Balenciaga, pour les néophytes férues de keffiehs ou de blazers, rime avec Nicolas Ghesquière, "it" pièces et branchitude. Néanmoins, il est bon de ne pas oublier pourquoi Nicolas Ghesquière est si attaché à cette maison, pourquoi le passé de la marque est une page majeure de l'histoire de la mode, mais également qui était Mr Balenciaga.
Cristobal Balenciaga naquit en 1895 aux pays basques espagnols, à Getaria. Le jeune homme commence à travailler en tant qu'acheteur. À l'époque - en 1910 - les trois agents majeurs de la mode sont trois femmes : Elsa Schiaparelli, Madeleine Vionnet et Gabrielle Chanel. Cristobal Balenciaga est fasciné par leurs créations, à tel point qu'il achète leurs modèles et les découd, puis les recoud, jusqu'à comprendre les mécanismes de la couture et le secret des coupes. Il finit par les modifier et à en extraire ses propres vêtements.
Son style est animé par le désir d'étudier la construction des vêtements, de pousser à son paroxysme le pouvoir de la coupe. En 1919, il ouvre sa première boutique à San Sebastian et y développe son amour du modélisme, il pense ses créations comme un architecte élabore une construction. Il ouvre ensuite d'autres points de vente en Espagne, mais c'est lorsqu'il s'expatrie à Paris pour fuir la guerre - en 1937 - que le succès va lui sourire.
C'est au 10 avenue George V que Cristobal Balenciaga pose ses valises et monte sa première collection. Les clientes qui assistent à son défilé sont enthousiastes et la presse se fait très vite le relai de leur émoi. Durant la guerre 39-45, il est l'un des rares couturiers à ne pas fermer sa maison. Il profite au contraire de la pénurie de tissus pour élaborer des techniques de coupe qui lui permettent d'obtenir du volume sans accumuler les couches de matières.
C'est ainsi qu'en 1946 apparaît la ligne tonneau et ses fameux boléros. Cristobal Balenciaga est l'un des seuls couturiers de l'époque qui sache vraiment coudre, les autres ne faisant que dessiner leurs créations. Lui sait coudre et connaît les techniques de coupes, ce qui lui permet d'inventer de nouveaux volumes et de procurer à chacune de ses créations un tombé incroyable..
Il lance son premier parfum qu'il appelle "10", faisant écho à l'adresse de son siège. En 1948, il ouvre ainsi la boutique Balenciaga à l'adresse de ses ateliers, au 10 avenue George V. Alors que la mode est à lancer des parfums, celui de Coco Chanel étant notamment un succès international, Cristobal élargit sa gamme en mettant au point "La fuite des heures". En 1962, il crée l'Eau de Balenciaga.
Les années 50 sont sans conteste tournées vers le passé, en multipliant les allusions aux élégantes toilettes du début du siècle. Pourtant, les mutations de la société vont susciter de nouvelles innovations chez les couturiers, et notamment chez Balenciaga, qui libère les femmes de leur gaine en concevant le tailleur décintré. Très peu de temps après, il développe une nouvelle silhouette : il abaisse la hauteur de la taille et dessine des volumes minimalistes où la maîtrise de la coupe crée des pièces parfaites conférant aisance et élégance à celles qui les portent.
C'est dans ce contexte qu'il met au jour la marinière, qui deviendra vite un basic, comme bon nombre de ses créations. Il révolutionne littéralement la mode, dépouille de plus en plus ses modèles, cherche à obtenir le volume ultime, la "couture unique". Il travaille la robe chemise et la tunique, et ses digressions sur ces thèmes enchantent la clientèle. Pourtant, sa mode est à contre-courant du new-look ambiant.
C'est à lui que l'on doit la baby doll, qui en 1958 est la pièce maîtresse de sa collection. À la même époque, il découvre une nouvelle matière, le Gazar d'Abraham, qui va fortement influencer son travail. Cette étoffe rigide permet de marquer les volumes et d'obtenir des formes impossibles à tenir dans des tissus plus souples. Son style s'épure de plus en plus, la robe de mariée qu'il dessine en 1967 en est la parfaite illustration.
Au cours des années 60, il ne cesse d'enchaîner les micros révolutions. Il fait porter ses tailleurs de sport avec des bottes, ce qui fut à l'époque un véritable raz de marée stylistique. Il pense ses silhouettes en trois dimensions, qui en deviennent des oeuvres abstraites, voire conceptuelles. Une des caractéristiques majeures du style Balenciaga est cette abstraction des formes faite de tailles décintrées et de volumes trapézoïdaux.
En dépit de son succès, de sa renommée, du respect et de l'admiration qu'il suscite, Cristobal décide de fermer sa maison en 1968. Sa dernière contribution au monde de la mode sera la réalisation d'uniformes pour les hôtesses de l'air d'Air France. Il quitte l'univers qui lui était cher, car il refuse de se mettre à ce nouveau mode de fonctionnement qu'est le prêt-à-porter et qui selon lui est le responsable du "flot de vulgarité qui s'abat sur la mode".
Il prend sa retraite en Espagne et s'éteint en 1972. Sans Cristobal Balenciaga, la maison qui porte son nom éprouve des difficultés à retrouver une âme novatrice à la hauteur du créateur défunt. Elle est rachetée par plusieurs groupes pour finir dans le panier de Pinault Printemps Redoute en 2000.
Depuis 1995, les choses évoluent pour la maison moribonde : un jeune autodidacte qui a fait ses armes chez Agnès B et Jean Paul Gaultier redonne petit à petit vie à l'oeuvre de Cristobal Balenciaga. Ce jeune homme, c'est Nicolas Ghesquière. En 1997, il devient directeur artistique et s'inspire de l'esprit de Cristobal en y additionnant une pointe de modernité : la nouvelle génération Balenciaga est née, entre filiation et génie visionnaire.
Selon certains, il est le fils spirituel du maître des lieux. Son approche un brin futuriste du prêt-à-porter féminin séduit la presse et la critique, et en 2001 il obtient le CFDA du meilleur designer de l'année. La même année, Balenciaga est racheté par Gucci. Balenciaga devient une griffe ultra branchée. Les fans inconditionnels de Ghesquière sont légion : on compte parmi eux Charlotte Gainsbourg, Asia Argento et Kate Moss. Les défilés du styliste sont à chaque saison des événements générateurs de "it" et de tendances.
Cependant, la maison semble intrinsèquement liée à Ghesquière, comme elle le fut avec Cristobal, on imagine donc mal qu'elle puisse être dissociée de son styliste sans mourir à nouveau. Espérons que le turn over qui sévit parfois dans les grandes maisons ne touche jamais Nicolas Ghesquière…
Par Lise Huret, le 08 novembre 2007
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Et meme si la derniere collection a fait l'objet d'un "petit" debat .... c'est pas pour autant qu'elle n'as pas été l'une des plus grande entre toutes !
Pour en revenir a un certains point de l'article .... je crois qu'il n'avait pas totalement tord lorsqu'il disait que le pret a porter est responsable du flot de vulgarité qui s'etend sur le monde de la mode .... a un certain degré , en tout cas !