Orphelin à 7 ans, amoureux fou à 20 ans, père de 6 enfants et grand-père de 11 petits-enfants, mais aussi homme au caractère espiègle et à la générosité à fleur de peau, mon père a toujours été un modèle pour moi. Portrait en filigrane au travers de mes souvenirs...
J'ai 3 ans. Pour la première fois, je reçois une lettre adressée à mon nom. Celle-ci vient d'Inde, où mon père est parti plusieurs semaines en voyage. Un peu écornée par le long trajet, elle est signée "Ton papa". Deux mots qui font naître en moi le sentiment merveilleux de compter pour quelqu'un. De compter pour lui. Mon premier trésor...
J'ai 8 ans. Comme souvent lorsque mon père part faire une course, je décide de l'accompagner, de peur qu'il ne s'ennuie. Je lui parle de mon dernier cours d'histoire, me perds dans les détails, évoque la dégaine du professeur de la classe d'à côté… Un silence, puis il tourne la tête et me dit qu'il aime m'écouter parler. Un compliment énoncé simplement qui surprend la petite fille que je suis et se grave en elle tel un talisman.
J'ai 11 ans. À quelques jours de la rentrée, je pars avec mon père acheter les habits qui accompagneront mon entrée au collège. Sur la liste : une surchemise, un sous-pull et surtout un slim. Pour l'occasion, j'ai le droit de choisir un Cimarron : le Graal ! Dans la boutique, je jette mon dévolu sur un modèle bleu marine, n'osant pas choisir celui qui m'a véritablement tapé dans l'oeil : un sublime slim orange flamboyant. Après l'étape de l'essayage, je rejoins mon père à la caisse, où il m'attend avec un regard complice et deux slims, dont le fameux modèle orange... Dehors, il me confiera que dans la vie, il faut oser, et qu'importe le regard des autres.
J'ai 12 ans. Ma mère tournoie devant le grand miroir du hall d'entrée, faisant voler la jupe que mon père vient de lui offrir. Il nous dit alors que le plus important dans un vêtement, c'est le tombé du tissu. J'en prends note mentalement. J'y repenserai souvent, notamment dix ans plus tard en essayant ces robes APC en coton bien trop léger pour tomber joliment.
J'ai 13 ans. C'est mercredi et l'ennui me guette. Je décide d'aller jeter un oeil à la pile d'albums photo de famille, et plus particulièrement à celui datant des années 70, lorsque mes parents étaient un jeune couple sans enfants. Trois d'entre elles m'interpellent : celle où mon père fait le pitre en jean pattes d'eph' et chemise en chambray, une autre prise lors de son service militaire où il baisse exprès la tête alors que les soldats de son régiment sont au garde à vous et enfin celle de son mariage où, en costume sombre, il m'apparait plus beau que jamais. Insolence, liberté, indépendance et élégance : tels sont les 4 points cardinaux qui ont toujours régenté la vie de mon père. À ce moment précis, je décide de les faire miens.
J'ai 18 ans. L'anorexie au bout des os, je ne pèse pas bien lourd. Décontenancé devant cette fille qui ne mange plus, mon père se tait. Mais lorsque j'évoque mon envie d'aller en Égypte, il prend les billets et s'envole avec moi. Là-bas, le corps rassuré par le vent chaud, l'âme éblouie par le visage des enfants rieurs et le coeur réchauffé par l'amour absolu de cet homme qui veille sur moi, je commence peu à peu à reprendre goût à la vie.
J'ai 19 ans. Ma soeur aînée se marie. À trois jours de la cérémonie, je n'ai toujours pas de robe. Mon père m'emmène alors chez un marchand de tissus et me lance dans un sourire : "À toi de jouer !". Les bruits de machine à coudre émanant de ma chambre et les robes blanches taillées dans les draps ne sont apparemment pas passés inaperçus… En réagissant ainsi, il me fait comprendre qu'il valide ma passion. Je n'ai plus peur. C'est décidé : je quitte le droit pour me lancer dans la mode.
Par Lise Huret, le 07 février 2014
Suivez-nous sur , et
Jupes : tendances printemps/été 2025
EN SAVOIR PLUS
Jean blanc : 3 looks tendances pour 2025
EN SAVOIR PLUS
Tee-shirt : tendances printemps/été 2025
EN SAVOIR PLUS
Comment porter le pantalon noir ?
EN SAVOIR PLUS
104 commentaires
Tous les commentaires
Pauline •Il y a 11 ans
C'est magnifique, vraiment très touchant. Le père est si important pour une fille... J'admire moi aussi le mien profondément.
Je suis vraiment heureuse de la tournure qu'a prise TDM, lire ces chroniques et les week diary sont un vrai plaisir (oserais-je dire que c'est ce que je préfère ?). Merci de nous confier un peu de toi.
Magnifique texte, touchant, émouvant, juste, et inspirant !
Je suis ce blog depuis longtemps et c'est la première fois que je commente.
J'adore vos chroniques, où vous parlez de vous, on sent une personne authentique derrière. Vous avez une belle âme, et c'est un plaisir de vous lire !
Lise, tu nous surprends à chaque fois. Analyse de mode parfaite la semaine, et billet plus qu'inspirant le vendredi. Tendances de mode est en quelques moi devenu Le blog parfait. Bravo.
Merci Lise, c'est encore une fois un immense plaisir de te lire!
Ta relation avec ton père est merveilleuse, il a l'air très attentionné, c'est quelqu'un de bien qui a su t'écouter quand tu en avais besoin!
Suite à cet article, j'aurais envie de te poser plein de questions (sur ta mère, tes sœurs ..) mais je te laisse ton jardin secret...
Pas d'oedipe dans ma relation avec mon père : je ne rêvais pas de l'épouser plus tard ;) Mais il est vrai que Julien partage avec lui certains traits de caractère. La vie est curieuse ;)
Les lectures ici sont délicieuses !!! Merci, merci, merci pour ce style d'écriture, qui tant dans le fond que dans la forme est d'une qualité irréprochable ! ;)
Comme Pauline, j'applaudis l'évolution de ce blog, ces articles plus personnels lui confèrent une plus grande sensibilité et humanité et me touchent beaucoup.
Très bel article, le texte est magnifiquement bien tourné (seule "déception" comme le disait Soso c'est qu'il manque un peu de ta vie à côté, et notamment ce "vide" entre 13 et 18 ans, mais comme elle l'a remarqué, faut te laisser ton jardin secret, c'est déjà bien que tu étales un petit peu de toi sur TDM ^^)
Je dois l'avouer, il a fait me monter les larmes aux yeux, surtout le passage du voyage en Egypte à un moment si crucial de ta vie...
Moi mon cher papa aussi compte énormément, et à 20 ans les rares fois où je rentre chez moi, je l'accompagne toujours faire les courses. Pareil que toi, pour qu'il ai quelqu'un à qui parler :)
Sincerement, ton blog est si different des autres. C'est ton individualite qui transparait. Je te lis tous les jours. J'espere te rencontrer si un jour je viens a Paris. (Je vis a Seattle, comme tu sais !) - en tous cas cette touche plus personnelle de ton blog me fait l'aimer encore plus ! Merci.
Cette chronique est superbe! Nous avons eu le plaisir d'être "témoins" de divers moments très importants dans ta vie, notamment l'arrivée de ton petit bonhomme, mais j'avoue qu'il s'agit du billet m'ayant le plus profondément touchée. Les larmes sont montées. Juste magnifique! Quel bonheur de te découvrir davantage Lise, merci!
J'aime cet article... Il est tellement personnel et c'est vraiment une belle preuve d'amour!
Et là la dernière phrase me déconcerte totalement... Mon rêve était de travailler dans la mode mais j'ai choisi le droit parce que mes parents n'approuvaient pas ce choix et qu'ils me parlaient de stabilité d'emploi! J'aime ce que je fais mais ça fait quelques temps que je me remets en question... La fin de l'article me fait encore plus douter sur ce que je veux vraiment lol
En tout cas, une chose est sûre: j'adore ton blog et tes posts ;)
J'avais entamé des études de droit dans le but de devenir commissaire priseur... Parfois j'éprouve un très léger sentiment de regret. Je pense que quelle que soit la voie que l'on suit, il est rare qu'elle nous convienne à 100% . Dans mon cas, je cultive ma passion pour l'art à côté de mon métier de journaliste. A toi de savoir si un changement d'orientation professionnelle te semble vital ou si tu peux réaliser une part de ton rêve sans forcément changer de métier. En tenant un blog par exemple ;)
Chère Lise, je n'ai pu laisser directement un commentaire à la suite de la lecture de ce texte. J'ai été très émue et en même temps gênée par tant d'intimité. Bien sûr, tu choisis ce que tu veux partager et c'est vrai que tdm se distingue notamment par cette sensibilité qui t'anime.
Bien à toi.
PS: adhésion au slim orange! En fait de l'orange un peu partout en ce qui me concerne ;)
J'ai beaucoup hésité avant de rédiger cette chronique, mais je pense finalement que c'est une bonne chose. Cela vous permet de mieux comprendre certains de mes choix éditoriaux :)
La première chose que j'ai faite après la lecture de ta chronique: Appeler mon père, pour lui dire à quel point je l'aime et à quel point j'ai besoin de lui.
Merci.
C'était en 1994 et c'était le début des slims, que l'on appelait alors "jean stretch". J'étais très mince, donc c'étaient les seuls pantalons qui m'allaient correctement ;)
Merci pour ce magnifique partage. Je suis de plus en plus touchée par ta sensibilité, ta pudeur, ta délicatesse au fil des chroniques... D'habitude je me tais, mais aujourd'hui je me devais de sortir de mon silence.
Magnifique article et très inspirant. Ou comment nos proches peuvent nous faire devenir ceux que nous sommes vraiment. Merci de partager ces moments à la fois intimes et universels tout en gardant la pertinence de la ligne éditoriale de ton blog!
C'est en partie pour cela que j'ai écrit cette chronique, pour que vous puissiez mieux me connaitre, mon père étant pour beaucoup dans celle que je suis aujourd'hui ;)
Cet article m'a touchée plus que je ne me l'imaginais.. Tu as beaucoup de chance (et lui aussi manifestement) et j'aimerais tant pouvoir avoir ces mots en parlant de mon père..
Bref, j'aime ton blog dans toutes ses facettes et je suis toujours aussi agréablement surprise par la tournure qu'il prend. :)
La petite fille à son papa :)
C'est drôle car autant pour les hommes qui sont plus ou moins liés à la mode, tout est de la faute de la mère, pour les femmes, on pourrait dire que tout est de la faute du père.
Je pense par exemple qu'une Anna Wintour pourrait se reconnaître dans ce texte.
Je trouve ce texte très touchant. J'en ai presque la larme à l'oeil...et je n'ose imaginer son état en le lisant. On aspire toutes et tous à ce genre de relation et on rêve d'une relation similaire pour nos enfants.
La force de TDM est finalement simple: c'est le seul site qui donne une âme à la mode :)
Magnifique article très touchant , tendance de mode est vraiment devenu un reflexe pour moi ! Venir sur tendance de mode c'est le premier truc que je fais en rentrant chez moi depuis environ un an en espérant que cela continue ^^ je dois avouer que j'ai eu un petit pincement au coeur en lisant cet article moi qui suis loin d'avoir eu une relation aussi belle avec mon pere (voir quasi inexistante) mais je ne gacherais pas la beauté de cette chronique avec ça ! Juste chapeau :) !
J'en ai les larmes aux yeux ! Décidément tu as le chic pour me toucher ! Pourquoi ne pas te lancer dans l'écriture ? Tu es vraiment une jeune femme émouvante.... Ma fille a une relation très fusionnelle aussi, avec son papa (mon mari) et je les aime pour ça !
Lire ce texte avec en fond sonore un bon gospel avec des paroles comme "Just to see you, to behold you as my king (...) I wanna be where you are, Peace is where you are, Joy is where you are, And love is where you are" a quelque chose de très apaisant.
Et que dire de ta bouille sur la photo ? Ahah ;)
Lise, ton texte est vibrant et terriblement touchant ! J'en ai également eu les larmes aux yeux.
La relation père/fille nous marque à jamais et tu le démontres bien. Et lorsque celle-ci est basée sur un amour et une complicité qui permettent de se révéler à soi-même et d'aller jusqu'au bout de ses rêves, ça n'a pas de prix !
Je pense que nous sommes nombreux à rêver de ce genre de relation autant avec le père que la mère que nous soyons fille ou garçon. Malheureusement j'appartiens à la catégorie opposée à la tienne mais c'est la vie :).
Tu as une chance inouïe Lise et je sais que tu en profites.
Magnifique texte qui nous pousse à nous demander quel genre de parent on souhaite devenir.
Continuer à nous faire rêver !
Très belle chronique! C'est très émouvant de te découvrir un peu plus et j'imagine comme c'est difficile pour toi de raconter ces choses si personnelles. Merci de partager ça avec nous!
Petite question, dans les années 90 tu mettais des slims?? Quelle avant-gardiste! Moi qui pensais que mes 501 étaient le st graal..
Au fait vraiment desolé de faire un hors sujet complet mais vas-tu parler des défilés new yorkais de l'automne 2014-2015 ? En particulier ceux d'Alexander wang prabal gurung et Victoria Beckham (que je suis depuis 3 saisons et que j'aime beaucoup , ce qu'elle fait est presque Célinien ^^)
j'aime bien recevoir ta page que je lis avec plaisir voilà c'est le mot: plaisir..
je te remercie d'avoir partagé ces mots touchants avec nous
bien entendu j'ai retrouvé un écho m^me si nos mondes sont différents
bravo pour ton blog!!!
continues!
C'est ma 1ère visite sur le blog, je viens de voir un petit itw filme sur M6. Je suis happée par ce texte plein de sensibilité subtil et pourtant simple de pragmatisme. Cette chronologie de vie me rappelle bien des choses et me surprend aussi car non ttes les jeunes filles ne sont pas toujours heureuse malgré l'amour qui les entoure. Bravo pour le talent, dont les blogs mode sont souvent dénué.
Je lis ce post un peu tardivement, ayant eu la tête ailleurs ces derniers temps... ET je suis vraiment émue par ce portrait. Que tu signes Lise et non Coco...
Il est des textes que l'on sait ne jamais pouvoir écrire soi-même parce que - clairement - on n'a jamais vécu une telle relation. Mais, ce n"est pas grave: un tel portrait montre la voie de ce que l'on peut être/pourra être en tant que père ou mère.
Bravo, tout simplement.
C'est émouvant de voir à quel point le regard bienveillant d'un papa peut donner des ailes à sa fille et l'aider à aller de l'avant, poursuivre ses rêves sans entraves. Et si l'écriture demeure un rêve, tu nous prouves de plus en plus ici que tu peux le faire devenir réalité.
Merci Lise pour ces posts qui sont de petits soleils d'hiver, ils font du bien et réchauffent l'âme
Bonjour Lise,
Ce qui est bien ici, c'est jamais ennuyeux, jamais superficiel, il y a pleines de surprises (belles).
Depuis la parution de ta chronique, je n'ai pas arrêté d'y penser.
Je pense que ces sujets apparaissent quand on devient parent nous mêmes.
Merci pour ces moments partagés.
Bonjour,
ce texte est très est émouvant... J'ai failli pleurer!
Quand j'étais petite, je prenais mon père pour un super héros et à mes yeux, il était parfait.
Mais en grandissant, cette image de lui s'estompait peu à peu. J'ai découvert un homme rentrant dans la quarantaine et commençant à avoir des cheveux blancs, ce même homme qui jouait avec moi quand j'étais petite s'énervait alors contre moi pour des raisons stupide.
Et depuis, je me disais: "Je me tais, je lui redirais tout cela lorsque je rentrerai au collège me servant de la crise d'adolescence comme excuse."
J'étais naïve, maintenant je suis en 5ème et je ne lui ai jamais dis cela et je pense que je ne lui dirais jamais pour ne pas le blesser.
Je comprends de moins en moins mes parents qui n'ont pas remarqué que j'avais grandit. Et je me demande ce que sera ma famille dans 10 ans, car je n'oublierai jamais qu'ils ont toujours laissé passer mon frère avant moi-même. J'ai toujours était un peu jalouse mais je sais que lorsque je passerai mon brevet, mon frère passera le BAC et que ma mère ne m'aidera pas préférant s'occuper de mon frère.
A ce moment-là, j'espère sincèrement que mon père sera là, car je sais qu'il ne m'oubliera jamais.
Je sais que lorsqu'il m'interdit de sortir ou ne veut pas me prêter de l'argent, il a une bonne raison.
Mon papa, je sais que je pourrais toujours compter sur lui et je sais qu'il m'aime même si il ne me l'a jamais dit.
Et je sais aussi; que je l'aime très fort et cela pour toujours.
Tu es en pleine adolescence et je pense que c'est une période très difficile à vivre car c'est à ce moment que l'on commence à voir nos parents comme ils sont et non comme on les fantasme.
Cela dit, cela ne doit pas t'empêcher de parler avec eux. Si tu prends le temps de te confier à eux, ils te comprendront mieux et vos relations en seront sûrement enrichies.
Je t'embrasse.
j'arrive bien après la parution de ce billet
une fois encore c'est sensible, pudique, et pourtant très fort
bravo de ces mots
de cet hommage à ton père, de cet amour qui transparait, de ce respect, de la valeur de son soutien...
bravo et merci, Lise
Oulalala, le complexe d'Electre n'a pas été rompu !
Et avec tout ça, bien des problèmes: anorexie, sublimation du père qui empêchera de trouver un autre mari aussi bien...
Je suis vraiment heureuse de la tournure qu'a prise TDM, lire ces chroniques et les week diary sont un vrai plaisir (oserais-je dire que c'est ce que je préfère ?). Merci de nous confier un peu de toi.
Pauline