Chronique #106 : Ces petites choses que je ne fais qu'en vacances
Parenthèse au sein d'une vie urbaine à l'étranger, les dernières semaines passées au coeur de ma région natale dans la douceur de la maison parentale m'ont permis de changer de rythme et de savourer une multitude de petites choses qui ne m'arrivent que dans ce contexte de farniente lozérien, où nature et liens familiaux gagnent en saveur. Florilège...
Vérifier le matin avant de chausser mes baskets qu'aucun criquet n'y a passé la nuit. Laisser mon cerveau broder autour de l'idée de rentrée. Alanguie sur un muret, bercée par le clapotis du ruisseau, les difficultés s'effacent, tout semble soudain réalisable ; j'occulte mes faiblesses et me projette forte et constante. À moi ainsi les cours d'escalade, les recherches sur les artistes contemporains que j'affectionne, les dîners avec les copains (que je n'annulerais plus à la dernière minute) et les plages d'écriture quotidiennes… Organiser des mini Koh Lanta pour Charles et ses cousins. Et adorer voir leur mine dégoûtée lors de la fameuse épreuve de la dégustation. Au menu de la dernière édition : Nutella au curry, crème de marrons sur son lit de jambon et oeuf dur à la confiture d'abricot… Me brosser le corps à la brosse sèche. J'y suis en effet récemment devenue accro et je compte bien prolonger ce petit plaisir une fois de retour à Toronto. Découper pour toute la famille de fines tranches du saucisson de boeuf Salers acheté au marché et croquer à pleines dents les 6 centimètres restants. Réussir à aller dîner avec mes soeurs. Il faut dire que les occasions sont rares pour nous qui habitons loin les unes des autres, et ce d'autant plus que lorsque nous sommes réunies, il n'est pas aisé de fausser compagnie à nos maris et enfants. Du coup, quand nous y parvenons, nous nous délectons de ces instants où la complicité de notre enfance s'invite à la table... Déguster des repas à base de pastèque à la menthe. M'improviser experte en mixologie fruitière et créer des smoothies inédits au gré de mes trouvailles sur les étals du marché. Relire les romans ayant émaillé mon adolescence : Jane Eyre, La fille du capitaine, L'attrape coeur, Des souris et des hommes… autant de passeports pour un voyage en Amnésie que je retrouve chaque été avec une tendresse piquée de mélancolie. Me perdre dans les brocantes de la région. Au détour d'une tasse ébréchée, d'un jouet cassé ou d'un rembourrage éventré, mon esprit tisse des ébauches d'histoires, de drames… Raconter la vie d'une famille au travers des objets ayant accompagné leur existence pourrait être une belle idée de roman... Aider à la préparation de repas pour 20 personnes (les cousins, soeurs, beaux-frères et autres amis de passage…). Après des semaines de pratique, je suis ainsi devenue une professionnelle de la salade concombre/avocat/chou chinois/feta/jus de citron/poivre rose... Mériter mon courrier en allant le chercher dans la boîte aux lettres située à l'entrée du long chemin menant à la maison.
Ouvrir les fenêtres, bloquer les portes et laisser le vent s'engouffrer dans toute la maison. Rassembler des montagnes de petit bois en prévision du feu de camp du soir, en prenant bien soin de ne pas déranger la couleuvre endormie à quelques centimètres de là. Les nuits d'insomnie, m'extraire discrètement de mon lit, me glisser dehors emmitouflée dans le sweat de Julien, m'asseoir sur les marches de la fontaine et tenter de comprendre la notion de trou noir en regardant les étoiles... Avancer précautionneusement dans les eaux du lac, savourer la morsure fraîche des vaguelettes sur mes cuisses, puis plonger. Les flots noirs ayant tendance à me terroriser légèrement, j'essaie de ne pas imaginer ce qu'il se passe en dessous de la surface (surtout lorsque je suis à 100 mètres du bord) et de me focaliser sur mes sensations physiques. Une fois sortie de l'eau, le cocktail entre l'endorphine libérée par la nage et la satisfaction d'avoir bravé mes angoisses me donne envie de récidiver au plus vite. Entreprendre un audit sérieux des nouveaux bonbons mis sur le marché français en mon absence. Grosse déception concernant les chamallows nimbés de chocolat… Lors de nos promenades, faire enrager Julien et Charles en leur chatouillant le cou ou les oreilles au moyen d'une longue et fine tige de blé sauvage. Au vu de la densité de la faune nous entourant, ils ne peuvent en effet jamais être certains que ce chatouillement est le fruit de mon espièglerie et non celui des petits pas d'une fourmi volante, d'une sauterelle ou d'un scarabée ailé... Donner des vacances à mes cheveux en espaçant au maximum les shampoings, en renonçant temporairement aux teintures, en réduisant au minimum le brossage et en éradiquant le séchoir. Parler religion avec ma maman lorsqu'elle savoure son café sur les coups de 7h du matin et que je suis sur le point d'aller courir. Fouiller dans les boîtes en fer blanc regroupant les photos de mes aïeux, examiner leurs visages et me demander pourquoi ils me paraissent si lointains. Serait-ce le grain de la photo ou le léger brouillard floutant le contour de leurs traits ? Le regard des hommes était-il vraiment plus sévère et l'ovale des femmes plus doux ? Refaire le monde en fin de soirée avec les adultes n'ayant pas encore sombré après une journée de surveillance de baignade/gestion de drames intergénérationnels entre cousins/soins après piqûres de tiques/lecture à voix haute des albums d'Astérix et Obélix, attendre de voir lequel ira en premier extraire un paquet de gâteaux de la réserve à goûter des enfants et tremper dans une verveine fumante les madeleines au beurre préférées de Charles avec un exquis sentiment de régression...
Par Lise Huret, le 09 août 2018
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30 commentaires
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Damselfoam •Il y a 6 ans
Qu'ils sont beaux ces instantanés des vacances... Merci pour cette sensation de paix que votre texte me fait ressentir. :)
Pareil quand nous avions une maison de famille et la famille qui va autour . Maintenant chaque année je suis accueillie par des amis en qualité de réfugiée climatique en Haute Loire , la méga urbaine que je suis revit ces précieux moments que tu décris et se ressource .
Tu devrais écrire un livre. (Je m'y retrouverais: discussion "à pas d'heures" avec ma mère, le vent dans la maison, mes deux soeurs).
Et j'y lirais tout un "autre monde".
Je me cherche donc une brosse sèche maintenant.
De bien jolis moments, fait de simplicité, de partage et de présence.
Et vive la brosse sèche, je suis fan aussi, mais c'est plus difficile les jours où je travaille...
Merci Lise pour ces bien belles images, on s'y croirait! Jane Eyre a été mon premier grand roman/coup de coeur quand j'étais petite....
et à propos de livre et d'objets à partir desquels on peut imaginer des histoires je te conseille Les gens dans l'enveloppe. C est une journaliste/écrivain qui s'est retrouvée en possession de photos, vieilles photos des années 70 toutes venant d'une seule famille. A partir de celles ci, elles a raconté, imaginé leur histoire. Ceci est la premiere partie de son livre. Dans la seconde partie elle decide de retrouver ces gens... je ne t en dis pas plus! Profites bien de tes vacances et de tes proches!
Merci pour ce joli texte empreint de poésie et de fraîcheur.
J’adorerais lire un roman de toi sur « la vie d'une famille au travers des objets ayant accompagné leur existence ». Ta sensibilité et ta plume me font toujours un bien fou.
Ton récit sent bon les vacances, la farniente et le partage.
Me retrouvant souvent seule cet été ( bien que cela ait aussi du bon à mon goût) et pas en vacances, cela me donne presque la nostalgie de moments similaires que j'ai vécus il y a quelques temps.
Je suis contente de voir que tu vas bien ! :)
Belle journée Lise
Christine
Ma chère Lise,
Je te remercie pour ce délicieux partage d émotions et vous souhaite à tous, ma chère famille, de profiter de ces précieux moments !
Avec d énormes bises à partager, Coralie et Cie
Merci Lise de nous faire partager de ta plume exquise tous ces beaux moments de vacances en famille et toutes ces émotions. Ta sensibilité à chaque petit moment ou sensation de bonheur est un régal à lire. A chaque fois, cela me donne envie de me réessayer à l'écriture ! Bonnes vacances !
A lire tes récits de vacances en famille, chère Lise, je crois regarder avec délectation un des films chorales que Claude Sautet (mes préférés) a réalisés dans les années 70.
Un inventaire à la Prévert aussi savoureux que les tranches de bœuf Salers séchées, merci pour cette dégustation.