Si aujourd'hui l'enseigne n'est plus au coeur des débats de société, elle n'en a pas pour autant disparu du paysage commercial, bien au contraire : ses boutiques continuent d'envahir la planète, tandis que son chiffre d'affaires est au beau fixe et que ses clientes ont fini par ériger ses pull-overs vitaminés au rang d'essentiels, au même titre que le tee-shirt Petit Bateau ou le trench Burberry.
Pourtant, en 1945, personne dans la petite ville de Trévise n'aurait misé sur l'avenir de Luciano Benetton. Venant de perdre son père, celui-ci se retrouve en effet dans l'obligation de vendre des journaux à la criée. L'ironie du sort voudra que ce soit en affûtant très tôt son sens du commerce et de la vente que le jeune garçon aura l'idée qui révolutionnera son destin.
Quelques années plus tard, après avoir vu sa soeur Giuliana tricoter de jolis pull-overs, il se met ainsi en tête d'aller vendre ces derniers au porte-à-porte. L'accueil est positif, les produits plaisent. Très vite, Luciano croit en l'avenir prometteur de leur affaire…
Entouré de ses frères et de Giuliana, il décide alors de monter une boutique où seront proposés des pulls ayant la particularité de se décliner en pas moins de 48 teintes. Pour réaliser ce projet, Luciano a auparavant effectué un séjour en Angleterre, d'où il ramène une technique permettant de tisser un tricot écru que l'on peut teindre au dernier moment, afin de coller au plus près des envies du consommateur.
La couleur - et notamment les teintes vives - devient alors le fer de lance de la griffe italienne. Pourtant, à l'époque, porter du rouge vif, du vert pomme ou du bleu turquoise n'est pas vraiment dans les moeurs... Benetton révolutionne donc le monde du tricot, en lui injectant la dose de vitamines qui lui faisait jusqu'alors défaut. Le concept United Colors est lancé.
La première usine Benetton voit le jour en 1966. 3 ans plus tard, la marque s'offre sa première boutique parisienne. En 1985, les Benetton matérialisent leur hégémonie sur le monde de la maille en créant la holding Benetton. Celle-ci est dirigée de main de maître par la fratrie, avec Luciano au marketing, Gilberto et Carlo à la production et Giuliana au stylisme.
Cependant, si à cette époque Benetton devient incontournable, ce n'est pas seulement grâce à ses produits, mais aussi et surtout grâce à la politique de communication innovante qu'il met en place. En effet, jusqu'en 1982, les campagnes de publicité mettant l'accent sur la couleur ne font que promouvoir l'ADN de la griffe sans lui apporter de valeur ajoutée. Une rencontre va alors bouleverser cet ordre établi et attirer subitement l'attention des médias…
En 1982, Luciano Benetton fait ainsi la connaissance du photographe Oliviero Toscani. Ensemble, les deux hommes vont choisir de faire prévaloir l'image sur le vêtement, le message sur le produit. Ils veulent alors mettre l'accent sur la diversité culturelle qu'évoque directement le fameux "United Colors" de Benetton.
Le duo fonctionne à merveille, les panneaux publicitaires se couvrent de photos de personnes métissées, évoquant la différence de façon positive. Mais le tout reste très politiquement correct, rappelant plus ou moins les campagnes de l'Unicef. Il faudra attendre quelques années pour que Benetton devienne synonyme de controverse…
En effet, en 1990, la ligne de communication se radicalise, la marque prenant clairement position sur des sujets polémiques. Elle diffuse ainsi des images chocs et crues, évoquant le sida, les conflits internationaux, les droits de l'homme bafoués… jusqu'à parfois friser l'insoutenable. Plus de couleurs joyful à l'horizon, Benetton se pose en véritable poil à gratter de la société. Très vite, les clichés d'Oliviero Toscani deviennent indissociables de la griffe…
Si Luciano déclare à l'époque "Nous n'avons pas conçu nos publicités dans le but de provoquer, mais de faire parler, de développer une conscience citoyenne", Benetton dégage néanmoins un parfum de soufre, qui ne l'empêche pas d'étendre sa notoriété et d'asseoir son succès.
Il faut dire qu'outre ses publicités fracassantes, le groupe a mis en place depuis les années 70 une stratégie de diversification qui lui profite à merveille…
En 1974, la griffe Sisley entre ainsi dans les boutiques Benetton. Peu après, le groupe italien décide de développer une ligne enfant et de monter quelques autres marques - dont certaines sont encore dynamiques aujourd'hui - telles que Killer Loop ou Playlife.
Par la suite, il diversifie son offre en mettant sur le marché d'autres produits s'éloignant du textile pur (cosmétiques, lunettes, linge de maison, parfum et montres), mettant peu à peu en place le lifestyle Benetton.
Suivant la trajectoire des multinationales ultra fructueuses, Benetton ne s'arrête pas au secteur de la mode et investit dans les infrastructures autoroutières, les télécommunications, la restauration...
En 2000, Luciano et son photographe fétiche se brouillent, ce qui va engendrer une lente transformation de l'image de la griffe. En effet, une fois Toscani disparu de l'équation, la volonté provocatrice de Luciano s'estompe progressivement.
Le concept perdure néanmoins jusqu'en 2003, pour finalement s'estomper au profit de campagnes plus consensuelles. A la même époque, Luciano se désengage de la direction de la société en laissant les rênes à l'un de ses plus proches collaborateurs : Silvano Cassano.
Depuis, l'enseigne ne défraye plus la chronique et se contente d'appliquer à la lettre la nouvelle stratégie de Luciano : "Nous nous adressons à une femme active - mais également aux hommes et aux jeunes - recherchant des basiques, tout en étant bien sûr attentifs aux tendances, mais sans obsession". Celle-ci semble d'ailleurs réussir au groupe, celui-ci engrangeant chaque année des bénéfices croissants, et cela même si le secteur textile ne génère qu'un quart des revenus de la pieuvre Benetton...
Malgré tout, cette dernière n'est pas épargnée par la crise : une annonce récente fait état de la volonté du groupe de réduire son dividende de 30% et de tailler dans ses dépenses, afin de se ménager une marge de manoeuvre financière…
Par Lise Huret, le 19 mars 2009
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Mais j'avoue que j'ai jamais essayé...