Les K.Jacques n'ont qu'à bien se tenir, car à moins de suivre le mouvement en se hissant sur les hauteurs de la cheville, les sandales phares de l'été dernier vont se voir voler la vedette par un modèle faussement similaire, se déclinant en lanières, mais n'ayant plus grande chose à voir avec la sobriété hype des sandales tropéziennes.
À en croire les présentations majeures de la saison printemps été 2008, la chaussure se veut désormais guerrière, parfois légèrement gothique, voire à la limite de la Pocahontas trash. Le signe de ralliement de ces différents modèles est le côté gladiateur qui en émane. Cependant, si on décrypte une inspiration commune, dès qu'elles deviennent le jouet des créateurs les spartiates 2008 se fondent dans le concept de la maison pour laquelle elles officient, et se métamorphosent en des chaussures frisant le conceptuel.
Ricardo Tisci, pour Givenchy, transforme la sage sandale à lanières en un accessoire "fil conducteur" de sa collection. Le design terriblement rock qu'il leur associe apporte ce qu'il faut d'aspérité et de relief aux tenues bi-chromiques à la poésie optique arpentant le catwalk. Ses spartiates, déclinées en noir khôl ou en ivoire mat, lacent la jambe à la manière des bandes molletières de la Première Guerre. Cependant, leur structure et la finesse de leurs attaches permettent de conférer aux modèles Givenchy une certaine légèreté, qui transpose le gothique vers une nouvelle esthétique haut de gamme, plus urbaine et moins connotée. Afin d'être au coeur de la tendance, il faudra non pas accentuer leur penchant ténébreux, mais juste le mettre en abîme par des toilettes à la modernité chic, aux matières translucides et la féminité à fleur de peau, tout en restant dans un esprit rigoriste où la fioriture n'a pas droit de cité.
Chez Balenciaga c'est une autre histoire… Point de dress code à décrypter, les spartiates accompagnant un vestiaire quasi monomaniaque, où seuls détails et imprimés varient réellement. Les volumes et les coupes ne sont certes pas identiques, mais la silhouette est la même d'un bout à l'autre du défilé. Dès lors, les élucubrations shoesesque de Nicolas Ghesquière n'ont pas de deuxième chance : elles n'ont pas l'opportunité de se révéler au détour d'une tenue totalement différente qui pourrait éventuellement lui offrir un nouveau champ lexical… Le discours est donc clair : on aime ou non, le styliste ne semblant pas prêt à faire de concessions. La chaussure en tant que telle est, reconnaissons-le, le faire-valoir d'un artisanat d'exception : le cuir est délicatement tissé, minutieusement perforé… Cependant, le design de ce modèle est un creuset où s'entrechoquent trop d'influences. Ce qui finalement donne naissance à une création chargée, superbe en tant qu'objet d'art, mais qui ne pourra gagner ses lettres citadines qu'avec le génie de certaines modeuses. Ces dernières parviendront peut-être à trouver les pièces qui sauront être élégamment discrètes, afin que ces spartiates haut perchées puissent être appréciées sans échoir dans la vulgarité ou dans le clownesque.
Avec D&G, les choses paraissent plus simples. Nous avançons sur un terrain connu, où le cuir naturel a le beau rôle, où les lanières aux dimensions classiques offrent un look roots casual qui pourrait bien l'emporter sur ses concurrents, de par sa facilité d'accès et son évidence. Bohême d'un nouveau genre, où les belles ingénues se voient dotées de caractère, l'allure D&G à tout pour plaire. Et ses spartiates montantes, sans chercher à jouer les révolutionnaires, ont le bon goût de quitter le folklore qui pouvait leur être associé dans le passé, afin de chausser la working girl de l'été.
Les spartiates sont donc bel et bien de retour, elles font peau neuve et s'imaginent en guerrière sensuelle. Attention néanmoins à ne pas les surlooker, car elles se suffisent à elles même…
©photo : Vogue
Par Lise Huret, le 15 janvier 2008
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