Celui qui sortit en 1992 le sulfureux livre "Sex", dévoilant la chanteuse Madonna dans des poses plus que suggestives, a depuis fait du scandale son fonds de commerce. En effet, que ce soit à l'occasion de ses nombreux shootings de campagnes ou lors de ses multiples parutions dans Vogue Italie, où il n'hésite pas à tourner en dérision des thèmes tels que l'obsession de la chirurgie esthétique, les fouilles au corps, la psychose H1N1 ou encore le dogging (partie fine dans des lieux semi-publics - la série sera d'ailleurs refusée par Condé Nast), Steven Meisel semble aimer prendre le contre-pied de l'univers léché dans lequel il évolue.
Cela dit, le photographe faisant partie intégrante de ce microcosme, on a parfois du mal à faire la part entre travail artistique sincère et posture visant à entretenir sa légende. Si bien que de multiples lectures de sa toute récente série "Wild is The Wind" s'avèrent ici possibles...
On notera au préalable qu'en grimant ses mannequins en vagabonds et en tirant des clichés destinés à un magazine de mode, Meisel s'inscrit dans la lignée de Galliano qui, il y a 10 ans, choqua les respectables clientes de Dior lors de son fameux défilé de clochards Haute Couture.
Aussi incongru que cela puisse paraître, il arrive en effet que ces deux mondes diamétralement opposés finissent par se rejoindre fictivement, afin de servir telle ou telle lubie créative. Sans parler des nombreux exemples dans l'histoire de l'art, où le thème du miséreux fut souvent exploité, donnant vie à quelques chefs-d'oeuvre (voir ici et là).
On l'a compris, la pauvreté s'avère parfois inspirante. Cependant, si dans un musée le visage famélique d'un enfant croqué par Picasso peut virer au sublime, la mise en scène de cette même misère dans un cadre dit fashion peut avoir quelque chose d'obscène, ou tout du moins d'indécent.
Car quelles que soient les intentions de Meisel, que ce soit d'offrir une minute de culpabilité à celles qui feuillettent Vogue sur leurs draps de satin, d'évoquer les travers de cette mode qui propose parfois des pièces destroyed à prix d'or, d'imaginer un monde post-apocalyptique où les vêtements ne serviraient plus à parader mais bien à se protéger des agressions extérieures ou encore de mettre en abîme les préceptes "bobo bien-pensants" appelants à un drastique retour à la nature, le procédé reste discutable.
En outre, les maquillages très premier degré ne permettent pas de prendre la distance nécessaire pour apprécier les couleurs à la Vermeer et les références à la peinture flamande émaillant cette série, tandis que de trop nombreux détails font gratuitement écho à cette misère croisée de plus en plus régulièrement sur les pavés de la capitale.
Au final, entre la vue d'un mendiant faisant l'aumône rue Saint Honoré et celle d'une mannequin accumulant les vêtements de marques en guise de couverture (singeant ainsi la précarité pour un magazine haut de gamme), on ne peut s'empêcher de penser que l'industrie du luxe manque parfois légèrement d'élégance...
Par Lise Huret, le 02 juillet 2010
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Ce qu'il y a de génial, c'est qu'outre ton goût toujours très sûr (cf tes conseils de mode), tu parviens à extraire de ce à quoi on s'intéresse d'abord pour le fond, c'est-à-dire la beauté dénuée de tout sens, une réflexion percutante et pertinente. Pour couronner le tout, tes articles sont très agréables à lire et fourmillent de références culturelles pointues.
Je te tire mon chapeau, Coco.