Observations canadiennes #2
Entre préparation d'Halloween, néo-réflexes du 21e siècle, non-vertige de certains et initiative "dad friendly" de pères canadiens, tour d'horizon des petites choses ayant récemment interpellé la Française exilée dans le "Grand Nord" que je suis...
Les "workers", ces funambules en Timberland
Ayant emménagé dans un immeuble encore en construction, il nous arrive très régulièrement d'y croiser des ouvriers. Des hommes et des femmes de tous âges qui, en dépit de leur métier difficile - et contrairement à la plupart des habitants du condo - ont souvent le sourire et n'hésitent pas à plaisanter avec Charles. L'admiration que je leur porte ne fera que s'accentuer lorsqu'un matin, quatre d'entre eux viendront poser l'un des pans vitrés manquant à notre balcon : alors que j'ai du mal à poser un orteil sur ce dernier sans craindre d'être happée par le vent qui y souffle violemment (nous sommes situés au 56e étage), ils y évoluent avec un naturel quasi irréel. Et que dire lorsqu'ils se penchent dans le vide (sans protection) pour attraper la vitre qui descend de l'étage du dessus… Ils agissent comme si l'attraction terrestre n'avait pas de prise sur eux. Plus tard, quand autour d'un café brûlant je leur demanderai quel est leur secret pour ne pas avoir peur, ils me répondront amusés que la hauteur et le vide génèrent de l'adrénaline et que c'est indispensable pour apprécier les côtés moins "fun" de leur job…
Partager ou non l'addition
Attablés un restaurant du quartier, nous attendons sagement la note. Tout au long du déjeuner, nous avons échangé avec le serveur sur notre arrivée à Toronto, notre mode de vie… Autant dire qu'il a bien compris que nous étions en couple depuis longtemps. Cela ne l'empêche cependant pas de nous demander en nous présentant l'addition : "Ensemble ou séparé ?". J'en plaisante avec lui, et lui de me répondre : "Oh vous savez, c'est le 21ème siècle, je suis obligé de demander". J'aurais aimé que l'on s'attarde sur le sujet, mais une autre table lui fait signe et nous devons rentrer travailler...
Halloween
Suspendu à une branche, un corps démembré se balance doucement. Un peu plus loin, un pied ensanglanté sort de terre, sous le regard malicieux d'une énorme citrouille gonflable posée sur le toit d'un garage… Le récit de mon dernier cauchemar ? Non, simplement celui d'une balade dominicale au sein d'une zone résidentielle torontoise à l'approche d'Halloween. À coups de gentils fantômes, de toiles d'araignées à effilocher sur les haies, de crânes embrochés sur un crochet et de colonies de rats en plastique, les Canadiens s'adonnent avec une joie non dissimulée à cette tradition anglo-saxonne érigeant le gore en véritable art de vivre saisonnier.
Et si la fête d'Halloween est commerciale à souhait (Starbucks a d'ailleurs sorti un frappuccino pour l'occasion), elle n'en est pas moins à l'origine de moments assez savoureux. Je pense notamment à notre fou rire devant la mine écoeurée de Charles découvrant l'intérieur d'une citrouille, au plaisir de voir à la nuit tombée les ombres de nos "pumpkins" transformer l'appartement en maison hantée ou encore au fait de pouvoir aller à l'école habillé en super-héros le vendredi précédant le jour officiel d'Halloween. Une école qui prend d'ailleurs tout cela très au sérieux, au point d'encourager les parents à venir également déguisés. Ce matin, en accompagnant son fils dans sa classe, Julien a ainsi eu le plaisir de croiser un père transformé en Minion, une mère en Raiponce et une autre en Superwoman…
Dads time
Dimanche 22 octobre, 11h. En cette matinée d'automne inhabituellement douce, nous nous dirigeons vers un parc que nous apprécions beaucoup mais que nous fréquentons peu (celui-ci étant situé à 30 minutes à pied de chez nous). Une fois arrivés, Charles s'élance vers les balançoires. Alors que je commence à le pousser, je réalise qu'il n'y a quasiment que des pères autour de nous. Pas de maman à l'horizon. À côté de moi, une adorable fillette hurle à son père "Higher ! Higher !". Ce dernier s'exécute et me sourit :
"Beautiful day, hey ?".
J'acquiesce.
"C'est notre jour aujourd'hui, celui des papas, on laisse nos femmes faire la grasse matinée et on s'occupe de tout."
"Ah bon ? C'est drôlement sympa !"
"On est une dizaine de pères, on se retrouve ici deux dimanches par mois. On emmène du café, des cookies et nos enfants."
Notre progéniture respective interrompt alors notre conversation.
Quelques minutes plus tard, en attendant Charles en bas d'un toboggan, j'observe fascinée ce tableau digne d'une série HBO, entre thermos de café, pères healthy au sourire ultra bright arborant sweatpants et casquettes, montagnes de muffins et bambins - dont certains sont encore en pyjama - turbulents mais pas trop. Et le "pire", c'est que tout ce petit monde parfait à vraiment l'air de s'amuser...
PS : Pour ceux que cela intéresse, j'ai récemment échangé avec Géraldine sur ma manière d'envisager le voyage.
Par Lise Huret, le 27 octobre 2017
Suivez-nous sur , et