Sur les podiums, maxi carrures, micro jupes et éclats gold 80's jouxtent velours moirés et bandeaux années 30. La femme entrevue sur les catwalks italiens oscille ainsi entre dégaine glitter, allure chicissime et parure de laine (ou de fourrure) visant à la protéger des intempéries du futur. Par ailleurs, la majorité des collections a opté pour une palette de teintes sombres, allant du gris souris au noir charbon, le tout ponctué de quelques rouges cramoisis, marrons châtaignes et autres bleus canards. Comme toujours à Milan, quelques tendances se sont détachées de cette profusion de silhouettes...
Guerrière post moderne
En ces temps troublés auxquels la mode - et le reste du monde - doit faire face, il était prévisible que les designers se laissent influencer par le protectionnisme ambiant. Ils ont ainsi imaginé des atours aux allures d'armures pour la femme du 21e siècle...
- Chez Fendi, le corset se fait de cuir, protégeant le buste de la néo-citadine. Chaussée de guêtres en peau et les avant-bras recouverts d'une paire de gants en daim, cette dernière semble prête à affronter les désillusions du quotidien. Elle n'oubliera cependant pas de miser sur son arme la plus sûre : la séduction.
- Pour le duo officiant chez Gianfranco Ferré, c'est une femme version Blade Runner qui devra bientôt éclore des dressings. Arborant carrure dissuasive, total look dark et lunettes futuristes, leur héroïne semble parée pour conquérir le monde, ou tout du moins s'y imposer. Ceci dit, aussi glaciale soit-elle, elle n'oublie pas de porter en guise d'armure des pièces bien plus glamour que pare-balles...
- Gainées dans leurs tuniques de centurion, les demoiselles Prada semblent avoir Sparte à combattre... Pourtant, ces Italiennes ont beau être sur le sentier de la guerre, leur élégance prend le pas sur toute autre préoccupation, les amenant à considérer leur armure comme la plus précieuse des toilettes.
La prise de position des designers est donc claire : ils ne laisseront pas les fashionistas sans défense. Afin de pouvoir exister hors podium, chaque pièce devra cependant être tempérée par une autre, plus sobre.
Le pantalon à pinces (ou carrot pant)
Si le slim en inspire encore quelques-uns, ce n'est plus qu'une question de temps pour que ce dernier cède la place au pantalon phare de la saison : le carrot pant. Court sur la cheville, le plus souvent taille haute et serti de multiples pinces (afin d'obtenir cet effet blousant si particulier), ce dernier est en phase de s'imposer comme un must have incontournable.
- Chez Etro, c'est une globe trotteuse nostalgique des eighties qui succombe à l'allure tomboy du carrot. La dégaine quasi masculine que celui-ci lui confère l'amène à l'associer à des atours fantaisie, composant ainsi une silhouette justement dosée. On pense à décomplexer le carrot à coups de sandales ethniques, de mousseline zébrée et d'une veste 5 carat, assurant à elle seule une aura up-to-date à l'ensemble.
- Sous ses allures de jeune fille sage, la demoiselle Pringle of Scotland dévergonde également le carrot pant. Ce dernier se porte ici de manière un rien classique, optant pour une longueur sans risque, un volume très light et une accessoirisation ton/ton. Or, son plan de rigueur esthétique se voit vite déjoué par un choix osé de matières : un simple lainage se transforme ainsi en opulent pull-over architecturé (rappelant le travail de Sandra Backlund), tandis qu'une banale écharpe s'enorgueillit d'un ramage douillet, infusant au carrot pant modernité et extravagance ultra maîtrisée.
- De son côté, Rossella Jardini imagine pour Moschino une silhouette presque sévère, où le carrot pant se veut chic, sans ostentation, imposant à celle qui s'y glisse un make up élaboré et un sac sophistiqué, afin de ne pas affadir son allure.
Etro et Pringle of Scotland confirment l'établissement du carrot dans les dressings. Ce dernier obtient ainsi son laissez-passer fashion pour l'hiver prochain, à condition de lui réserver une accessoirisation digne de ce nom, qui saura pallier son classicisme un brin revêche.
Manches gigot
Cette saison, la mode tourne essentiellement autour de la carrure. Celle-ci se voit en effet redimensionnée, étirée, afin d'atteindre formes et volumes inédits. Parmi ces morphings d'apprentis sorciers, certains ont décidé d'opter pour un galbe bien connu, tombant pile dans l'air du temps et ayant déjà fait ses preuves : la manche gigot.
- Chez Dolce & Gabbana, le glamour hollywoodien mêlé au style années 30 donne naissance à des clones de Schiaparelli, à l'élégance saisissante et extravagante. Cet ensemble en damier noir et blanc aux manches gonflées s'inscrit ainsi parfaitement dans l'histoire que nous conte Domenico et Stefano. Ce genre de toilettes est cependant appelé à un destin élitiste, tant son appropriation demande un sens du style hors norme....
- Chez Alberta Ferretti, l'expression de la manche gigot se fait plus moderne. Ici, les références aux toilettes du 19e siècle n'ont plus court, disparaissant sous un twist rock, presque goth'. L'option cuir ôte en effet toute référence au costume de scène à ce top en peau flirtant sensiblement avec les eighties.
- Presque disco, le perfecto de Pollini se conjugue aux modes du moment, assumant l'allure ultra 80 que lui confèrent ses manches gigot turquoise. Le volume maîtrisé de la manche lui assure une portabilité évidente, pouvant peut-être évincer le traditionnel perf'.
Tour à tout étirées ou bouffant librement sur l'épaule, ces manches sont à l'évidence l'une des façons les plus sûres d'obtenir cette carrure tant prisée par les créateurs, sans pour autant ressembler à un quarterback américain...
Jupes et pliages
Le tissu est une matière pouvant donner naissance - sous les doigts de certains - à des sculptures mouvantes. Privés de fantaisie extravagante et contraints d'imaginer du "portable", les créateurs ont concentré leur attention créative sur des techniques subtiles, conférant aux jupes de demain des allures d'origamis.
- En tête de liste apparaît le prêt-à-porter quasi haute couture de Tommaso Aquilano et Roberto Rimondi, dont les plissés/volutes des jupes défient l'apesanteur en évoluant à la verticale, offrant aux sobres toilettes Gianfranco Ferré une modernité ciselée proche de l'équation parfaite.
- Chez Pringle of Scotland, l'effet se veut moins spectaculaire. Néanmoins, ce savant pliage semblant avoir été réalisé sur le vif possède l'indéniable avantage de faire sortir de l'anonymat une jupe de lainage plus habituée aux sièges de bureau qu'aux regards envieux des modeuses...
- Chez Salvatore Ferragamo, Cristina Ortiz a dû trouver la classique jupe taille haute un brin ennuyeuse... Elle s'est donc évertuée à booster sa nature chicissime - tout en conservant sa classe et son élégance - en lui apposant quelques plis savamment orchestrés, permettant de transformer un basic sans histoire en pièce maîtresse d'un look sophistiqué.
S'il est actuellement conseillé de se la jouer low profile, autant que cela soit au profit de pièces faussement discrètes, aux coupes raffinées, excellant dans l'art de sublimer une palette de couleurs sombres...
Maxi col en fourrure
N'en déplaise aux activistes de PETA (qui ont plus ou moins agressé Carine Roitfeld à la sortie du défilé Jean Paul Gaultier), la fourrure n'a jamais été aussi présente sur les podiums. De plus, celle-ci ne se résume plus à un opulent manteau en renard réservé aux quinquagénaires de l'avenue Montaigne mais devient protéiforme, afin de séduire les plus frileuses en matière de pelage-à-porter. Du coup, l'accessoire phare de la saison n'est autre que le maxi col en fourrure, cumulant à la fois cosyness et allure chic...
- En provenance directe du Grand Nord, opulent à souhait et délibérément oversize, le cache-col en fourrure aperçu sur le défilé Missoni fait partie de ces pièces un rien too much, servant de fer de lance d'une tendance. En effet, s'il sied à merveille à ces filles avides de superposition warmy ayant envahi le podium d'Angela Missoni, il y a fort à parier que peu d'entre elles oseront l'arborer en pleine rue...
- Accessoire phare du défilé Burberry Prorsum, l'écharpe tube à poil court et soyeux réchauffe chacune des délicates toilettes imaginées par Christopher Bailey. Comble du chic, elle est doublée du légendaire carreau Burberry, pouvant ainsi - le temps d'une saison - tenter de remplacer le fameux carré de la griffe...
- Chez Marni règne un esprit plus girly, amenant le col teddy bear à se porter en guise de collier. Au passage, le décalage entre le port d'un accessoire en fourrure et l'absence de collants crée une silhouette juvénile et intéressante.
Et pour toutes celles ayant envie de tester l'écharpe tube xxl sans pour autant renier leurs convictions, Missoni et Burberry en ont également imaginé une version "grosse maille"...
Manches de yeti
Est-ce le désir de nager à contre-courant, ou d'affirmer qu'en dépit du climat morose, l'industrie du luxe peut et doit continuer ? Quoi qu'il en soit, la quasi-totalité des shows milanais proposa des modèles au pelage lustré, et cela en faisant preuve d'innovation. La dernière nouveauté en la matière consiste à différencier les manches du reste du vêtement, en utilisant pour cela un autre type de fourrure. Celle-ci s'inscrit au cœur de la mouvance 80's, dans laquelle les carrures ne cessent de s'élargir...
- Chez Dolce & Gabbana, Coco Rocha se pavane dans un manteau Cruella d'Enfer composé de manches en renard, alors que le reste de la pièce arbore un pelage immaculé et plus lisse. Cette astuce a l'avantage de permettre à la fourrure de diffuser son aura warmy chic sans pour autant sombrer dans l'effet Bibendum.
- Greffées sur un perfecto, les manches en toison argentée confèrent à la silhouette Pollini un twist rock peu familier des atours en fourrure. Par ailleurs, leur volume naturel adoucit une tenue plutôt dark, manquant de subtilité.
- Perfecto également chez Gucci, où le pelage rasé sur la veste - afin d'obtenir un motif à pois - et laissé à l'état brut sur les manches offre à l'ensemble une dégaine eighties, qui aurait à coup sûr les faveurs de Madonna.
L'hiver prochain, les manteaux oversize en poils de yeti devront donc arborer une ligne svelte au profit de manches opulentes. Attention cependant à ne pas en faire trop : se faisant ultra sophistiquées, ces pièces peuvent très vite surcharger ou caricaturer la silhouette.
Le retour du velours
Alors que les mousselines sont légion, que les jupes se raccourcissent plus que de raison et que certaines tenues se portent désormais jambes nues, voici enfin une matière en adéquation avec la saison. Le velours, ses effets moirés et sa sophistication naturelle font en effet leur grand retour dans la garde-robe 2009/2010.
- Racée mais également guerrière, la femme Gianfranco Ferré avance de façon déterminée sur l'asphalte, moulée dans une étoffe aux mille reflets, certaine de son élégance et de l'impact que sa toilette - à la fois asiatique et hiératique - aura sur ses ennemies.
- Flirtant tour à tour avec l'Empire romain et le style années 40, Karl Lagerfeld pour Fendi sait également très bien tirer parti du velours, en lui apposant une coupe des plus sobres ayant la capacité de magnifier la matière. Sans oublier les guêtres (elles aussi de velours), qui achèvent de styler une toilette à priori très simple.
- Chez Giorgio Armani, le velours est traité dans les règles de l'art. Finement drapée, épousant la silhouette à la perfection et uniquement relevée de quelques broderies-bijoux, cette toilette noir carbone semble s'être échappée d'une des armoires de Rita Hayworth...
Diablement élégant et rétro sans chichi, le velours apparaît audacieusement glamour, à condition d'opter pour des coupes racées et une accessoirisation des plus chics...
Cuissardes
Depuis les robes Courrèges, les tenues défilant sur les catwalks avaient rarement été aussi courtes. Cependant, loin de laisser les fashionistas s'enrhumer, les designers ont corollé leurs envies de micro volumes avec l'arrivée tonitruante de cuissardes en tous genres, érigées depuis en must have de la saison...
- Chez Prada, les cuissardes se veulent conceptuelles : elles ont effet tout de la botte de pêcheur... Accrochées grâce à un porte-jarretelle rudimentaire, elles semblent très loin de l'aura sexy de ses consœurs. Et pourtant, associées à un short en feutre d'où dépasse un long tricot, elles hypnotisent le spectateur. Plus tard, on les imaginera sur un slim brut, ce qui les rendra absolument portables...
- Chez Pucci, l'effet cuissardes de mousquetaires n'est pas des plus heureux. Ces dernières habillent certes la jambe, mais ne parviennent pas à faire un avec la micro robe les accompagnant. Sans parler de leur matière, qui n'est plus vraiment en vogue...
- Plus skinny qu'un tregging, les cuissardes hautes perchées de Roberto Cavalli sont à l'évidence celles ayant le plus fort potentiel fashion. D'autant plus si l'on opte pour un total look noir réglisse, comme celui proposé par le créateur.
Si les cuissardes sont assurément les bottes de demain, il faudra beaucoup de doigté - sinon de talent - pour leur faire voir le jour sans se transformer en femme de mauvaise vie. Pour éviter les bévues, on copie le look Emmanuel Alt...
À noter également :
- Les manteaux se nouent tels des peignoirs (Burberry Prorsum, Alberta Ferretti, Max Mara)
- La moindre des tenues se ceinture haut
- Les épaulettes ne cachent plus leur jeu (Fendi, Gianfranco Ferré)
- Les transparences ne cessent de se faire impudiques (Burberry Prorsum, Dolce & Gabbana, Gucci)
- Les fleurs font tapisserie (Marni, Burberry Prorsum, Moschino)
- Le rouge reprend des couleurs sur de nombreux défilés (Prada, Max Mara)
- Les gants se veulent longuissimes (Pollini, Fendi, Marni)
- Les années 80 assument leur côté glitter
©photo : Vogue