des kilomètres avec ses amis ou qui passe des soirées pyjamas avec sa meilleure amie dans son appartement new-yorkais…
Malgré tout, si Chanel prend des libertés sur les podiums (qui auraient pu s'avérer risquées) elle est également extrêmement pro. Elle considère ainsi son activité en terme de carrière et non de métier, et a bien conscience que tous ses faits, gestes et attitudes contribueront à faire d'elle un Top. Elle est enfin très heureuse de faire partie de ces filles à la beauté exotique (comme Jourdan Dunn) que le monde de la mode plébiscite enfin, accentuant ainsi le métissage sur les podiums et dans les magazines…
Par Lise Huret, le 28 juillet 2008
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