"Mummy, dimanche c'est le Valentine's day des mamans !". D'ordinaire peu encline à célébrer les fêtes imposées, j'ai senti mon coeur soudainement se serrer en entendant ces quelques mots de mon fils prononcés entre une bouchée de tartine au chocolat et un coup d'oeil à la 34e page de son album de Lucky Luke. Une petite phrase "bonbon" qui m'a donné envie de lister toutes les petites choses qui ont changé depuis l'arrivée de Charles dans ma vie...
Alors qu'auparavant je pouvais sans ciller lire des romans ou regarder des films dans lesquels des parents perdaient un enfant, cela m'est aujourd'hui totalement impossible : je me projette automatiquement et arrive difficilement à contenir mes larmes. Je me suis découvert une passion pour les illustrations de livres d'enfants. Mes préférées ? Celles gorgées de micro détails, figuratives mais non dénuées d'un zeste de poésie et accompagnant un propos éducatif (voir ici). Je peux désormais devenir hystérique si Julien jette un carton susceptible de se transformer le week-end venu en vaisseau spatial, sous-marin ou bureau de poste... J'ai appris à accepter certaines incohérences de la vie, à l'instar des réveils très matinaux de mon fils le samedi et le dimanche, alors qu'en semaine l'animal est impossible à réveiller... J'ai découvert que les enfants avaient une oreille sélective et une ouïe ultra développée leur permettant de relever systématiquement le seul mot "touchy" d'une conversation entre adultes. J'ai désormais pleinement conscience du risque fou et potentiellement destructeur que l'on prend en décidant de faire entrer un enfant dans sa vie. La disparition de ce dernier creuserait en effet selon moi une béance impossible à cautériser. Mes pulsions créatives ne me semblent plus complètement stériles, bien au contraire : elles me permettent de passer pour une magicienne aux yeux de mon fils. À nous ainsi les nuits sous la tente en draps dressée au milieu du salon, les dessins sur les murs tapissés de papier kraft, les potions de sorcière - à faire goûter à son père - concoctées avec les épices trouvées dans le placard de la cuisine et les stations de lavage de voitures qui remplissent de bulles toute la salle de bain… Face à la fascination de Charles pour le récit de mes bêtises d'enfant/ado, je savoure l'illusion délectable d'être son héroïne préférée. Je n'ai désormais plus deux mains ou deux jambes, mais quatre : il suffit en effet que Charles se blesse pour que je ressente instantanément une douleur viscérale me vrillant de l'intérieur. Le regard que je porte sur les panneaux publicitaires auxquels nous sommes confrontés quotidiennement a évolué au fil des ans : alors que je n'y prêtais autrefois guère attention, ceux-ci me semblent désormais bien moins anodins. Les questions fréquentes de Charles sur telle ou telle publicité croisée dans la rue m'ont en effet fait réaliser que cette pollution visuelle était loin d'être neutre. Après avoir longtemps été une farouche opposante à la peine de mort, la venue de Charles m'a fait toucher du doigt la complexité de la chose : si l'on devait un jour m'enlever mon fils de manière cruelle et arbitraire, je pense que j'éprouverais beaucoup de difficulté à ne pas désirer ardemment la mort du criminel en question. J'expérimente une autre forme de compliment. Je connaissais le compliment amoureux, amical, filial, je découvre le compliment enfantin qui, de par sa spontanéité et son authenticité, s'apparente pour moi à une pierre précieuse. Irrégulière en tout, la venue de Charles m'a contrainte à forcer ma nature, si bien que certaines choses que je pensais hors de portée il y a 5 ans font désormais partie de ma routine. Je parviens ainsi tous les matins à lui préparer sa "lunch box" et - encore mieux - à avoir toujours dans le frigo les aliments nécessaires à sa préparation ! Si je n'éprouve aucune difficulté à inventer des histoires farfelues à base de dinosaures chevelus et d'exoplanètes en sucre, il en va tout autrement lorsqu'il s'agit de vulgariser des concepts scientifiques, de répondre aux milliards de questions suscitées par le feuilletage d'une encyclopédie ou d'expliquer la notion de mort. Or, impossible de botter en touche devant un enfant aussi curieux que déterminé à connaître la vérité... Grâce à Wikipedia, à l'émission C'est pas Sorcier et autres puits de savoir disponibles en ligne, j'ai l'impression d'avoir davantage appris ces deux dernières années que lors de mes années collège. Des questions sur les cumulonimbus ?
Par Lise Huret, le 11 mai 2018
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36 commentaires
Tous les commentaires
Cesomu •Il y a 6 ans
Oh que ces mots me parlent....
Mes enfants ont passé l enfance ....déjà ...et si je devais définir mon lien je dirais que mes enfants sont le prolongement de mes membres( c est grave docteur sûrement)
Si j osais dire que une de mes filles est partie à Los Angeles et qu il n y a pas un jour ou ,un éventuel tremblement de terre , ne m a effleuré l esprit ... le bonheur est aussi grand que l angoisse parfois pour moi....
Vive l équilibre et la mesure des choses ,,,je ne suis pas forte dans cet exercice...
Comme je te comprends pour Los Angeles... Je serais pareil ! Voir peut-être même pire : je crois que je lui aurais interdit de partir dans une zone sismique ...
Bonjour Lise !
Je n'ai que 24 ans, je ne suis pas mère (et je n'envisage pas vraiment de le devenir, pour des raisons qui n'engagent que moi), mais lire ton récit m'a fait prendre conscience de ce qui fait qu'on peut appeler son enfant "sa chair". Je lis tes mots, et je ressens une certaine puissance, qui doit être incroyablement sécurisante pour Charles...
En fait, c'est viscéral, tu n'es plus un, tu es deux.
C'est étrangement beau et douloureux à la fois.
Comme je me reconnais !
Avoir des enfants c'est la fin de l'insouciance et de l'égocentrisme ... Peur de les perdre, ressenti de leur souffrance physique ou morale .savoir qu'on pourrait donner sa vie sans hésiter pour les sauver ...
Et ce n'est pas parce-qu'ils vieillissent que ça s'arrange ! Au contraire même, on s'attache de plus en plus :)
Mais aucun regret !!!!!!
Comme je te comprends! L'amour viscéral que l'on porte à ses enfants, à tel point d'être convaincue de ne plus pouvoir être entière sans eux...
Et j'ai suivi le même processus de réflexion que toi pour la peine de mort. Une année à Washington, nous avons vécu la psychose du sniper, ce type (ils étaient 2 en fait) qui abattait les passants au hasard. Les écoles vivaient en confinement, j'étais à la fois angoissée pour mes enfants et en colère. Au fond de moi, même si j'en avais un peu honte, je ne souhaitais qu'une chose, c'est que ce type se fasse attraper et exécuter, et c'est ce qui s'est passé...
Plus légèrement, j'envie ta créativité! Charles doit se régaler!
Maman comblée de 4 garçons (2 jeunes adultes + 2 âgés de 9 et 7 ans), je savoure le fait d’être considérée comme une reine 👸😍.
Cela donne un sentiment de force, que la force soit avec vous jeunes Padawans !!
Si quelqu’un souhaite des infos sur la saga SW je suis incollable 😜😜😉
Merci Chère Lise!!
L'homme qui traite sa femme comme une princesse est la preuve qu'il a été élevé par une reine ;) (la véritable aventure de toute mère est d'amener ses enfants à cotoyer le respect et la bienveillance)...
Je suis encore jeune (27 ans), je n'ai fait que garder des enfants, et pourtant, c'est si vrai ce que tu dis... C'est comme si avec eux, le monde avait changé : plus dangereux, plus surprenant, plus tendre, plus vaste...
Tout ce que tu décris est si vrai. Lorsque ma fille est née, j'ai ressenti une angoisse et une peur intense que je n'aurai pas pu imaginer : tout d'un coup, un petit être dépendait de moi, et cette responsabilité m'a d'abord semblé trop lourde. Et puis on se découvre une force incroyable. Les années passent, et chacune apporte ses joies, ses découvertes et ses soucis. Mais la joie de serrer son enfant dans ses bras est totalement unique et irremplaçable.
L'instinct maternel n'est pas un mythe - toute mère digne de ce nom se transformerait en animal sauvage si l'on faisait du mal à son enfant. Parfois, je me dis que je serai capable d'être très violente si quelqu'un touchait à un de mes deux amours, et ça me fait peur aussi. J'avoue ne pas savoir jusqu'où je pourrais aller.
Bonjour,
Tes réflexions parlent à bcp d’entre nous. Être maman change une vie, je ne m’en voyais pas vieillir sans enfants.
J’ai moî aussi été attirée par les illustrations de livres jeunesse. Mes garçons sont grands mais on a passé des heures sur les livres de Kazuo Iwamura La nouvelle maison de la’ famille souris et les autres de la série. Ainsi que dans le monde imaginaire de Claude Ponti . Dans chacuns de ces livres il y avait pleins de petits détails.
Plus grand mon aîné a plongé dans le monde de Harry Potter puis le seigneur des anneaux...
Je réponds à vous toutes, vous m'avez émue. J'ai 28 ans, pas encore d'enfant mais l'envie de fondée ma petite famille. Vous m'avez touchée, je ressens déjà ce sentiment grandir en moi et toutes ces questions qui découlent de mon futur rôle de maman.
Ces sentiments tellement intenses qu'ils en deviennent sureealistes. Comment gérer ce sentiment de peur et d'angoisse ? Et en même temps ces sentiments de bonheur démultipliés. C'est beau, c'est grand. J'ai hâte.
Et j'ai hâte aussi d'inventer comme vous Lise des belles histoires d'éléphants qui chantent !
avoir un enfant c'est la chose la plus naturelle depuis la nuit des temps. faut peut être juste arrêter de se prendre la tête pour rien ! C'est du bonheur et c'est des galères. Juste la vie quoi ;)
Avoir des enfants, c'est un engagement à vie et sans rupture à l'amiable, pour le meilleur et le pire ! C'est intense et fort.
Et ce contrat se renouvelle à travers les petits enfants.
Très joli billet qui traduit bien cette "charge émotionnelle"
Le livre Carte est incroyable!!!!!!!! Nous nous régalons de ces petites pépites avec mes fils, j'ai découvert des trésors grâce à eux : Océano, Oxiseaux, les livres de PItaux et Gervais, Bernard et Roca... Comme me l'avait dit une amie il y a longtemps (et j'avais ri comme une oie), la naissance d'un enfant vous transcende (spécial dédicace Dolto).
la venue d'un enfant est sans doute plus que jamais l'apprentissage et la prise de conscience aigüe, avec sa difficile acceptation, de la fugacité ed la vie...
Bonjour Lise, je comprends et ressens aussi tout cela. J ai 3 enfants, 2 filles et un garçon entre 8 et 11 ans. Ils sont ma chair ma vie..... Seulement je crois aussi qu il est sain de penser que nos enfants ne sont pas que cela, ils sont bien plus et cela indépendamment de nous... Laissons nos enfants peu à peu voler de leur propre ailes sans les étouffer du poids de notre amour (et peur de les perdre). C est ce que je me dis, j espère y arriver , avec leur père à mes côtés.
Bonne journée!
Devenue maman à 40 ans je ne savais pas à quoi m'attendre . Peu entourée d'enfants, fille unique et il faut le dire un peu auto suffisante, j'ai ressenti l'arrivée de ma fille comme le début de ma vraie vie. Mon entourage déteste que je dise cela, s'offusque quand je le dis, mais en fait ce que je pense est encore plus catégorique : je pense que si je n'avais pas eu cet enfant j'aurais raté ma vie. Bon OK, je ne l'aurais pas su , le problème c'est que je me sens anxieuse pour mes amies qui laissent courir le temps et les chances d'avoir un enfant, je m'accroche pour ne pas les secouer , pour ne pas les tyranniser avec ce sujet ! La palette d'émotions positives et négatives que j'ai découverte avec mon bébé est si grande et si intense que je souhaite à toutes de connaitre ce bonheur. Ce qui est encore plus beau c'est de penser que ce que l'on vit est unique alors qu'en te lisant on se rend compte que c'est juste normalement beau et universel...
Ce commentaire me gène énormément. Je comprend et respecte votre joie d'être maman mais réduire la femme à un rôle maternelle est un peu desué. Surtout, si la route de votre bonheur passe par les enfants, tans mieux. La mienne passe par mon accomplissement personnel, les voyages, la liberté, la passion avec mon conjoint. Et j'aimerais être respectée sans qu'on me regarde avec condescendance car ma vie ne ressemble pas à celle des autres. J'aimerais vraiment que les gens arrivent à comprendre que le bonheur est personnel. Moi, une personne qui me questionne sur mon désir d'enfants je la rabroue toujours de manière un peu rude. C'est une question tellement personnelle que je n'accepte aucune intrusion.
La peur de sa disparition... c'est atroce. Comme toi je ne peux plus regarder ces films.
Mais du coup, je comprends mieux que ne pas avoir d'enfant est une liberté qu'il faut exploiter ! Moi, je n'en avais pas envie de cette liberté et la présence de mon petit garçon a décuplé mes forces. Mais quelle fragilité ! Et quel bonheur d'avoir la chance de faire partie du monde occidental, protégé.
Oui à la folie, l'imagination créatrice des enfants, voir le monde avec leurs yeux est tellement rafraîchissant. Pour ma part avec mon aîné, j'étais devenue experte en dinosaures :-D
Je vais avoir du mal à le mettre en mots, ce qui a changé c'est cette perception de la mort, car une fois la vie donnée, le compte à rebours commence, le cycle de la vie démarre et je n'avais pas conscience avant de mon état de mortelle, n'ayant pas vécu de deuil qui m'ait touchée. Être parent c'est s’occuper d'un enfant de façon à ce qu'il sache se prendre en charge lui-même une fois adulte, c’est lui donner les armes et le pousser hors du nid. Bref, c’est émouvant et passionnant !
J’etais enceinte quand je l’ai vu !
Je crois ne jamais avoir autant pleuré devant un film... et pourtant je suis vite émotive devant une œuvre.
Lise, ton article est très juste, tu mets des mots sur ce que je ressens depuis l’arrivée de ma choupette de 9 mois.
Bravo !
Mes enfants ont passé l enfance ....déjà ...et si je devais définir mon lien je dirais que mes enfants sont le prolongement de mes membres( c est grave docteur sûrement)
Si j osais dire que une de mes filles est partie à Los Angeles et qu il n y a pas un jour ou ,un éventuel tremblement de terre , ne m a effleuré l esprit ... le bonheur est aussi grand que l angoisse parfois pour moi....
Vive l équilibre et la mesure des choses ,,,je ne suis pas forte dans cet exercice...