Que les filles des magazines, des panneaux publicitaires ou des spots télévisés soient retouchées n'est plus un secret pour personne. On se doute bien que la peau de telle actrice quinquagénaire n'est pas miraculeusement épargnée par les rides, que les cheveux de Penélope Cruz ne brillent pas seulement parce qu'elle le vaut bien, et que les fesses de Laetitia Casta ne doivent leur fermeté qu'à Photoshop…
Mais qu'importe, on aime nous vendre du rêve, de la beauté idéalisée, un concept qui ne dupe que celles qui désirent l'être. Là où les choses se corsent, c'est lorsqu'une marque décide de baser sa communication sur le slogan bien pensant "Nous, nous ne vous mentons pas". Ce fut le cas de Dove, qui en lançant sa campagne "Real Beauty" a décidé de séduire les 68 % de femmes qui disent se sentir en décalage profond avec l'image de la féminité que leur renvoie la publicité.
L'idée est lumineuse, et apparaît comme une évidence. Il était temps que les moyens de communication reflètent l'évolution d'une population de plus en plus diversifiée, et dont le poids moyen avait augmenté. Dove fait alors figure de précurseur courageux, et ne se gène pas pour adopter un discours moralisateur auprès des autres sociétés de cosmétiques, décrites comme le grand méchant loup générateur de troubles psychologiques chez l'adolescente en perte de confiance…
Oui mais voilà, ceux qui désirent critiquer et faire bouger les choses se doivent d'être plus blanc que neige, afin d'asseoir leur crédibilité. Or, les récentes déclarations du retoucheur de photo professionnel Pascal Dangin (ayant travaillé sur les fameux clichés "Real Beauty") viennent de faire vaciller la crédibilité de Dove. Alors que la marque diabolise les retouches (voir le dernier clip "Evolution") et dénonce les mystifications liées au monde de l'esthétique, Dangin affirme avoir modifié les photos pour la campagne Dove.
En effet, si le parti-pris officiel était de mettre en scène différentes femmes plus voluptueuses que fil de fer, le but premier était bien évidemment de booster les ventes. Or, voir s'afficher sous les abris bus des jambes adipeuses et celluliteuses n'aurait guère été vendeur… Du coup, les protagonistes de la publicité ont l'incroyable chance d'arborer des rondeurs exemptes de peau d'orange, et cela non pas grâce à Dame Nature mais bien grâce à Pascal Dangin, qui s'est arrangé pour lisser les défauts et gommer tels ou tels petits bourrelets.
La chose n'a rien de dramatique en soi, mais réduit néanmoins à néant le discours idéaliste de Dove, qui prône le 100% naturel. En bref, loin de servir la cause de celles se sentant cannibalisées par le marketing de la beauté, Dove s'est juste faufilé dans un créneau porteur, sans se soucier d'accorder ses actes avec ses paroles. Il est donc temps de cesser de greffer sur la publicité une pseudo morale, qui ne sert ni à rendre le monde meilleur, ni à améliorer notre quotidien, mais juste à doper un chiffre d'affaires…
Le porte-parole de Dove dément les déclarations de Pascal Dangin
Par Lise Huret, le 09 mai 2008
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