Illustration parfaite de la capacité du designer à rendre le laid beau, le choquant fédérateur et le banal désirable, la campagne printemps/été 2016 reprend tous les codes qui lui sont chers. Et si les filles sont ici plus habillées que d'ordinaire, elles n'en affichent pas moins une maigreur affolante (depuis longtemps devenue la norme chez Saint Laurent) : les décolletés se révèlent en effet désespérément vides, tandis que la mini-jupe se voit portée sur des cuisses aux allures d'avant-bras.
Et tant pis si la gestuelle et les postures de ces princesses déchues évoquent celles de junkies sous influence : sous l'objectif de Slimane, ces dernières apparaissent comme les pythies d'une nouvelle génération, donnant presque envie de sniffer une ligne de poudre blanche pour atteindre leur extrême niveau de "coolitude".
Ajoutez à cela des vêtements à très faible densité créative (qui une fois saisis par la lumière des flashs du studio parviennent à passer du statut de fripes banales à celui de friandises hautement luxueuses) et vous obtiendrez une illusion aussi sublime que malsaine.
Auréolé de son aura de prince de la mode et protégé des critiques par sa réputation de despote irritable, Hedi Slimane continue en outre d'alimenter - avec la bénédiction de ses pairs - une imagerie en totale dissonance avec l'ADN d'Yves Saint Laurent. Ici, point de joie créative, de passion pour l'élégance ou de transgression éclairée, mais un marketing subtilement mortifère parfaitement rodé, une habile politique des prix et un élitisme assumé. Et cela fonctionne. Il faut dire que l'illusion est parfaite...
Voir la campagne : http://www.fashiongonerogue.com/saint-laurent-spring-2016-ad-campaign/
EDIT du 29/12 : Suite à un email de la part de Saint Laurent, nous sommes contraints de retirer les images de la campagne. Il est décidément difficile d'émettre une critique envers cette griffe...
Par Lise Huret, le 28 décembre 2015
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