L'aventure Jimmy Choo commence lorsqu'une jeune et belle socialite anglaise, Tamara Mellon - alors rédactrice de mode pour le Vogue UK - prend conscience de sa difficulté à trouver ce qu'elle désire dans l'univers de l'accessoire de luxe. Elle recherche une qualité et un savoir-faire irréprochable, mais aussi une fantaisie sexy qui fait alors défaut - selon elle - aux créations se trouvant sur le marché. La jeune femme se rapproche alors d'un chausseur sur mesure officiant pour la haute société britannique, Jimmy Choo, et lui propose de créer une griffe de souliers de luxe.
C'est ainsi qu'en 1996, une boutique Jimmy Choo voit le jour sur Motcomb Street, à Londres. Mr Choo y confectionne escarpins, mules et sandales haut perchées que Tamara et Sandra Choi (une jeune diplômée de la Saint Martin's School of Design au talent déjà perceptible), imaginent et dessinent les modèles. Petit à petit, la boutique voit les clientes affluer et les parutions presse se multiplier. Il faut dire que Tamara Mellon a un feeling quasi prémonitoire concernant le marché des accessoires.
Tamara Mellon est née sous une bonne étoile : sa mère, ancienne mannequin de chez Chanel, lui a légué un pedigree beauté indiscutable, tandis que son père, self-made-man ayant réussi dans les affaires, lui a offert une vie fastueuse et dépourvue de contraintes matérielles. La petite Tamara est élevée dans les règles de l'art, et on lui inculque le sens du beau, du raffinement et de l'esthétique. Sa mère tient à ce que sa fille possède un goût sûr en matière d'élégance, et qu'elle comprenne l'importance de l'apparence pour une femme désirant s'introduire en société.
Très jeune, Tamara développe ainsi une certaine attirance pour les belles choses. C'est lors d'un voyage à Paris que la fillette commencera à comprendre que l'accessoire peut-être la clef de l'allure, après être tombée en arrêt - avenue Montaigne - devant une paire de bottes de cowboy. Cette idée ne la quittera plus, à tel point que sa devise actuelle en est certainement issue : "Peu importe ce que vous portez, vous serez toujours bien habillée si vous avez de belles chaussures".
C'est donc tout naturellement que la belle se retrouvera un peu plus tard embauchée chez Vogue, afin de disserter sur ce qui la fascine : les accessoires de mode. Ce qui transformera cette jeune femme (qui aurait pu continuer à évoluer dans le monde du luxe sans faire d'histoires) en businesswoman est la clairvoyance dont elle fera preuve au début de sa carrière. En effet, lorsqu'elle décide de monter sa griffe de soulier en s'associant à Jimmy Choo, Christian Louboutin et Michel Perry sont déjà sur le créneau de l'escarpin haut de gamme. Afin de les doubler sur leur propre terrain, Tamara Mellon décide d'appliquer à ses chaussures la technique des maisons de couture, consistant à faire porter aux stars leurs créations.
Miss Mellon est ainsi la première à intégrer les people au business plan d'une griffe d'accessoires. Ce coup de génie va lui permettre de communiquer de la manière la plus hype qui soit, et de compter parmi ses clientes des noms porteurs de renommée internationale. En effet, partant du constat que personne ne met à disposition des stars un panel de souliers lors des cérémonies de remise de prix, elle décide de s'engouffrer dans cette brèche et devient ainsi l'amie et la première fournisseuse des stars anglaises, puis bientôt du Tout-Hollywood. Très rapidement, Jimmy Choo s'envole ainsi vers l'Amérique et les tropiques californiens, afin de servir les fashionistas huppées férues de glamour design et portable.
De la cérémonie des Oscars (où les actrices se retrouvent quasiment toutes chaussées en Jimmy Choo) en passant par la série Sex and the City (plébiscitant ouvertement la marque), la griffe s'offre une aura de légende en un temps record. Et ce qui devait arriver arriva : à peine 5 ans après le lancement, la société Jimmy Choo fusionne avec une holding anglaise, Equinox Luxury. Jimmy Choo - le chausseur - se retire, alors que Tamara reste, bien décidée à faire fructifier le potentiel de la griffe.
Les nouveaux capitaux permettent de lancer une ligne de sacs et de développer les points de vente : pas moins de 26 boutiques voient le jour. En 2004, le fond d'investissement Lyon Capital rachète le tout, en conservant Tamara à la création et au développement ; le réseau de vente s'agrandit alors de 36 nouvelles boutiques. En 2007, c'est au tour de l'holding TowerBrook Capital Partners de s'emparer de Jimmy Choo, qui a quasiment doublé de valeur en trois ans. La politique reste la même : élargissement du nombre de boutiques à de nouveaux pays, et création de nouvelles gammes de produits (parfums et lunettes)…
Ce succès insolent, qui est en train d'envoûter les clientes toutes nationalités confondues, Jimmy Choo le doit en grande partie à sa présidente qui a fait de sa personne un véritable outil de communication. Il suffit de voir Tamara Mellon sculpturale dans un fourreau haute couture lors de tel ou tel événement mondain, ou au bras de son Christian Slater de fiancé, pour comprendre que c'est avant tout elle qui fait fantasmer les femmes. Son image de déesse urbaine follement glamour au parcours professionnel en forme de rêve américain est le vrai secret de Jimmy Choo…
Pour incarner cette perfection, Tamara Mellon s'impose une discipline de fer. Elle débute tous les matins par une heure de sport, suit un régime personnalisé visant à lui conserver sa ligne de liane, ingurgite maints cocktails de vitamines composés sur mesure, ne fume ni ne boit (à part parfois une coupe de champagne, mondanité oblige), se couche le plus souvent possible avant 23 heures afin de conserver un teint éclatant, et ne chausse jamais de souliers plats.
Bien qu'elle soit une des femmes les plus fortunées d'Angleterre, cela ne l'empêche pas de prendre des risques et d'investir dans des projets qui lui tiennent à coeur, comme le récent rachat de la griffe de prêt-à-porter américain Halston. Elle s'est ainsi associée au producteur Harvey Weinstein et à Rachel Zoe (styliste privée des starlettes) afin de faire revivre cette marque des années 70, chère à Jacky Kennedy.
En guise de conclusion, rappelons toutefois que le fort engouement pour Jimmy Choo a mené à une surévaluation du produit, qui en dépit d'être assurément glamour, ne possède pas l'élégance d'une création Roger Vivier ou Bruno Frisoni…
Par Lise Huret, le 24 avril 2008
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