Laisser mon cerveau broder autour de l'idée de rentrée. Alanguie sur un muret, bercée par le clapotis du ruisseau, les difficultés s'effacent, tout semble soudain réalisable ; j'occulte mes faiblesses et me projette forte et constante. À moi ainsi les cours d'escalade, les recherches sur les artistes contemporains que j'affectionne, les dîners avec les copains (que je n'annulerais plus à la dernière minute) et les plages d'écriture quotidiennes…
Organiser des mini Koh Lanta pour Charles et ses cousins. Et adorer voir leur mine dégoûtée lors de la fameuse épreuve de la dégustation. Au menu de la dernière édition : Nutella au curry, crème de marrons sur son lit de jambon et oeuf dur à la confiture d'abricot…
Me brosser le corps à la brosse sèche. J'y suis en effet récemment devenue accro et je compte bien prolonger ce petit plaisir une fois de retour à Toronto.
Découper pour toute la famille de fines tranches du saucisson de boeuf Salers acheté au marché et croquer à pleines dents les 6 centimètres restants.
Réussir à aller dîner avec mes soeurs. Il faut dire que les occasions sont rares pour nous qui habitons loin les unes des autres, et ce d'autant plus que lorsque nous sommes réunies, il n'est pas aisé de fausser compagnie à nos maris et enfants. Du coup, quand nous y parvenons, nous nous délectons de ces instants où la complicité de notre enfance s'invite à la table...
Déguster des repas à base de pastèque à la menthe.
M'improviser experte en mixologie fruitière et créer des smoothies inédits au gré de mes trouvailles sur les étals du marché.
Relire les romans ayant émaillé mon adolescence : Jane Eyre, La fille du capitaine, L'attrape coeur, Des souris et des hommes… autant de passeports pour un voyage en Amnésie que je retrouve chaque été avec une tendresse piquée de mélancolie.
Me perdre dans les brocantes de la région. Au détour d'une tasse ébréchée, d'un jouet cassé ou d'un rembourrage éventré, mon esprit tisse des ébauches d'histoires, de drames… Raconter la vie d'une famille au travers des objets ayant accompagné leur existence pourrait être une belle idée de roman...
Aider à la préparation de repas pour 20 personnes (les cousins, soeurs, beaux-frères et autres amis de passage…). Après des semaines de pratique, je suis ainsi devenue une professionnelle de la salade concombre/avocat/chou chinois/feta/jus de citron/poivre rose...
Mériter mon courrier en allant le chercher dans la boîte aux lettres située à l'entrée du long chemin menant à la maison. Ouvrir les fenêtres, bloquer les portes et laisser le vent s'engouffrer dans toute la maison.
Rassembler des montagnes de petit bois en prévision du feu de camp du soir, en prenant bien soin de ne pas déranger la couleuvre endormie à quelques centimètres de là.
Les nuits d'insomnie, m'extraire discrètement de mon lit, me glisser dehors emmitouflée dans le sweat de Julien, m'asseoir sur les marches de la fontaine et tenter de comprendre la notion de trou noir en regardant les étoiles...
Avancer précautionneusement dans les eaux du lac, savourer la morsure fraîche des vaguelettes sur mes cuisses, puis plonger. Les flots noirs ayant tendance à me terroriser légèrement, j'essaie de ne pas imaginer ce qu'il se passe en dessous de la surface (surtout lorsque je suis à 100 mètres du bord) et de me focaliser sur mes sensations physiques. Une fois sortie de l'eau, le cocktail entre l'endorphine libérée par la nage et la satisfaction d'avoir bravé mes angoisses me donne envie de récidiver au plus vite.
Entreprendre un audit sérieux des nouveaux bonbons mis sur le marché français en mon absence. Grosse déception concernant les chamallows nimbés de chocolat…
Lors de nos promenades, faire enrager Julien et Charles en leur chatouillant le cou ou les oreilles au moyen d'une longue et fine tige de blé sauvage. Au vu de la densité de la faune nous entourant, ils ne peuvent en effet jamais être certains que ce chatouillement est le fruit de mon espièglerie et non celui des petits pas d'une fourmi volante, d'une sauterelle ou d'un scarabée ailé...
Donner des vacances à mes cheveux en espaçant au maximum les shampoings, en renonçant temporairement aux teintures, en réduisant au minimum le brossage et en éradiquant le séchoir.
Parler religion avec ma maman lorsqu'elle savoure son café sur les coups de 7h du matin et que je suis sur le point d'aller courir.
Fouiller dans les boîtes en fer blanc regroupant les photos de mes aïeux, examiner leurs visages et me demander pourquoi ils me paraissent si lointains. Serait-ce le grain de la photo ou le léger brouillard floutant le contour de leurs traits ? Le regard des hommes était-il vraiment plus sévère et l'ovale des femmes plus doux ?
Refaire le monde en fin de soirée avec les adultes n'ayant pas encore sombré après une journée de surveillance de baignade/gestion de drames intergénérationnels entre cousins/soins après piqûres de tiques/lecture à voix haute des albums d'Astérix et Obélix, attendre de voir lequel ira en premier extraire un paquet de gâteaux de la réserve à goûter des enfants et tremper dans une verveine fumante les madeleines au beurre préférées de Charles avec un exquis sentiment de régression...
Par Lise Huret, le 09 août 2018
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