La mode est connue pour être un univers d'excès fonctionnant aux shoots de nouveautés. Il lui faut en effet sans cesse renouveler son stock de choses insolites à célébrer et de perspectives inédites à explorer si elle veut pouvoir continuer à palpiter. Régulièrement, les créateurs s'emparent ainsi d'individus prometteurs et les propulsent rapidement au sommet de la hype (Jean Charles de Castelbajac avec Ebony, Karl Lagerfeld avec Lily Allen, etc...).
Il n'y a d'ailleurs rien d'étonnant à ce que les gourous fashion aient facilement tendance à s'enticher de personnages dont l'aura et l'univers sont susceptibles d'alimenter leur créativité ou de servir leur communication...
Cela dit, il serait infantile - voire hypocrite - de s'indigner de la présence à priori illégitime de ces têtes d'affiche éphémères. Car si l'intelligentsia fashion décide parfois d'accélérer artificiellement la montée vers les étoiles de certaines de ses figures, ces derniers n'en sont pas pour autant dépourvus de qualités réelles...
Ainsi, lorsque je lis que Tavi Gevinson aurait tendance a foncièrement énerver bon nombre de rédactrices de mode, je me dis qu'il ne faudrait pas se tromper de cible. Il est en effet bien plus facile de se moquer d'une enfant portant un chapeau démesuré lors du défilé Dior que de critiquer ceux l'ayant placé au premier rang, ou le créateur qui lui a offert ledit chapeau...
On pourrait également réduire Tavi Gevinson à un épiphénomène de mode, à un caprice de créateur ou à une imposture bien orchestrée. Cela dit, gardons bien à l'esprit que la gamine originaire de Chicago n'a pas attendu que la célébrité lui tombe dessus pour se mettre à compulser de vieux magazines de mode, écumer les boutiques vintage (afin de composer ses prochains looks-déguisements) et récolter d'innombrables babioles (dont la riche diversité ferait pâlir d'envie les têtes chercheuses de chez Nelly Rodi)...
Enfant avant tout, Tavi s'autorise toutes les fantaisies, invente des personnages qu'elle se fera un plaisir d'incarner en imaginant leurs tenues, triture des ballons de baudruche (en référence au Balloon Dog de Jeff Koons) et écrit des raps, dont le sujet principal n'est autre que son idole, Rei Kawakubo...
Comment une préado a-t-elle donc pu se créer un univers aussi riche, composé de tant de références - certainement plus nombreuses que chez la plupart des personnes gravitant dans le monde de la mode - diverses et variées ? La question reste en suspens...
Cependant, la pertinence des écrits que l'on retrouve sur Style Rookie et le regard brut et cynique que Tavi pose aussi bien sur son quotidien que sur la valse des défilés, ajoutés au fait que la très inaccessible Rei Kawakubo lui ait à plusieurs reprises ouvert les portes de son bureau - et projette de collaborer avec elle - devraient accorder à la jeune demoiselle un minimum de crédit.
Au passage, si le fait qu'une fillette puisse obtenir une place au premier rang d'un défilé haute couture - alors que d'autres journalistes ont mis des années avant de pouvoir accéder ne serait-ce qu'au second - peut effectivement être rageant, on ne peut que se réjouir de la voir bousculer un brin les us et coutumes de la mode, et ce même si elle froisse au passage quelques égos...
Au final, que Tavi soit la réincarnation de Diana Vreeland ou d'Elsa Schiaparelli, ou simplement une gamine davantage intéressée par un univers jusqu'ici réservé aux adultes plutôt qu'aux actrices de sitcoms et autres chanteurs en vue, cela n'a après tout que peu d'importance. Le jugement vierge de toute pression commerciale, les yeux encore embrumés d'avoir pu approcher Marc Jacobs et le caractère toujours marqué par l'insolence de l'enfance, Tavi ne peut de toute façon que tirer vers le haut le milieu qui désire l'adopter.
Espérons simplement que la mode ne se lassera pas trop vite de son petit singe savant et qu'elle saura le protéger des foudres blessantes de la jalousie. Car aussi précoce soit-elle, Tavi Gevinson n'a finalement que 13 ans...
Par Lise Huret, le 29 janvier 2010
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Il y a énormément de risques pour elle, que ça soit a cause de son égo qui va forcément enflé, le risque qu'on la délaisse soudainement, le risque d'un "Drew Barrymore Syndrome"...
En fait ce qui m'inquiète le plus c'est que ses parents n'aient pas été au courant que la petite fille de 12 ans tenait un blog avant de le voir dans le journal, pour moi c'est assez grave.
De toute façon maintenant c'est trop tard, mais j'ai bien peur que le rêve ne dure pas bien longtemps pour la petite Tavi.