Valises, été et bikinis...
Dans les halls des aéroports, les femmes se croisent sans se ressembler. Essayons d'imaginer un instant la vie et le contenu des valises de ces voyageuses qui s'envolent vers des étés aussi différents que mystérieux…
L'instagrammeuse à l'influence montante
Depuis que cette très photogénique professeur de violon s'est mise à documenter sur Instagram ses expériences d'apicultrice amatrice et à vanter - photos à l'appui - les bienfaits sur son métabolisme de la gelée royale, son nombre de followers explose. Il faut dire qu'avec son minois lumineux, sa silhouette déliée, ses produits artisanaux aux vertus thérapeutiques et son art inné pour la photographie, Maud cumule les atouts bankables. Un succès qui, loin de déstabiliser cette fan du concerto pour violon de Tchaïkovski, a au contraire fait naître en elle une fibre marketing délicieusement autocentrée. À coups de stories intimes postées quotidiennement lui permettant de capturer l'attention de sa communauté, d'interviews distillées dans la presse féminine, de collaborations avec de grands chefs parisiens férus du nectar de ses abeilles et de contrats rémunérateurs âprement négociés, elle s'est ainsi créé un nouveau "moi" dont le pouvoir de prescription la fascine.
Cet été, elle a choisi de partir seule - tout le monde n'a pas sous la main une famille instagrammable comme celle d'Alix Petit - dans le Péloponnèse, une région qui respecte les critères photogéniques imposés par sa nouvelle profession.
Quelques éléments de sa valise
Cette liste - qu'elle a fait re-calligraphier par Nicolas Ouchenir - qu'elle compte respecter scrupuleusement, son objectif étant d'atteindre les 100.000 followers sur Instagram avant la fin de l'été.
Les petites robes envoyées par le service presse de ses marques préférées, qu'elle se fera un plaisir de porter et de poster sur IGTV en guise de remerciement… (voir ici, ici, ici et là)
Cinq maillots de bain (chacun respectant l'une des tendances fortes du moment).
L'immense chapeau Jacquemus que Simon a eu la délicatesse de lui faire livrer il y a quelques semaines.
Ses tout nouveaux flacons de gelée royale, qu'elle placera de manière faussement spontanée sur certains de ses clichés.
La baroudeuse CSP++
Tradeuse virtuose, Laura a le goût de l'aventure et des commissions à multiples zéros. Des passions hautement compatibles à ses yeux de jeune louve du quartier de la Défense qui, afin de satisfaire ses fantasmes où cohabitent Calamity Jane, Dian Fossey et Angelina Jolie, n'hésite pas à mettre le prix. C'est ainsi que cette célibataire chronique qui suit l'évolution du CAC 40 en lisant Kerouac s'offre régulièrement des voyages sur-mesure élaborés par les agences les plus réputées du milieu. Oui mais voilà, à quelques jours de son break estival censé l'emmener explorer le récif de Ningaloo sur la côte ouest australienne, la flamboyante rousse ressent une lassitude inédite qui réduit à zéro son envie de partir au bout du monde. La chute du Bitcoin, les dernières décisions de Trump et la mort récente de son poisson rouge l'ont en effet quelque peu déprimé. Ne sachant plus à quel saint se vouer, elle pianote alors sur Google "retraite haut de gamme, yoga, besoin de se ressourcer, enfants proscrits, Nutella banni" et tombe sur le site "The Green Shelters". C'est décidé : cet été, elle délaissera les défis sportifs au profit d'aventures intérieures et partira mastiquer du quinoa chez les yogis...
Quelques éléments de sa valise
Les baskets responsables imaginées par Liya Kebede et Pierre Hardy.
Trois paquets de fraises Tagada dans une boite scellée par un cadenas dont seule sa mère connaît le code. Un code que celle-ci ne lui révélera qu'en cas d'urgence absolue (telle qu'une overdose de décoctions de racines).
Cette bougie dénichée chez Démodé, dont elle fixera la flamme pour méditer de bon matin.
Ce pantalon large ocre 7/8, qui sublimera ses blouses et autres caracos immaculés.
Cette combi body, qui s'avérera idéale pour pratiquer ses salutations au soleil et souligner sa silhouette sportive.
Son porte-bonheur fétiche (sa première dent de lait montée en pendentif) qui lui a permis d'anticiper la crise de 2008.
Quelques crèmes et sérums Dr. Barbara Sturm que son amie acheteuse beauté chez Net-a-Porter lui a proposé de tester.
La jeune femme fraîchement divorcée
Deux mois après avoir prononcé des voeux sacrés devant le prêtre de sa paroisse et un parterre de mines béates regroupant famille, amis et connaissances, Camille a choisi de briser les fameux liens indissolubles du mariage. Prise dans la spirale de l'engagement, la jeune secrétaire de direction n'est pas parvenue à réaliser à temps que l'union qu'elle s'apprêtait à sceller ne lui correspondait pas. Une évidence qui lui sauta pourtant au visage dès le lendemain des noces en écoutant son adorable - mais terriblement ennuyant - jeune époux. La semaine suivante, elle contactait un avocat et bravait péniblement le courroux maternel, l'hystérie de sa belle-mère, l'incompréhension paternelle, la désapprobation de sa meilleure amie et les regards choqués de ses collègues. Mais qu'importe : en osant faire passer son bonheur avant le respect des conventions, cette ex-petite fille sage aux allures de poupée transparente est parvenue à s'affranchir de ses peurs. Et compte bien continuer dans cette direction.
Cet été, elle laissera donc tomber la plage de Saint-Malo au profit d'un trek en Patagonie. Deux semaines intenses lors desquelles elle défiera les conditions climatiques extrêmes de cette partie inhospitalière du globe. Une façon pour elle de poursuivre sa route sur le chemin initiatique débuté lors de la signature de ses papiers de divorce...
Quelques éléments de sa valise
Le livre "Au coeur des Extrêmes" de Christian Clot.
Deux boîtes de nounours au cannabis censés réduire l'anxiété (qui se révéleront utiles lorsqu'elle subira l'un des terribles orages dont la région a le secret).
Des vêtements thermiques Uniqlo.
Des chaussettes anti ampoules.
Sa tente hamac achetée avec la somme issue du remboursement de ses cadeaux de mariage.
La matriarche septuagénaire
En contemplant son figuier centenaire, Colette - ex-éditrice parisienne passant son temps entre son duplex de la rue Vignon et sa demeure du Luberon - réalise que dans quelques jours va commencer le ballet estival qui, deux mois durant, fera se croiser aux bords de sa piscine pléthore de petits enfants, amis, amis d'amis et autres fiancés d'un jour… Et si cette joyeuse invasion flatte sa fibre maternelle et sa propension à vouloir être aux petits soins pour chacun, elle sait également que celle-ci mettra à rudes épreuves aussi bien ses nerfs que ses convictions. Autant dire que la marche quotidienne qu'elle s'efforce de faire au lever du soleil lui sera indispensable pour prendre avec philosophie l'incapacité des adolescents à s'occuper de leur propre lessive, l'échangisme pratiqué ouvertement au sein de la bande de son adorable petite bachelière, l'étrange aptitude des adultes à transformer en cendrier la moindre rocaille un peu creuse, les cris stridents du dernier-né de sa fille aînée, le regard étonné des lève-tard face à une table de petit déjeuner dévalisée de ses brioches, les discours anticléricaux de son gendre et les logorrhées survivalistes post-rosé de son mari…
Quelques éléments de sa valise
Des draps de bain en coton et lin Caravane.
Un long et léger kimono dont elle aime se couvrir pour remonter de la piscine à la maison.
Ses lunettes de soleil Dries Van Noten qui lui font - aux dires de son cher époux - une tête d'extraterrestre, mais qu'importe : elle les adore.
Ses inusables maillots de bain Eres.
Une paire de mules dorées qui rehaussera ses pièces en lin.
Un petit sachet de cannabis bio produit dans les Alpes par un ancien soupirant (elle ne supporte plus l'alcool, mais n'est pas contre une petite évasion psychique de temps à autre).
Des pansements imprimés pour aider à faire oublier leurs bobos aux plus petits.
Son sac Bienen-Davis acheté lors de son dernier voyage à New York et qui sera parfait pour finaliser ses tenues lors des mariages prévus cet été.
Par Lise Huret, le 22 juin 2018
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