Milan Design Week : 3 coups de coeur
Bien plus fascinante à mes yeux que n'importe quelle fashion week, la semaine du design se tenant annuellement à Milan regorge de concepts mêlant artisanat, innovation et imagination. Voici les trois m'ayant le plus interpellée...
Lost Stones
Si le processus créatif menant à l'élaboration d'un objet se voit souvent éclipsé par ce dernier, il n'en est pas moins à mes yeux ce qui en fait sa valeur ajoutée. Je pense notamment à la dernière création de la maison milanaise Salvatori qui, à l'occasion de la Milan Design Week, présenta en collaboration avec l'architecte et designer Piero Lissoni une série de tables de bistrot dont la genèse et le concept ne manquent pas de poésie.
Tout commence il y a quelques années de cela, lorsque Lissoni évoque avec Gabriel Salvatori l'idée d'un sol disparate composé de fragments de marbre. Aussi intéressant soit-il, le projet semble trop compliqué à réaliser, si bien qu'il reste à l'état de jachère.
En 2018, Salvatori désire lancer de nouvelles tables inspirées de celles des cafés parisiens, à savoir des petites tables rondes dont le plateau de marbre est souvent fissuré ou abîmé. Il se souvient alors de l'idée de son ami consistant à créer une surface avec des morceaux de marbre laissés à l'abandon. Sans tarder, il file dans son entrepôt, où des dalles de marbre recouvertes d'une épaisse couche de poussière attendent depuis des dizaines d'années qu'on leur prête attention. Il appelle immédiatement Piero Lissoni et lui parle de son projet, tout en lui avouant que les dalles en question sont très abîmées, voire fragmentées. Loin de s'en inquiéter, le designer voit dans cette usure un prétexte idéal pour appliquer à ces marbres - qui sont issus de blocs dont certains ont servi à la construction de Notre Dame de Paris - la technique japonaise du Kintsugi, qui consiste à réparer des objets au moyen de joints dorés. C'est ainsi que naquit de la fusion de deux esprits complémentaires une série de tables uniques baptisée "Lost Stones", dont l'histoire reliant Italie et Japon, présent et futur, luxe et récupération, offre une saveur indéniable à la notion de design.
La Casa Ojalá
À mi-chemin entre une création de Jules Verne et un fantasme d'enfant, la Casa Ojalá imaginée par l'architecte Beatrice Bonzanigo a pour ambition d'offrir aux nomades CSP+ une version gentrifiée du traditionnel mobile home. Ici, pas de carcasse en aluminium ou de look déprimant, mais un vaisseau immobile constitué de bois et de poulies permettant 20 configurations différentes. Désirant abolir les frontières entre intérieur et extérieur, cet espace pour globe-trotteur utopiste a pour objectif de s'adapter aux besoins de ses propriétaires et leur permettre de vivre au coeur d'espaces sauvages en parfaite osmose avec les éléments, tout en profitant de l'autonomie offerte par la présence de panneaux photovoltaïques, d'un système de collecte d'eau et d'une fosse septique.
Cela étant dit, si le concept semble alléchant, plusieurs questions restent pour le moment sans réponses. Quels sont les types de terrain susceptibles d'accueillir ce genre de "construction". Peut-on démonter la maison une fois celle-ci installée ? Nécessite-t-elle un permis de construire ? Autant d'interrogations qui n'empêchent cependant pas de rêver devant les simulations d'installations présentées par IB Studio (voir ici, ici, ici, ici, ici, ici et là)...
La TAMU Chair
Pourquoi faire basique et esthétiquement décevant lorsque l'on peut faire subtilement sophistiqué ? C'est la question que l'on se pose en comparant le prototype de chaise pliable conçu par Patrick Jouin à celles peuplant les salles de meeting. Né de l'association entre impression 3D et design génératif (une technique qui permet de "générer des formes dont on détermine le comportement plutôt que de les dessiner directement"), le design arachnéen de ce modèle laisse en effet rêveur. Et ce d'autant plus lorsque l'on apprend que la fabrication de cette chaise ne génère presque aucun déchet, celle-ci se faisant de manière quasi organique.
Origami contemporain aussi délicat que fonctionnel, la TAMU Chair laisse entrevoir un futur où innovation ne rimera pas forcément avec absence de finesse…
Par Lise Huret, le 15 avril 2019
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Merci pour cet article hyper intéressant et si bien rédigé ! J'aime de plus en plus "comprendre" le design et m'évader en me mettant à la place du Designer qui trop souvent jusqu'à maintenant m'apparaissait comme un fou !
Gros pincement au cœur à l'évocation de Notre Dame...