Valises, névroses et bikinis...
Dans les halls des aéroports, les femmes se croisent sans se ressembler. Essayons d'imaginer un instant la vie et le contenu des valises de ces voyageuses qui s'envolent vers des étés aussi différents que mystérieux…
La mère de famille débordée
Céline aurait aimé faire un saut au salon de coiffure du coin avant de faire monter toute sa tribu dans l'avion les menant à Arcachon pour l'été, mais une ultime lessive l'a retenue à la maison. Tant pis : cet espoir capillaire avorté ne fera que s'ajouter aux autres frustrations qui jalonnent son quotidien de mère dévouée. Cela fait en effet longtemps (plus précisément depuis la naissance du quatrième) qu'elle a renoncé à faire les soldes chez Agnès B (il y a tant de bonnes affaires à faire chez Gap Kids !), à déjeuner dans les cafés en vogue (dont l'espace lilliputien séparant les tables semble hurler "Poussettes not welcome !"), à s'offrir une manucure qui ne résistera pas plus de quelques jours aux activités manuelles dont Gisèle et Martin sont friands ou encore à réussir à garder les paupières levées - une fois le dernier né enfin endormi - pour lire les prix Renaudot qui s'entassent d'année en année sur sa table de chevet… La tête appuyée contre le hublot de l'avion, elle se prend à espérer que ces vacances dans la maison de ses beaux parents lui permettront de souffler un peu (et, pourquoi pas, de prendre un amant). Un jet de lait caillé en provenance de l'adorable petite créature qu'elle tient sur ses genoux la rappelle cependant bien vite à la réalité...
Quelques éléments de sa valise
Un maillot de bain une pièce acheté - sans l'avoir essayé - lors du plein de la semaine chez Monoprix.
Ses vieilles K.Jacques.
Un laxatif puissant (dérobé dans le labo de l'entreprise pharmaceutique de son mari) qui lui permettra de se venger de sa parfaite - mais insupportable - belle mère, les jours où celle-ci lui fera sentir de manière un peu trop directe que son fils méritait mieux.
Des bijoux Aurélie Bidermann (vestige de ses années - pas si lointaines - passées à travailler dans la mode).
Les vieilles chemises de son mari (qu'elle a prévu de porter sur son maillot de bain).
Plusieurs boîtes de Relpax afin de pallier les migraines que ne manqueront pas de lui donner les escapades nocturnes de son aînée.
Les lunettes de soleil Chanel que sa maman lui a léguées.
Trois huiles essentielles (lavande, rose et menthe poivrée) qu'elle utilise combinées pour soigner les coups de soleil de toute la famille.
La trentenaire jusqu'au-boutiste
En soufflant sa trentième bougie en novembre dernier, Capucine se jura que l'été 2017 serait celui de toutes les revanches : sur son ex-fiancé qui l'a quittée pour une rousse mutine de 19 ans, sur sa mère qui lui a toujours servi des parts plus petites qu'à ses frères (de peur qu'elle ne grossisse) et sur ses collègues qui l'apprécient uniquement parce que son IMC ne fait pas d'elle une potentielle rivale.
Pour ce faire, elle écuma dès le mois de décembre les comptes Instagram des blogueuses beauté afin de dénicher le régime le plus efficace, devint vegan au mois de janvier puis anti-gluten en février, avant de s'adonner à l'alimentation paléo en mars et au plasma marin en avril.
Depuis, elle frôle l'anorexie, a développé une légère tendance à la schizophrénie alimentaire (haricots verts un jour/Bounty le lendemain/poudre protéinée le surlendemain) et affiche un corps svelte qui la comble de joie... lorsque son humeur ne flanche pas pour cause d'hypoglycémie et qu'elle n'est pas trop exténuée par les intenses séances de biking qu'elle s'impose cinq fois par semaine.
Dans quelques jours, elle s'envolera pour Bali, avec la ferme intention de rentabiliser au mieux ces longs mois d'efforts...
Quelques éléments de sa valise
Des tops cropped qu'elle mariera à des shorts en jean taille haute.
Une robe mini mais ample.
Un maillot de bain une-pièce sexy (qu'elle emmènera lors de ses séances de snorkeling).
Une robe longuissime légèrement translucide qui laissera entrevoir sa silhouette dans la lumière du couchant.
Des bijoux dorés qui sublimeront son bronzage.
La Critique de la Raison Pure d'Emmanuel Kant (afin de montrer à la gent masculine qu'elle est un esprit avant d'être une plastique…).
Son matériel de tricot (seul moyen en cas de coup dur de détourner son esprit du contenu chocolaté du mini-bar).
L'ado de 15 ans
Allongée sous le cerisier du jardin familial, Emma pianote sur son smartphone en se demandant comment faisait sa mère à l'époque du téléphone filaire pour ne pas perdre le contact avec sa communauté. Car si elle regrette parfois de ne pas pouvoir mettre en pause sa vie digitale (Instagram, Facebook, Snapchat, WhatsApp…), elle n'imagine pas une seule nanoseconde pouvoir se passer de ce cocon de réseaux interconnectés (il ne s'agirait pas de manquer une info vitale, du genre "Pauline a-t-elle réussi à convaincre sa mère de lui acheter la fameuse jupe Sandro dont elle rêvait ?"). C'est d'ailleurs sur son fil Instagram qu'elle a identifié les pièces qu'elle devait absolument emmener pour ses premières vacances - une immersion d'un mois en Angleterre - loin de ses encombrantes petites soeurs...
Quelques éléments de sa valise
Un hand spinner (accessoire indispensable pour pimenter ses Instagram Stories).
Une jupette en jean.
Un tee-shirt Sézane "La Femme" (offert par sa tante Parisienne).
Des baskets rose pâle.
Une petite robe fleurie (la marque Rouje de son idole Jeanne Damas étant pour elle hors budget, elle a dû se contenter d'un ersatz de chez H&M).
Des lunettes de soleil évoquant celles de chez Miu Miu.
Hector, le micro lapin Bonpoint qui la suit depuis ses premiers jours à la maternité et dont elle n'imagine pas un seul instant se séparer.
Des créoles dorées.
La bourgeoise-bohème à l'abri du besoin
Amie parfaite, femme aimante, mère coolissime, entrepreneuse successful, patronne compréhensible, artiste douée et copine délurée quand il le faut, Betty cumule toutes les qualités, au point d'en apparaître parfois irréelle. Cette jolie blonde cendrée de 39 ans est en effet de ces femmes sur lesquelles la pluie glisse mais ne dégouline pas, sur qui les oreillers ne laissent aucune trace au réveil, qui ne culpabilisent jamais à l'idée de croquer dans un troisième croissant pur beurre et qui après une journée passée à la kermesse du petit dernier affichent encore une bonne humeur sans faille. Cet été, elle réunira une fois de plus son clan - un photographe de mode, une graphiste, un directeur d'agence de mannequins, une chanteuse au succès confidentiel et plusieurs amies d'enfance - au sein de son immense mas provençal, où chacun admirera sa capacité à gérer d'une main douce et pragmatique l'intendance de ce petit paradis, tout en affichant beauté solaire, joie enfantine et enthousiasme communicatif.
Quelques éléments de sa valise
Une paire de lunettes Tom Ford (elle n'en pouvait plus de ses vieilles Carrera).
Une vingtaine de bracelets Jokko (qu'elle distribuera à la fin de l'été aux petites amies de ses fils en guise de porte-bonheur).
Des pièces en coton ultra léger ramenées de sa dernière escapade en Grèce.
Des bikinis Eres et Zimmermann.
Une paire de claquettes Hermès.
Un chapeau de paille offert par sa copine DA chez Maison Michel.
Un long et léger caftan jaune (qu'elle enfile sur son bikini pour aller préparer des mojitos et des laits à la fraise).
Un pantalon rayé (qu'elle associera à un tee-shirt Petit Bateau pour aller faire le marché).
Des joncs dorés qui magnifient le bronzage.
Sa petite fiole de vodka (le secret - bien caché - de son éternelle bonne humeur).
Par Lise Huret, le 29 juin 2017
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