C'est à quinze ans qu'Isabel Marant reçoit sa première machine à coudre. Il n'en faut pas plus pour que le sens artistique de la jeune fille s'exprime par ce biais. Le but premier d'Isabel est de ne surtout pas ressembler aux filles un peu trop coquettes qu'elle croise à Neuilly. La jeune fille ne rêve que de vêtements masculins et abhorre les froufrous...
Elle transforme tout ce qui lui tombe sous la main, retravaille des vestes army, chine des vieux tissus, s'amuse et crée librement. Elle portait ce qui lui plaisait, à mille lieues de savoir que ce qu'elle faisait s'apparentait déjà à de la mode ! C'est grâce à un ami, qui lui propose de vendre ses créations aux Halles, que la jeune femme se rend compte que la couture peut être un métier : en un mois elle récolte plus de 6 000 francs (environ 1000 euros).
Tout cela la fait réfléchir et lui suggère qu'une école de mode après le bac serait une bonne idée. En 1987, elle intègre le studio Berçot. Isabel Marant sait qu'elle a trouvé sa voie. Cette éternelle insatisfaite ne cesse de couper, dessiner et coudre, elle recherche la perfection et son style un peu farfelu plait ! Elle fait ses armes chez Michel Klein. Puis lance une ligne d'accessoires et de bijoux.
Mais c'est en 1994, qu'elle décide de faire du vêtements et sous son propre nom. « Isabel Marant » est née. Le point de départ de cette marque ? L'envie d'Isabel Marant de pouvoir porter des tenues qui lui plaisent et qu'elle ne trouve pas dans le commerce. Elle veut faire des habits que les femmes comme elle (entendez femme active) aient envie de porter, des vêtements pour lesquels on soit prêt à dépenser un peu d'argent sans pour autant s'affamer pour les 4 ans à venir.
Et que recherche une femme entre 25 et 35 ans en 1994 ? Des vêtements cosy à la fois pointus et confortables. À l'époque, la mode est ou très travaillée, chic, inaccessible, ou ultra basique, type Agnès b... Isabel Marant voulait être un compromis entre ces deux mouvances. Et c'est le succès : à peine deux ans après la création de sa marque, Isabel Marant reçoit l'Award de la meilleure créatrice de l'année, elle installe son quartier général dans un ancien atelier d'artiste et les boutiques éclosent, rue Charonne pour commencer puis une autre au cœur de St-Germain.
Loin de se perdre dans les subtilités de la création, la jeune femme garde bien les pieds sur terre. L'une des clefs de sa réussite est sûrement son grand pragmatisme. Elle parvient à coller ses idées aux demandes du marché et s'assure ainsi un bon retour commercial. Elle cultive une approche du vêtement très particulière, elle part de l'idée que toute femme possède un pull, une robe, qui bien qu'un peu passée et défraîchie, leur tient à cœur et qu'elles aiment porter en dépit des modes et des tendances qui passent.
C'est ça qu'elle désire : retrouver cette familiarité instinctive avec la matière. C'est pourquoi aucune des pièces qui sortent de ses boutiques ne paraît trop neuve : pas d'amidon ou de repassages excessifs, on aime le froissé, le délavé, le vêtement complice. Elle aime la patine que le temps donne aux vêtements, elle fait subir à ses créations de multiples lavages, détends les coutures et s'inspire des danseurs contemporains qui transforment leurs costumes pour aller vers l'essentiel.
Si on lui demande quelle est sa couleur préférée, elle dira que c'est plus la non-couleur qui l'attire, les gris sourds, les violines passées et parfois les associations inattendues entre des teintes curieuses... Pour ce qui est de la silhouette, elle la préfère faussement masculine, matinée d'une fragile féminité faite de flou et de transparence.
Elle dit affectionner tout particulièrement les épingles à nourrice qui permettent de tout transformer en un clin d'œil. Depuis 2004, elle dessine également une ligne enfant qui reprend les thèmes qui lui sont chers : patine, délavage, passé et fraîcheur. Sa plus belle récompense ? C'est dans la rue, lorsque son regard se trouve attiré par une femme et qu'elle se rend compte que cette dernière porte ses vêtements...