Quand mode rime avec humour
Des rédactrices de mode snobant leurs concurrentes aux RP dépourvues de second degré, en passant par les glaciales vendeuses des boutiques de luxe et autres protagonistes de la fashion sphère aux mines condescendantes, force est de constater que la mode n'est s'est jamais autant prise au sérieux. Tout y est devenu minuté, maîtrisé, calibré, prévisible… et donc lassant. Pour autant, il suffit qu'une touche d'humour teintée d'ironie s'invite à la fête pour que les choses deviennent soudainement plus savoureuses et moins prétentieuses...
Le Frakta d'Ikea
En concevant son ready-made Ikea, Demna Gvasalia s'attendait-il à une réaction de la part de l'enseigne suédoise ? Toujours est-il que le fief de Peter Agnefjäll n'aura pas mis longtemps avant de diffuser une notice espiègle - voir ici et là - nous expliquant dans le détail la différence entre le Frakta original et sa copie Balenciaga. Et la marque de conclure : "Si par mégarde vous vous retrouvez avec un sac bleu de designer à 2145 dollars au lieu de sa source d'inspiration à 0,99 dollar, vous ne pourrez pas dire que vous n'avez pas été prévenu". Amusant, piquant et bien vu !
La série "Spoof" de Nathalie Croquet
Qui ne s'est jamais demandé ce que donneraient les campagnes Céline, Chanel ou encore Givenchy si, en lieu et place de telle ou telle mannequin en vogue, était photographiée une femme de plus de 40 ans au physique "normal" ? La réponse à cette question existentielle nous fut donnée en 2015 par la styliste Nathalie Croquet, qui rendit hommage à sa manière aux campagnes publicitaires de saison en se métamorphosant à la manière d'une Cindy Sherman et en reproduisant à l'identique l'esthétique des photographies, le tout pour un résultat à la fois saisissant, décalé, drôle et légèrement grinçant (voir ici, ici, ici et là). Et si Nathalie Croquet se défend de toute intention sarcastique (la styliste devant s'assurer de ne pas offusquer le milieu au sein duquel elle évolue), ses portraits n'en suscitent pas moins des réflexions profondes que seul un humour subtil sait engendrer.
Le paillasson Chanel
Lorsqu'en 2014, Karl Lagerfeld démontre une fois de plus sa capacité à créer des cimaises hors norme pour ses défilés saisonniers en reconstituant un supermarché sous les verrières du Grand Palais, il en profite également pour saupoudrer de second degré - voire même d'autodérision - certains éléments de son décor. On ne peut ainsi que s'incliner devant celui qui n'a pas hésité à estampiller des paillassons du nom de la prestigieuse maison parisienne (voir ici et là)…
La série mode de Maurizio Cattelan et Pierpaolo Ferrari pour le New York Magazine
Artiste contemporain et fondateur du magazine Toilet Paper, Maurizio Cattelan - à qui l'on doit des oeuvres aussi controversées que visuellement impactantes - ne se refuse jamais une incursion au sein du petit monde de la mode (on pense notamment aux campagnes Kenzo). Il faut dire que son esthétique surréaliste et dénuée de tabous se révèle souvent ultra photogénique. C'est ainsi qu'en 2014, le New York Magazine n'hésita pas à lui confier à lui et son acolyte Pierpaolo Ferrari la réalisation de leur "Spring Fashion Issue". Entre mise en scène politiquement incorrecte et clichés ironisant sur le rapport entre femme et mode, cette série fit du vêtement griffé un simple prétexte pour raconter des histoires absurdes à l'humour acide. Rafraîchissant.
Les "femmes" de Mademoiselle Agnès
Elle pourrait être terriblement agaçante avec sa ligne svelte, son carnet d'adresses plus épais qu'un généreux layer cake, son meilleur ami à l'humour pince-sans-rire et son accès illimité aux fringues les plus intrigantes du moment. Pourtant, Mademoiselle Agnès est une des rares protagonistes de la fashion sphère nous donnant follement envie d'aimer la mode. Avec ses femmes Fenty, Céline ou encore Gucci imaginées en duo avec Loïc Prigent, elle nous permet en effet de poser un regard attendri sur ces personnages dont l'ADN découle directement de névroses fashion. À leur contact, on rit et on leur pardonne tout. Et lorsque cette trublionne faussement snob toute de Balenciaga vêtue éructe "Pourquoi la moquette ? Parce que j'aime la quéquette !", on ne peut que saluer son génie outrancier.
La danse d'Alber Elbaz
Original, mais sans pour autant casser les codes, le clip de la campagne Lanvin automne/hiver 2011-2012 - qui vit les mannequins Karen Elson et Raquel Zimmermann se déhancher joyeusement sur le titre "I know you want me" du rappeur Pitbull - serait sûrement passé inaperçu sans l'apparition finale d'Alber Elbaz. Six ans plus tard, la simple évocation de ce caméo insolite, généreux et franchement drôle continue de nous faire sourire...
Mais aussi...
Les créations d'Elsa Schiaparelli.
Le court métrage facétieux produit par Dior en 2011.
La campagne Marc Jacobs avec Victoria Beckham (2008).
Les fameux tweets de Loïc Prigent.
Par Lise Huret, le 27 avril 2017
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