Il est souvent appelé le Woody Allen de la couture, extravagant mais solitaire, pétillant mais pudique, personnalité complexe et attachante. Tous les yeux de la fashion sphère sont posés sur lui depuis qu'il a donné à Lanvin un second souffle plein de douceur et de glamour, réinventant une Parisienne moderne et sensuelle. Pourtant, c'est d'Israël qu'il nous vient.
Né à Casablanca en 1961, il passe son enfance dans la banlieue de Tel-Aviv, entouré de 4 frères et soeurs. Sa mère est une artiste espagnole, et son père, un coiffeur israélien, meurt alors qu'Alber est encore tout jeune. C'est peut-être pour cette raison que celui-ci rêve de faire carrière dans la médecine.
Mais cela ne l'empêche pas de s'évader, de longues heures durant, dans l'univers du vêtement : il dessine des tenues à des femmes imaginaires et les habille pour toutes les heures de leur journée. Cette passion naissante, en grandissant, le décide à intégrer le Shenkar College of Textile Technology and Fashion de Tel-Aviv, la meilleure école de stylisme en Israël.
Puis, commencera l'exode : en 1985, il débarque à New York City, avec une centaine de dollars en poche, pour conquérir le monde de la mode. Il y trouve le meilleur maître qu'il soit, Geoffrey Beene, styliste favori de la sphère hype new-yorkaise, pour qui il travaille pendant 7 ans, et dont il dira plus tard : « Il a fait de moi le couturier que je suis aujourd'hui ». Pourtant, en 1997, il se déracine de nouveau quand Ralph Toledano lui offre le poste de directeur de la création chez Guy Laroche.
Direction Paris, donc, où commencent pour Alber quelques années un peu douloureuses : il se sent seul, désaxé, et met un certain temps à comprendre l'univers parisien. Il ne fréquente pas ses compatriotes, et, travailleur acharné, passe tout son temps dans les ateliers Laroche, au milieu des ouvrières, pour suivre au plus près la création de ses vêtements. Il s'est glissé avec aisance dans l'univers Laroche, revisitant les classiques de la maison dans une nouvelle approche pleine de vie, qui charmera aussi bien le public que la presse.
Son succès fulgurant attire l'attention des grandes maisons, et Elbaz est appelé par Pierre Bergé pour succéder à Yves Saint Laurent lui-même, à la direction artistique du prêt-à-porter féminin YSL Rive Gauche. Bergé avait dû sentir une certaine filiation entre les idées artistiques des deux créateurs, qui partageaient, sans s'être jamais rencontrés, une vision très pragmatique de la mode.
En effet, si l'un dit, en 1974, « Mon ambition est de fournir aux femmes quelques vêtements de base sur lesquels elles puissent compter », l'autre pousse le raisonnement plus loin, en avouant : « Quand je fais une robe, je pense toujours que la personne qui va la porter doit pouvoir sortir du taxi et reprendre du dessert ». Une fois de plus, grâce à ses talents de caméléon, Alber fait des merveilles, et attire dans les boutiques YSL la jeunesse hype parisienne. Mais quand Gucci rachète l'enseigne en 2000, il quitte le navire.
Il faut dire que si son ego ne souffre pas de devoir se couler dans un univers mis en place par un autre, notre créateur a cependant besoin de travailler en toute liberté, dans une atmosphère conviviale et humaine. C'est ce qu'il trouvera en 2001, quand l'aventure Lanvin commence pour lui, à la direction artistique des collections accessoires et prêt-à-porter femme. Il se plonge alors rapidement dans les archives de la maison, et comprend qu'il vient d'entrer dans un univers proche du sien, porté par le mot « désir ».
Dès lors, il réinvente avec talent le style de Jeanne Lanvin, faisant siens les motifs art déco, les broderies et les sequins, pour faire rimer élégance et modernité, sobriété et glamour. En 3 ans à peine, il multiplie le chiffre d'affaires par 4, et reçoit les distinctions les plus convoitées : le Fashion Award for Artistry of Fashion du CFDA, le Design Star Award, et même la légion d'honneur.
Au fil du temps, Elbaz a acquis un style reconnaissable entre tous. Ses pièces phares sont le tailleur à épaules rondes, mais aussi et surtout la robe, symbole de la féminité dans ce qu'elle a de plus simple et de plus actuelle. Les lignes sont douces, et les coupes, faussement classiques, sont actualisées par des ourlets sans finitions et de simples lanières de cuir lacées autour de la taille. Sa couleur est le noir, ses matières la laine, la soie ou le coton. Il affectionne les silhouettes à la taille marquée et au décolleté fermé, sans transparences, puisque son léger surpoids lui a appris ce qu'il faut montrer ou cacher.
Il crée donc des vêtements « cosmétiques », complices, qui s'adressent à toutes les morphologies pour les sublimer. Il prodigue aux femmes un vestiaire pour toutes circonstances, tenues de jour comme de soir, et développe petit à petit un véritable lifestyle. Avec ses multiples collections capsules sur des thèmes tels que le jean, les robes de mariées, ou encore les business women, la boutique du Faubourg Saint Honoré est en passe de devenir un « luxury supermarket », prodiguant à l'infini des vêtements d'émotion qui n'en finissent pas de nous combler...
Par Lise Huret, le 03 février 2007
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