L'enfance d'Alexander a déjà un goût de soufre : né en 1969 dans l'East End, il manifeste peu d'intérêt pour les études, et fait le désespoir de ses professeurs. Petit dernier de six enfants, il préfère dessiner des robes pour ses soeurs. À 16 ans, il quitte l'école, et entre en apprentissage chez Anderson et Sheppard, tailleurs de la Savile Row. Cette expérience est une véritable révélation pour lui, et déjà, sa nature provocatrice s'exprime : en réalisant un costume pour le Prince Charles, il coud dans la doublure : « I'm a c…t », qui pourrait se traduire par : « je suis un c… ».
Il apprend les techniques anciennes de découpe chez le costumier de théâtre Angel & Bermans, puis s'installe à Milan pour travailler chez le styliste Koji Tatsuno. Il sera ensuite traceur de patrons chez Roméo Gigli.
De retour à Londres, McQueen intègre la Central Saint Martin's School, dont il sort diplômé en 1992. Sa collection de fin d'année, « Jack the Ripper », subjugue les journalistes et le microcosme de la mode, tout particulièrement Isabella Blow, qui l'achète en totalité. Il faut dire que le style McQueen ne pouvait pas passer inaperçu, tant ses coupes sont brutales, et son style, incisif.
Le grand tournant dans la vie de notre créateur se situe en 1996 : cette année, alors qu'il a seulement 26 ans, il se voit décerner le prix du British Designer of the Year, prix qu'il remportera d'ailleurs 3 autres fois par la suite… Cette distinction le met en lumière, et attire la curiosité de la maison de Haute Couture Givenchy.
C'est ainsi qu'il reprend la direction artistique de celle-ci, succédant à John Galliano. Mais la collaboration s'avère désastreuse : la brutalité provocatrice de McQueen ne trouve pas sa place dans l'univers de Givenchy, et sa première collection pour l'enseigne sera un véritable fiasco. Lui-même confiera à Vogue en 1997 qu'il la trouve « merdique »…
Cette expérience lui permet cependant de se faire connaître, et le groupe Gucci remarque le talent du jeune designer. Il lui offre le financement pour lancer sa propre marque, ce que le créateur accepte avec plaisir, quittant du même coup Givenchy. La griffe McQueen, prêt-à-porter féminin, voit donc le jour en 2000, et Alexander peut enfin exprimer toute sa créativité tumultueuse.
Sans surprise, son style s'avère tranchant, et tout en contraste. De ses premières expériences, il a appris la construction parfaite du vêtement, le souci des détails et des finitions. Cependant, si ses coupes sont précises et soignées, elles n'en sont pas pour autant moins rebelles. Les toilettes s'avèrent émouvantes ou inquiétantes, romantiques ou dark, et allient souvent tradition et modernité. Le styliste n'hésite pas, par exemple, à allier le cuir et la dentelle, ou à faire de la robe à corset une interprétation futuriste.
Les collections s'enchaînent, et chacune d'elles se différencie de la précédente : McQueen aime à développer à chaque fois un thème fort, ce qui lui évite les redites. C'est ainsi qu'il nous présente des écolières sexy et malicieuses en 2002, puis des pirates en naufrage en 2003…
Peu à peu, grâce au soutien de Gucci, McQueen se développe et se diversifie : en juillet 2002, il lance une ligne Hommes : « A façon », et cette même année voit l'ouverture de la première boutique éponyme à New York. Celle-ci est suivie en 2003 des flagships de Londres, Milan, et Los Angeles. Fort de cette conquête du monde, le créateur lance en 2005 une ligne de sacs et de chaussures, et 2006 voit naître « McQ ? Alexander McQueen », ligne de prêt-à-porter et d'accessoires, que le styliste décrit comme « moins sophistiquée, plus jeune, plus pointue ».
McQueen a désormais conquis la fashion sphère, et fait beaucoup parler de lui. En effet, il a compris que la mode est un grand théâtre dans lequel il vaut mieux provoquer des réactions violentes que des applaudissements polis, et c'est pourquoi il soigne ses défilés pour en faire de véritables shows, mis en scène en s'inspirant d'un thème fort, dans des lieux insolites comme le Cirque d'Hiver ou le Zénith. Rien ne va trop loin pour faire parler de la marque, comme le styliste le prouva en 1994 en faisant défiler Aimée Mullins, top model amputée des deux jambes.
Mais la marque développe aussi sa réputation en collaborant avec de nombreuses marques et créateurs, tels que le chapelier Philip Treacy, ou le joaillier ShaunLeane. En 2007, McQueen s'associe à Samsonite pour la création d'une ligne de bagages et de maroquinerie de prestige, et réitère l'expérience en 2009 avec Puma, ce qui donne naissance à la première ligne de vêtements Sport Fashion.
À présent, McQueen n'a plus de preuves à donner de son talent, et même s'il reste controversé, sa marque est désormais réputée dans le monde entier pour sa créativité, son audace, et son originalité.
Par Lise Huret, le 05 mars 2007
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