À l'origine de cette invasion espagnole sur toutes les facettes mode du globe, un homme : Amancio Ortega. Cet espagnol, né en Castille, ne soupçonnait pas que son destin serait à l'image de l'illustre Rockefeller. Issu d'un milieu modeste, Amancio doit à 14 ans abandonner l'école afin de gagner sa vie. Cette confrontation précoce avec les réalités économiques va booster le garçon et lui donner la force de mettre en pratique ses idées : il conçoit avec des amis un modèle de pull shetland. Ce qui aurait pu rester lettre morte est un tel succès qu'avec les bénéfices des ventes Amancio Ortega ouvre sa première boutique Zara en 1975.
Le concept ? Démocratiser les vêtements de luxe en s'en inspirant largement, afin de créer des modèles qui seront vendus moitié moins cher que les originaux. Son talent tient dans l'observation extrêmement perspicace des tendances à suivre, ce qui engendre inévitablement des produits en adéquation parfaite avec les envies des clientes. Il transforme les musts have des grandes maisons de couture en pièces abordables pour tous les budgets.
Son idée fut certes révolutionnaire, mais étant donné la conjoncture actuelle de concurrence sauvage qui sévit dans le milieu textile, l'essor de Zara tient du conte de fées… Un conte de fées dirigé au millimètre près grâce à une stratégie commerciale innovante et intrépide, qui a fait d'Amancio Ortega la première fortune d'Espagne. À la tête du groupe Inditex, il a créé un véritable empire textile (composé des enseignes Zara, Massimo Dutti, Pull and Bear, Stradivarius, Bershka, Oysho) dont le fleuron est indubitablement Zara.
Une stratégie : "Design on demand"
C'est à partir de 1988 que le holding Inditex a exporté Zara à l'étranger avec une première boutique en Hollande. En une vingtaine d'années, Zara s'est invité dans plus de 33 pays et s'est dispaché sur trois continents. Une Brésilienne peut ainsi se retrouver sans difficulté avec le même jean slim Zara qu'une asiatique ou une Norvégienne, car les collections proposées sont rigoureusement les mêmes quelque soit la partie du globe touchée.
Le prochain grand chantier de Zara se trouve en Chine, où depuis 2004 ils ont ouvert 9 magasins. Mais Amancio Ortega compte bien profiter du pouvoir d'achat grandissant du foyer moyen chinois afin de développer et d'étendre le règne espagnol au détriment de la concurrence suédoise d'H & M sur le marché du prêt-à-porter.
Sur quoi repose la stratégie gagnante de Zara ? On pourrait résumer le concept d'Amancio Ortega au marketing de la rareté, le but étant de coller aux tendances des podiums, mais aussi de susciter l'envie des clientes et de parvenir à être en phase avec le climat. C'est pourquoi les collections sont produites en nombre limité, elles ne sont pas réapprovisionnées et sont quasiment renouvelées tous les mois, ce qui permet de rectifier le tir et de coller de près à la réalité du marché.
Par ailleurs, les 200 stylistes qui sont les acteurs majeurs de cette ruche créative se doivent de ne rien laisser passer : ils reçoivent des indications des boutiques sur ce qui se vend ou non et adaptent leurs produits quasiment en simultané avec les comportements d'achat. Ils sont également tenus au courant de l'état des ventes des créateurs et des maisons dont ils s'inspirent, afin de pouvoir déterminer le potentiel de telle ou telle pièce.
Un chiffre illustre à lui seul la productivité hyperactive des équipes de style de Zara : plus de 30 000 modèles différents sortent chaque année des bureaux espagnols de Corogne (maison mère de Zara). Pour pouvoir tenir ce rythme et défier toute concurrence en terme de délais, Zara à mis au point un système de production personnalisée en fonction de ses besoins.
La production, une course contre la montre
Contrairement à H&M, son concurrent principal, Zara possède 65% de ses usines en Espagne. La majeure partie des points stratégiques de la création d'un produit (de la conception à la finition) est ainsi gérée dans un espace géographique restreint, ce qui permet d'avoir un regard global sur la production et de pouvoir agir dessus directement. La délocalisation permet certes d'obtenir des coûts plus bas, mais allonge également les délais de livraison de 2 à 3 mois, ce qui est inacceptable pour Zara.
L'espagnol veut faire la différence grâce à sa capacité de réaction extrêmement courte : un imprévu climatique, une tendance surprise, un produit phare plébiscité par les people… Zara peut réagir quasiment instantanément. Amancio Ortega insiste sur le fait que le climat est le premier facteur à prendre en compte. Un été pluvieux ou un hiver doux peuvent ainsi ruiner des collections prévues 6 mois à l'avance, alors qu'en réduisant le délais entre le croquis et la mise en boutique à trois semaines, l'espagnol a toutes les chances de rafler la mise. Flexibilité et rapidité sont les maîtres mots du concept Zara.
Grâce au sourcing continuel effectué auprès des boutiques, les envois de stocks sont sans cesse ajustés, réévalués, afin de fonctionner en flux tendu. Les possibles erreurs d'appréciations des tendances sont palliées par le fait que chaque pièce n'est produite qu'en 10 ou 15 000 exemplaires. Ces petites quantités non renouvelables ont deux avantages : elles créent le sentiment d'exclusivité chez la cliente et obligent Zara à sortir des nouveautés continuellement.
Une communication intimiste
Zara a choisi de développer avec sa clientèle une relation interactive. En effet, pas de publicité tapageuse, de partenariat pailleté ou de coup médiatique retentissant. Chez Zara, l'important est de susciter l'envie de sa clientèle et d'augmenter la fréquence de ses visites, grâce au turn over incessant des produits présentés en magasin. Son moyen de communication : ses vitrines hebdomadaires. Elles sont élaborées en Espagne et se doivent d'être identiques au modèle diffusé par la maison mère chaque semaine.
Le groupe Zara ne voit donc pas l'intérêt de communiquer par des campagnes de publicité où les modèles proposés seraient épuisés en à peine 10 jours… une saison chez Zara ne dure qu'un mois. Ils misent tout sur l'attrait de la nouveauté et se passent donc des publicitaires, une prise de position complètement à contre-courant du marché, mais qui semble fonctionner.
Ce choix d'une quasi non-communication leur permet de dégager un budget conséquent, notamment pour investir dans l'immobilier, afin de trouver le meilleur emplacement pour leurs boutiques. Ceci est crucial au regard de leur stratégie de communication : ils doivent être visibles, accessibles et présents dans les quartiers propices à la consommation-shopping afin d'entretenir une relation directe avec leur clientèle.
Le lifestyle Zara
L'évolution de Zara tend vers la diversification de leur offre. Ils cherchent ainsi à s'éloigner peu à peu du concept qui a fait leur succès, basé sur la démocratisation des produits luxueux fortement inspirés du marché haut de gamme, mais qui doit être dépassé afin de pouvoir évoluer. Cet élargissement de gamme, allant du produit cosmétique au mobilier hype de Zara Home, va permettre à Zara de développer une véritable image de marque. En effet, en mettant des produits annexes au textile sur le marché, ils sont obligés de s'interroger sur ce qu'évoquera à travers eux le mot Zara. Tout un programme...
Par Lise Huret, le 02 septembre 2007
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