Défilé Balenciaga - Haute Couture automne 2021
Si Nicolas Ghesquière rendit maintes fois hommage aux codes du maître espagnol Cristóbal Balenciaga lors de ses années au sein de la maison française, il ne se risqua pour autant pas à présenter une collection haute couture. Il aura ainsi fallu attendre ce mois de juillet 2021 et l'audace de Demna Gvasalia pour voir la griffe si prisée des socialites des années 60 renouer avec la tradition abandonnée en 1968...
Féru d'esthétique normcore et de grammaire sportswear, Demna Gvasalia a récemment mis en ébullition le petit monde de la mode en mettant sa créativité au service des codes de la haute couture. Ils furent ainsi nombreux à se presser ce mardi 6 juillet sous les plafonds du salon du 10 avenue George V à Paris afin de découvrir la première collection haute couture de l'un des chouchous du groupe Kering. Sur les rangs de chaises disposés le long d'une moquette moelleuse, l'excitation était palpable : le créateur de la fameuse Triple S allait-il réussir à sublimer l'héritage du fondateur de la griffe ? Parviendrait-il à faire cohabiter l'élégance intrinsèque à la notion de couture avec son désir de coller au plus près de la jeune génération ?
Des questionnements qui se virent rapidement balayés par l'entrée silencieuse du premier modèle. Ici, point de bande-son tonitruante : seul le froissement des étoffes se fait entendre. Or, dans un univers où le bruit est partout présent (au sens propre comme au sens figuré), emprunter au passé le concept de la présentation silencieuse est une idée de génie : Demna Gvasalia nous offre ici une pause, une respiration où le vêtement peut enfin reprendre sa place.
Sous ses doigts, les monochromes exaltent les tailleurs aux hanches saillantes, les lignes basculées en arrière empruntées aux archives maison fleurent bon une sensualité d'un autre âge, tandis que nombre de volumes évoquent ceux des toilettes des amies de Truman Capote (voir ici, ici et là). Le tout bien entendu saupoudré de démesure et d'intransigeance contemporaine, afin d'épouser les codes du créateur géorgien. Si l'on fait abstraction des silhouettes les plus oversizes (voir ici, ici et là) et que l'on se focalise sur les créations au classique revisité, force est de constater que l'année consacrée à l'élaboration de cette collection a porté de jolis fruits.
Reste cependant une question que soulève le visionnage de la vidéo du défilé : pourquoi Demna Gvasalia s'obstine-t-il à composer des castings aussi étranges et à imposer à ses modèles une démarche digne des personnages de la série Walking Dead ? Bien loin de sublimer ses créations, ces partis pris ont tendance à aspirer la lumière des toilettes proposées. Sans parler de la confusion des genres, qui achève de désincarner les vêtements...
Un état de fait d'autant plus regrettable que Demna Gvasalia a selon moi tout compris à "l'esprit couture", à savoir "Faire un vêtement unique, pour une personne unique. Un vêtement écologique et moderne par essence, puisqu'on ne produit pas ce qu'on ne vend pas". Voir toute la collection : https://www.vogue.com/fashion-shows/fall-2021-couture/balenciaga#gallery-collection
Par Lise Huret, le 12 juillet 2021
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DG a certes jeté un énorme pavé dans la mare (reléguant les coutures de Chanel et Dior au rang de maison figées), il n'en demeure pas moins que sa couture va se vendre, et fait à plusieurs reprises référence à l'architecture du vêtement chère à Cristobal.
J'ai regardé le show avec un regard d'ancien de la maison, en y repérant les codes et les clins d'oeil au passé, en me disant au fur et à mesure du show que DG a tout compris.
Qu'on aime ou pas, là n'est plus la question à ce stade, puisque cette collection s'adresse à ce que l'on appelle désormais les "one percent", autrement dit une clientèle infime mais sans limites.
Ce que je retiens au final, c'est que la Haute Couture ne doit plus être une vision rêvée de la mode, mais doit savoir s'inscrire dans un quotidien actif, même si l'on ne prend pas le métro.