Hedi Slimane/Saint Laurent : la rupture
Son dernier défilé Saint Laurent avait beau avoir des allures d'adieu, personne ne pouvait jusqu'ici être certain du départ d'Hedi Slimane. Le suspens a pris fin aujourd'hui : le contrat du styliste ne sera pas renouvelé.
Nul doute qu'avec le départ d'Hedi Slimane (qui serait dû à une incapacité des deux parties à s'entendre sur les termes de son nouveau contrat), la pression en interne chez Saint Laurent risque de retomber de plusieurs crans. Il faut dire que depuis son arrivée en 2012, ce féru de photographie avait fait régner - à coups d'exigences folles et d'égocentrisme paranoïaque - une atmosphère quelque peu tendue au sein du fief sentimental de Pierre Bergé. On se souvient notamment de la transformation polémique du nom historique de la marque en "Saint Laurent Paris" (afin dit-on de gommer un prénom trop mythique), de sa politique d'ostracisation envers toutes celles et ceux osant critiquer son travail ou encore du déménagement à Los Angeles de son studio de création (qui imposait à son équipe d'être présente 15 jours à Paris/15 jours en Californie, et qu'importe si cela nuisait fortement à l'équilibre personnel de ses collaborateurs).
Du côté des fashionistas et de certaines rédactrices de mode, le départ du successeur de Stefano Pilati risque d'être plus mal vécu. En proposant une mode biberonnée aux influences rock/grunge/bohème et shootée à l'insolence sexy, Slimane s'était en effet attaché les faveurs des observatrices voyant en lui l'incarnation du génie fashion ainsi que celles d'une partie de la génération Y, qui n'aimait rien mieux que d'aller consommer du "Saint Laurent version H&M"...
N'oublions par ailleurs pas Kering, qui voit sa poule aux oeufs d'or s'envoler et qui aura bien du mal à trouver un remplaçant susceptible de pérenniser la croissance à deux chiffres de ces dernières années.
Pour ma part, le départ d'Hedi Slimane ne me semble pas être une mauvaise nouvelle. J'ai en effet eu beau adorer certaines de ses créations, pester contre le prix exorbitant de tel perfecto plus que parfait ou de telle paire de boots ultra désirable et avoir eu envie de piquer à Freja Beha son impeccable smoking, je n'ai jamais réussi à m'habituer à l'esthétique mortifère du créateur.
L'aspect décharné de ses mannequins - hommes et femmes confondus - m'a toujours posé problème. Comme si Slimane ne parvenait pas à faire la différence entre son propre univers artistique, plus confidentiel, où il peut se permettre de photographier ce que bon lui semble, et la dimension commerciale - et donc prescriptrice - du paysage visuel qu'il élaborait pour Saint Laurent. J'y voyais un immense égoïsme et une attitude dépourvue de toute responsabilité.
J'espère que celui qui s'emparera prochainement des rênes de Saint Laurent Paris aura une vision à la fois moins réductrice et un brin plus positive de la femme. J'aimerais follement que Stefano Pilati revienne, mais tant que Pierre Bergé veille au grain, il y a peu de chance que cela se fasse. On murmure le nom d'Anthony Vaccarello… Pourquoi pas ? Plus raisonnable, apprécié des stars et résidant en Belgique, celui-ci je crois créerait le consensus au sein du navire Saint Laurent.
Reste à savoir si Hedi Slimane se consacrera désormais pleinement à la photographie ou si une nouvelle griffe, rêvant de buzz, de visibilité et de chiffre d'affaires florissant, se risquera à faire appel à lui...
Par Lise Huret, le 01 avril 2016
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je suis plutôt du même avis pour toi et suis plutôt contente de voir Slimane partir de Saint Laurent.. j'aimais beaucoup Stefano Pilati également, aurais-tu une idée du peu d'intérêt qu'il suscitait dans le monde de la mode lors de ses années YSL?