On croyait le futur ex-directeur artistique de Lacoste timide, il n'en est rien. Mis récemment dans la lumière après avoir été nommé à la succession de Jean Paul Gaultier chez Hermès, l'homme se révèle certes discret, mais également fort de ses convictions (qui ne s'encombrent guère du fashionnement correct). Il est en effet parvenu à surmonter ses complexes d'antan, liés notamment au fait de n'avoir pas avoir fréquenté les écoles de stylisme...
Fort de son succès chez Lacoste et honoré d'avoir été choisi par Hermès, Lemaire se sent désormais parfaitement légitime au sein du fashion cosmos. Après des années exemptes de toute présentation publique, le créateur a d'ailleurs fait récemment défiler sa collection éponyme à Paris ; l'occasion pour lui de montrer à tous que son travail - influencé par la culture japonaise - a gagné en force, épure et précision.
Dès mars prochain, Christophe Lemaire intégrera donc le sérail des DA qui comptent et dont le travail influence intensément la courbe des tendances. Il est dès lors intéressant de savoir ce que cet ancien assistant de Christian Lacroix pense du paysage mode actuel...
En déclarant - dans une récente interview accordée au NYMag - considérer Phoebe Philo comme le designer du moment, Lemaire donne le ton : à l'éphémère, il préfère les pièces confortables, accompagnant le mouvement et servant l'allure, tout en étant dénuées de marqueurs temporels. Celui qui passa ses jeunes années en uniforme avoue d'ailleurs ne pas être friand de cette mode périmant ses must have tous les 6 mois...
Il se dit également lassé - pour ne pas dire exaspéré - par cet éternel recommencement animant les griffes dites incontournables. Selon lui, passer sans cesse du "boho chic au rock &roll, du rock au boho chic puis du hippie chic au punk chic" a quelque chose de superficiel, en total décalage avec cet esprit rock dont elles se réclament. Pour Lemaire, cela n'a même plus rien de transgressif, le classique étant désormais bien plus "rock and roll" que ces pseudos postures décadentes.
Il ironise alors sur ces personnages branchés pseudo rebelles - à l'instar d'Olivier Zahm - qui, dans leurs excès très "sexe & drogue", s'avèrent au final les principales victimes du système ; il estime d'ailleurs que les magazines du type "Purple" - dirigé par Olivier Zahm - ne sont qu'une vaste blague... Tel un torero plantant sa dernière banderille, Lemaire déclare enfin que jusqu'à l'avènement récent de la Célinemania, les femmes super lookées ressemblaient toutes à des "prostituées de luxe"...
Se plaçant en marge d'une hypitude boulimique de nouveautés, Christophe Lemaire cherche avant tout à inscrire dans le long terme sa réflexion sur la notion de style, ce qui devrait porter ses fruits chez Hermès. Rendez-vous en mars 2011 pour juger du résultat. D'ici là, une halte dans sa boutique de la rue de Poitou permettra aux néophytes de prendre le pouls de cet homme à part, au discours aussi rafraîchissant que piquant...
Par Lise Huret, le 08 juillet 2010
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Je salue son courage pour dire tout haut les malaises de l'industrie de la mode et du luxe de ces dernières années.En dénonçant y compris ses circuits autoproclamés " alternatifs" mais tout aussi bidons que le mainstream du luxe ( cf Purple).
Par ailleurs, bravo également à son travail impeccable, aux tissus et coupes possédant une qualité oubliée par bien d'autres marques.
Merci de parler de cette figure représentative d'une mode légèrement en "marge" ( dans le sens ultra-positif et atemporel du terme, bien sûr.)
Son discours sur l'aspect consommable et du coup dénué de valeur de la mode actuelle me rappelle nombre des excellentes interviews "Off Record" de Magazine.