Jeudi
10h : Les valises ont du mal à rentrer dans notre minuscule ascenseur. Je finis par poser Charles au sommet de l'une d'entre elles et nous voilà en route pour une très longue journée. Direction Toronto !
10h10 : En regardant Paris qui défile sous mes yeux, je me remémore mon cauchemar de la nuit dernière où notre avion s'abîmait dans l'océan. Contre ma peau, la chaleur de la petite croix en bois (reliquat de la période ultra croyante de mon père) que je ne porte que lors de nos voyages me rassure.
12h10 : Le doudou pendant au bout du bras, Charles déambule dans la zone duty free de l'aéroport. Soudain, je le vois s'arrêter, puis foncer vers un étal de rutilants ours en peluche, en saisir un et placer le sien à sa place. Il lève alors son regard vers moi et proclame sur un ton convaincu : "Échanger !". J'ai de la peine pour son fidèle ourson à la toison usée...
18h : Après avoir successivement fait connaissance avec un hérisson sylvanian (et longuement brossé sa "chevelure"), croqué dans ses biscuits préférés, feuilleté le dernier Popi, "pollockisé" un calepin entier de feuilles vierges et regardé quelques épisodes de dessins animés, Charles n'en peut plus et me le fait bruyamment savoir : "Maman, Charles sortir avion !". A ce moment précis, je regrette intensément l'époque où le seul enjeu était de savoir dans quel ordre j'allais enchaîner les 4 films qui me permettraient de ne pas voir les heures s'égrener...
23h10 : L'agent d'immigration a du mal à saisir notre démarche. Il faut dire qu'entre notre demande de visa en cours, nos deux années passées à Vancouver, notre société française et notre petit garçon, notre profil est effectivement un peu singulier. Après quelques minutes un brin angoissantes où l'on sent notre avenir proche nous échapper, le bruit du tampon validant notre entrée au Canada sonne merveilleusement à nos oreilles !
23h50 : Dans le Uber nous menant à downtown, la chaleureuse voix de notre chauffeur ukrainien me berce. Pendant 45 minutes, je découvre tour à tour un paysage plat (qui me fait furtivement regretter les montagnes vancouvéroises), des artères immenses, des voitures à foison, un lac Ontario aux allures de mer intérieure et des buildings aux styles hétéroclites. Un sentiment confus de déception s'immisce sournoisement en moi. Je suis fatiguée.
0h30 : Dans le hall de notre nouvel immeuble, des larges écrans tactiles connectés et incrustés dans les murs nous donnent l'impression d'être plongés au coeur de Minority Report. On retrouvera les mêmes écrans dans les 4 ascenseurs…
0h35 : Charles endormi sur mon épaule, je pénètre dans notre appartement et suis tout de suite saisie par la vue impressionnante que nous offre le 36e étage de cette tour située dans le quartier de Yorkville. Quelques minutes plus tard, je me perche sur l'un des tabourets du bar/cuisine et essaie d'évacuer les impressions négatives qui m'ont submergée lors de notre trajet. Je laisse Julien ressortir seul pour aller chercher du lait.
1h00 : Les yeux pétillants, Julien me raconte sa micro virée (explorer les alentours de notre nouveau lieu de vie en solitaire et le cerveau légèrement jetlagué fait partie de ses petits plaisirs). Il me décrit une atmosphère spéciale, une vraie énergie, une population de trentenaires dynamiques… Il m'assure que je vais adorer. J'espère qu'il dit vrai. Je pars me glisser dans le lit king size qui me tend les bras...
Passage à l'heure torontoise (6h de moins qu'en France).
Vendredi
3h30 : Une petite voix me sort du sommeil : "Maman viens, maman viens !". Le cheveu hirsute mais le regard plus vif que jamais, Charles me tend la main. Je m'extrais de la chaleur ouatée de mon lit et suis mon petit bout'chou jetlagué. Il m'emmène près des baies vitrées, me désigne les buildings aux alentours et s'exclame : "Grand, grand ! Tout grand Canada !".
7h : Bien emmitouflés (le vent est très froid), nous partons à la découverte du quartier. Entre tours en construction, vieilles bâtisses, buildings ultra modernes, commerces hétéroclites et standards nord-américains, la ville continue de m'échapper. Pour autant, j'apprécie le fait de me sentir décalée. J'ai l'impression d'évoluer dans une "non-réalité ". Cela me permet de faire doucement la transition : on est là sans être encore vraiment là.
7h20 : En passant devant une pizzeria, l'estomac déphasé de Charles s'affole : "Papa, pizza !". Compliqué de lui faire comprendre que les pizzaioli dorment encore à cette heure-ci...
7h30 : Ouvert 24h/24, le supermarché du coin nous permet de nous constituer un petit déjeuner aussi nourricier que singulier : pizza pour Charles, cornichons/bagels/réglisse pour moi et crème glacée pour Julien. Vive la diététique ! On remettra les choses en place plus tard...
14h : Nous quittons notre quartier pour remonter vers le coeur de downtown. Ici, l'ancien et l'ultra moderne se côtoient. Les avenues s'étirent à l'infini de manière rectiligne et rassurante, tandis que la foule qui s'y presse se révèle typique d'une grande ville nord-américaine : on y croise aussi bien de massifs businessmen nourris aux hormones que des filles filiformes aux allures de pom-pom girls, des silhouettes obèses, des asiatiques, des personnes habillées de manière fantaisiste (mention spéciale au legging pour homme aux couleurs du drapeau américain), des hommes en tongs (apparemment, lorsque le thermomètre dépasse les 6°C, ici c'est l'été) ou encore des femmes sophistiquées en trench, ballerines et lissage capillaire parfait.
17h : Dans sa poussette, Charles dort à poings fermés : il vient de commencer sa nuit. Je ferais bien de même, mais j'essaie de lutter.
20h : Je sombre...
Samedi & dimanche
On essaie peu à peu de trouver notre rythme…
Bilan provisoire
Je ne pense pas que Toronto soit une ville qui se donne facilement, mais je pressens qu'une fois apprivoisée, celle-ci doit regorger de bonnes ondes. Je sens ainsi déjà que la proximité d'innombrables restaurants japonais/coréens va me combler, que je vais adorer lever la tête et découvrir le haut de certains buildings encore embrumés, que les immenses trottoirs seront un bonheur pour circuler en poussette (sur ce point, c'est véritablement le jour et la nuit avec Florence !), que le tri ultra exigeant des déchets va me responsabiliser sur le sujet, que les espiègles petits écureuils dévalant les arbres n'ont pas fini de m'amuser, que le Whole Food situé à 12 minutes à pied de chez nous va affoler mon compte bancaire et que la salle de sport de notre immeuble va m'offrir un indéniable confort. Sans parler de la gentillesse chaleureuse et bienveillante qui émane des Canadiens...
PS : Notre principale mission cette semaine est de trouver un mode de garde pour Charles, condition sine qua non pour nous remettre sérieusement au travail et dessiner les contours de notre nouveau quotidien.
Par Lise Huret, le 02 mai 2016
Suivez-nous sur , et
Je vous souhaite de trouver rapidement un mode de garde satisfaisant pour Charles afin que vous puissiez reprendre "une activité normale". Bonne installation à Toronto!