La dernière campagne Louis Vuitton, les couvertures de Vogue Italie, le livre "Sex", la mise en orbite de Coco Rocha... tout cela est signé Steven Meisel. Tête brûlée de la profession, moins trash qu'un Terry Richardson mais bien plus sulfureux qu'un Mario Testino, Meisel a su peu à peu se rendre indispensable. En dépit d'être particulièrement férue de changements, la sphère fashion confie ainsi régulièrement campagnes de pub, rédactionnels et couv' à cet autodidacte, et cela depuis les années 80…
Steven Meisel est né à New York en 1954. Très tôt, il développe une véritable fascination pour les femmes, qu'il se met à croquer sur le moindre bout de papier. Il assouvit sa passion en compulsant les magazines se trouvant à sa portée, à tel point que les mannequins figurant dans Vogue et Harper's Bazaar n'ont bientôt plus de secrets pour lui. Au-delà du simple engouement, le jeune Steven voue un véritable culte à ces pages de papier glacé, si bien que sa mère lui permet de rester à la maison le jour de leur parution…
Meisel lui-même reconnaîtra plus tard que cette passion avait quelque chose d'obsessionnel. A l'époque, il en vient en effet à demander à ses amies de téléphoner aux agences de mannequins en se faisant passer pour les secrétaires de Richard Avedon, afin de récupérer les épreuves des filles qui obsèdent alors son esprit. Elles se nomment Twiggy, Jean Shrimpton ou encore Veruschka...
Persuadé que son avenir est dans la mode et bien décidé à côtoyer ses icônes de près, Steven Meisel entame des études de dessin au collège Art and Design, les poursuit à la Parsons School mais les interrompt avant la fin : le jeune homme s'ennuie. Par la suite, il décroche un job d'illustrateur chez Halston puis chez Women's Wear Daily, où il se constitue un joli carnet d'adresses.
À ce moment, Meisel ne pense pas une seconde devenir photographe. Certes, il admire Irving Penn, Richard Avedon et Bert Stern, mais leur talent le tient à distance de toute identification. Il va pourtant bel et bien devenir l'un des photographes les plus influents de son époque…
En ce qui concerne la genèse de sa carrière, deux versions subsistent. L'une assure que Meisel était novice en photographie lorsqu'il tomba sous le charme de deux mannequins d'Elite, qu'il shoota dans sa cage d'escalier. Ces dernières utilisent alors les clichés dans leur book. Or, ces dernières s'avèrent si réussies que le magazine "Seventeen" embauche Meisel juste après les avoir vues… L'autre version affirme que Steven Meisel a simplement pris des cours de photo et qu'il a débuté en faisant des "test shots" de modèles pour Seventeen...
Quoi qu'il en soit, une fois chez Seventeen, Annie Flanders - rédactrice de mode - tombe sous le charme de ses prises de vue singulières et précises, à la mise en scène léchée, et décide de lui offrir sa première couverture. Au même moment, elle lui présente Frances Grill, une agent de photographes. Les deux femmes sont alors persuadées d'avoir déniché la perle rare. Elles sont encore bien en deçà de la réalité...
Flanders met en contact Meisel et Kezia Keeble, nouvelle chez Condé Nast. Cette dernière propose au jeune homme de shooter la couverture du nouveau magazine Self : c'est un succès, les ventes flambent et Meisel est lancé.
Par la suite, il fait connaissance avec Madonna, avec qui il rentrera instantanément en osmose. Il faut dire qu'ils ont tous deux envie de défrayer la chronique et de bousculer les idées bien pensantes. En 91, ils publient ensemble le fameux livre "Sex". Sous l'objectif de Meisel, Madonna se permet les poses les plus érotiques…
Sa renommée grandit, si bien qu'il devient progressivement le chouchou des éditions US et Italie du cultissime Vogue. Anna Wintour et Franca Sozzani ne jurent en effet que par lui, et lui confient régulièrement la couverture de leur magazine.
Pourtant, Steven Meisel n'est pas ce qu'on pourrait appeler un photographe consensuel dont le travail fait l'unanimité. L'homme aime choquer, juxtaposer mode et prises de positions politiques ou sociales, jusqu'à parfois friser l'indécence. En septembre 2006, il publie ainsi une série de photos dans le Vogue Italie, sur lesquelles on peut voir des mannequins se faire assassiner dans une sorte d'univers parallèle morbide. Il s'attire alors les foudres des organisations féministes…
Il y a quelque temps, il composa également une campagne de pub pour DSquared, dans laquelle les modèles s'offraient du bon temps avec des mannequins de crash-tests. Dernièrement, il mit en scène la nouvelle pratique sexuelle qui monte (constituant à avoir des rapports sexuels dans des lieux semi-publics) : le dogging. Il va alors trop loin pour Vogue Italie, qui refuse de publier la série. Ce petit couac permettra au magazine V de la reprendre à son compte et de créer le buzz…
Paradoxalement, plus il choque, plus sa côte grimpe en flèche : il a beau transgresser régulièrement les règles et repousser les limites de l'artistiquement correct, Meisel ne cesse d'être sollicité par une industrie du luxe férue de ses clichés choc, sulfureux, mais toujours esthétiques. Chaque saison, il shoote ainsi les campagnes les plus convoitées : Dolce & Gabbana, Valentino, Versace, Calvin Klein...
Ceci dit, sa liberté totale d'expression lui permet de faire évoluer les choses dans le milieu de la mode. On lui doit notamment deux numéros de Vogue Italie entièrement consacrés aux mannequins de couleurs, afin de mettre en exergue leur trop grande absence sur les défilés, dans les magazines et dans la publicité...
Steven Meisel est également à l'origine de l'éclosion de bon nombre de figures actuelles du mannequinat. Toujours en quête de nouveaux visages, de nouveaux frissons et de beautés insolites, l'homme a propulsé sous les spotlights des filles telles que Coco Rocha, Gemma Ward, Sasha Pivovarova ou encore Snejana Onopka. Figurer sur une campagne shootée par Meisel est en effet considéré comme une véritable mise en orbite fashion…
S'il est connu pour avoir révélé au grand public des beautés magnétiques, il semble aujourd'hui se passionner pour un autre type de jeune femme : la brit girl. En effet, depuis la dernière campagne Pringle of Scotland - dans laquelle il fit figurer Pixie Geldof et Daisy Lowe - le photographe semble complètement fasciné par la jeunesse pétulante et sans tabous de ces nouvelles it girls. Or, lorsque Meisel tombe sous le charme, il a plutôt tendance à devenir monomaniaque… ce qui vaut à la clique de Pixie Geldof de squatter actuellement les magazines (Vogue, W) où Meisel officie.
Au final, si l'on désire découvrir les égéries de demain avant tout le monde, il suffit de suivre le travail de Steven Meisel de très près. Année après année, le photographe ne s'est en effet jamais trompé...
Par Lise Huret, le 27 mars 2009
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Très doué pour faire des mise en scène !!