C'est pourquoi elle décide de présenter six de ses créations lors du Boutique Show. Sa mini collection fait sensation et est directement achetée par Macy's. Dès lors, Anna Sui quitte le sportswear et transforme son appartement new-yorkais en atelier. Durant 10 ans, elle va enchaîner les petites collections, peaufinant son style et se faisant connaître petit à petit de la sphère New-Yorkaise.
Mais c'est en 1991, lorsqu'elle défile pour la première fois, que sa cote de popularité explose. Son univers romantique, mixant folklore et vintage, tout en fleurant bon le rock and roll, séduit les acheteurs. En 1992, elle ouvre sa première boutique au 113 Greene Street dans le quartier de Soho. Cette styliste intrigue, et les journalistes ne cessent de réclamer des interviews afin de percer les secrets de son univers si particulier.
Lorsqu'on l'interroge sur ses inspirations, elle parle de ce rock qui a bercé son adolescence, de cette énergie qui se dégage de la musique, de cette envie qu'elle a de transformer chacun de ses défilés en un moment aussi fort qu'un concert. Puis elle confie qu'elle a de la chance, car les choses qui l'inspirent peuvent facilement être transcrites sur des vêtements, à l'image du rock mais aussi du passé version Joan Baez et des voyages.
C'est ainsi qu'une escapade au Tibet fut le point de départ de l'une de ses collections nommée "Tibet Surfer". Elle révèle également que la plus belle récompense qu'elle ait reçue n'est pas le prix Perry Ellis de 1993, mais la déclaration de cet homme qui lui disait que sa femme n'était jamais aussi belle que lorsqu'elle revêtait une robe Anna Sui achetée huit années auparavant.
Les créations d'Anna Sui ont cette faculté de vivre dans le temps sans vieillir : étant nées d'un mix entre différentes générations et cultures, elles ne sont pas datées et n'importe quelle femme de 17 à 77 ans peut les porter. La styliste affirme concevoir ses collections en suivant un concept, une certaine vision de la mode et non en visant une cible, une classe d'âge. Son challenge est de parvenir à être à la pointe de la mode afin de ne pas décevoir ses clients, tout en conservant son approche multiculturelle de la mode. C'est cette contradiction qui l'inspire : être fashion victim et néanmoins désirer porter des vêtements quasi intemporels.
Mais la personne à qui elle pense - et à qui elle a toujours pensé - en cousant ses robes, c'est elle-même. Pour Madame Sui, ce serait un non-sens de créer des choses qu'elle ne désirerait pas ardemment en tant que consommatrice. C'est ainsi qu'elle met au point ses parfums, ses lignes de cosmétiques, de chaussures ou de bijoux en pensant à ce qu'elle aimerait trouver dans sa boutique, tout en étant toujours gentiment provocante et candidement espiègle. Sa griffe s'exporte à merveille à Osaka, Tokyo, Los Angeles, Paris et Londres… Anna Sui est une créatrice en adéquation avec elle-même, qui a toujours fait fi des codes et des grandes mouvances, et pourtant elle n'hésite pas à bousculer ses propres codes lorsque ces derniers l'insupportent. Ainsi, lors de sa dernière présentation pour l'été 2008, elle a jeté aux orties l'imagerie hippie pour laisser la place à des silhouettes psychédéliques version seventies, qui ont revigoré son style et placé son défilé en best-seller de la fashion week New-Yorkaise...
Par Lise Huret, le 30 octobre 2007
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