Depuis quelque temps, le gotha hype de la capitale semble vouloir réhabiliter le port du noeud papillon. Les clubbers à la Oscar Wilde s'entichent ainsi de modèles extravagants, tandis que les demoiselles s'amusent à les porter en guise de serre-tête ou de broche... À l'origine de cet engouement se trouve Alexis Mabille, un jeune créateur de 31 ans dont la côte est en train de grimper en flèche.
Tout commence en 1977, lorsque le petit Alexis Mabille voit le jour dans une famille de la bourgeoisie lyonnaise. Au contact de sa mère - une femme au foyer passionnée de couture - Alexis apprend très vite à jouer de l'aiguille. C'est un enfant curieux qui adore farfouiller dans les vieilles malles afin d'en dénicher quelques nippes à transformer. Inlassablement, Alexis coud, découpe, recoud… Petit à petit, il acquiert une vraie dextérité, permettant à son imagination débridée de s'exprimer pleinement.
Adolescent, il habille sa famille ainsi que ses proches. Le bouche à oreille fonctionnant, le jeune homme se compose une clientèle personnelle et se voit confier la réalisation de certains costumes de l'opéra de Lyon. Entre temps, ce féru de mode inonde de lettres ses idoles que sont Karl Lagerfeld et Christian Lacroix. Séduit par l'enthousiasme du jeune homme, Lacroix entretiendra d'ailleurs avec lui une longue correspondance.
Bac éco en poche, Alexis s'envole vers Paris afin de rentrer à la Chambre syndicale de la haute couture. Il y obtient son diplôme en deux ans (au lieu de trois) et commence des stages chez Ungaro et Nina Ricci, mais c'est chez Christian Dior qu'il attire l'attention. John Galliano repère en effet le talent de ce jeune virtuose et lui confie le développement de la section accessoires (qui en 1997 n'en était qu'à ses balbutiements) : c'est une réussite. Alexis collaborera ensuite avec Heidi Slimane en imaginant des bijoux masculins. Cependant, après neuf années de bons et loyaux services, il décide de tenter sa chance en solo.
Il a alors 29 ans, plus d'expérience que beaucoup à son âge et un concept novateur à développer : il désire concevoir un vestiaire unisexe. À l'origine de cette idée se trouve sa propre expérience de dandy qui, aimant s'habiller cintré, retouchait des vêtements féminins afin de pouvoir les porter. Le créateur se basa également sur le constat que parmi ses amies, nombreuses étaient celles portant des pantalons d'homme. D'après lui, il y avait donc bien matière à approfondir le sujet, si bien qu'en 2005, Alexis entraîne sa mère et son frère et créé "Impasse 13".
Riche de sa technique sans faille (éprouvée par des années et des années de pratique), Alexis Mabille parvient - après moult essayages et retouches - à concevoir des pantalons allant aussi bien aux filles qu'aux garçons. Aux pantalons s'ajoutent d'ailleurs bientôt des chemises, puis des vestes qui, si elles sont destinées à une clientèle mixte, n'ont rien de l'austérité du style androgyne. Bien au contraire : Mabille est un romantique amoureux des matières nobles et des colifichets sophistiqués. Ses créations de soie brodée flirtent ainsi avec la poésie et la fantaisie, sans jamais oublier l'élégance.
Son modus operandi consiste à utiliser ce que le vestiaire masculin lui offre en terme de coupes pour ensuite les travailler dans des matières féminines, afin de composer des basics pointus et interprétables à l'infini. En 2006, il commercialise sa première collection, qui rencontre rapidement son public. Invité en 2007 par la chambre syndicale à défiler lors de la semaine de la haute couture, Alexis Mabille présente une collection inclassable, une sorte de prêt-à-porter couture émaillé de pièces unisexes et de toilettes glamourissimes d'une fraîcheur rare qui enchantent la critique.
Malgré tout, Alexis Mabille est encore un créateur assez confidentiel. Ce qui va accélérer sa montée vers les étoiles est un détail au départ anecdotique : depuis toujours, Alexis est addict aux noeuds papillon et s'amuse à en créer pour ses acolytes férus d'élégance décalée. Un jour, un ami photographe lui propose de faire quelques photos avec ses créations. Les clichés sont tellement réussis que les deux hommes décident de les envoyer à quelques magazines…
Les retours sont immédiats : les photos paraissent dans la presse et déclenchent une véritable tornade acheteuse. Tous et toutes veulent désormais ses noeuds pap' ludiques, acidulés et terriblement chic. Surpris, mais réactif, Alexis entreprend de répondre à la demande en créant "Treizeor" (en référence à la phonétique du mot "trésor", prononcé par les femmes appelant ainsi leur chien…), une collection d'accessoires où les noeuds papillon deviennent des petits chefs d'oeuvres de fantaisie.
Alexis Mabille devient ainsi le "it" créateur du moment et le noeud papillon sa signature. Ce dernier concentre en effet toute la philosophie de Mabille, à savoir jouer avec les codes de la bourgeoisie, mixer les genres, décomplexer l'élégance et aller au plus loin du raffinement, le tout saupoudré d'une bonne dose de dérision. Les noeuds, à porter de mille et une manières différentes, deviennent alors l'accessoire fétiche de toutes les fashionistas et parsèment les collections du créateur. "Alexis Mabille" devient synonyme de branchitude décalée extrêmement prisée, tandis que la qualité de ses collections l'inscrit dans la durée.
D'ailleurs personne ne s'y trompe : que ce soit une riche héritière lors du dernier bal des débutantes ou Keira Knightley à la première de Duchess, chacune a choisi de briller en Mabille. Dans le même temps, Ladurée lui commande une pâtisserie en forme de noeud pap' et le très select festival de Hyères vibre sous ses extravagances.
Si sa renommée dépasse désormais les frontières et que sa société s'autofinance, cela n'empêche pas le créateur de trouver le temps pour concevoir des lunettes et bijoux pour YSL. Il faut dire qu'il "aime adopter l'oeil d'une autre personnalité (...), cela permet d'apprendre à aller là où l'on n'irait pas seul, tout en confirmant son propre point de vue". Surdoué, hyperactif, passionné et béni des dieux de l'olympe fashion, Alexis Mabille est sans nul doute promis à un avenir radieux. Retenez bien son nom : Alexis Mabille…
Site officiel : http://alexismabille.com/
Par Lise Huret, le 11 décembre 2008
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