Histoires de sacs #2
Si l'acquisition d'un nouveau sac peut assurément changer notre look, elle peut également influencer notre quotidien. Imaginons ainsi quelques journées types en compagnie de certains des sacs de cet automne 2018...
Sophie, 42 ans - Sac Prada
6h30 : Le réveil sonne. Elle demande à son mari d'éteindre la sonnerie stridente, mais aucun son ne sort de sa gorge. Elle se réveille alors tout à fait, essaie à nouveau de parler, mais rien à faire : sa voix s'est envolée. Ses hurlements de la veille visant à tenter de faire tenir en place ses deux paires de jumeaux ont visiblement mis hors service ses cordes vocales…
7h : Passablement affolée, elle se demande comment elle va bien pouvoir gérer sa journée de businesswoman overbookée/mère débordée/épouse dévouée sans émettre une syllabe. C'est alors qu'elle avise son nouveau sac Prada… Estampillé de quelques pin's figuratifs, ce dernier fait germer dans le cerveau - déjà exténué - de cette héroïne des temps modernes une idée incongrue, mais néanmoins envisageable : et si celui-ci lui servait d'interprète pour les prochaines 24h ?
7h23 : Hubert (le jumeau de la paire numéro 2) trépigne à ses pieds en attendant que son frère veuille bien lui prêter son robot préféré. Muette, elle lui désigne la petite tête de robot imaginée par Miuccia, puis pointe son doigt en direction de son coffre à jouets. L'adorable monstre roux en culotte courte se souvient alors que le robot existe en deux exemplaires et que le second se trouve dans sa chambre. Sophie sourit : la journée pourrait bien finalement se révéler amusante.
9h : Au bureau, elle montre l'escarpin rouge épinglé sur son sac à son assistante qui lui apporte un lait chaud au miel d'acacia, avant de designer d'un signe de tête le cordonnier se situant de l'autre côté de la rue. Docile, la jeune femme file chercher les Louboutin rangées dans le placard de sa patronne et les emmène immédiatement se faire ressemeler.
13h : Toujours sans voix, mais de plus en plus confiante, elle s'enhardit face à son chauffeur de taxi et s'essaie à la plaisanterie illustrée. Ainsi, lorsque celui-ci lui demande où elle désire se rendre, elle lui désigne facétieusement l'île tropicale pradienne...
17h : Plus apaisée qu'après un massage de deux heures aux pierres chaudes, Sophie commence à se dire que ce mode de communication pourrait bien être la clef pour éviter le burn-out et réussir enfin à savourer l'existence. Face à cette pensée révélatrice, elle réalise qu'il lui faut élargir son vocabulaire et file sans tarder chez Prada…
Amélie, 32 ans - Sac Staud
10h : Fébrilement, elle risque un orteil hors de son lit. La voix lointaine de sa fillette de 6 ans lui rappelle que l'on est mercredi et qu'il va falloir penser à aller acheter de quoi nourrir sa progéniture. Illustratrice freelance, Amélie se contente généralement en semaine d'un Kit Kat et d'un yaourt, mais lorsque sa fille déjeune avec elle, elle essaie de montrer l'exemple...
10h10 : Elle saute dans son jean de la veille, chausse ses baskets Calvin Klein (que son ex - et accessoirement père de sa fille - trouve hideuses), enfile un trench sur son tee-shirt blanc et… mais où diantre est passé sa dernière acquisition, sa nouvelle merveille, bref, son sac à main Staud ?
10h30 : Après avoir retourné tout le salon, elle se dirige vers la chambre de sa fille et y découvre cette dernière occupée à remplir SON sac d'une multitude de fruits et de légumes minutieusement fabriqués en pâte à modeler… Devant l'air horrifié de sa mère, l'enfant essaie de la rassurer : "T'inquiète pas maman, il est très bien ton nouveau panier à provisions !".
11h : Au marché, Amélie - déjà passablement énervée par la désinvolture de sa fille - manque de jeter à la face du poissonnier le kilo de crevettes qu'elle vient tout juste de lui acheter lorsqu'elle entend ce dernier lui suggérer de les placer dans le "seau" qu'elle porte à la main.
19h : Après avoir déposé Honorine chez son père, Amélie rejoint sa mère pour le dîner. "Je pensais que nous allions au restaurant, mais je vois que tu as prévu un pique-nique !". Décontenancée, Amélie suit le regard de sa mère et comprend que celle-ci croit que son sac créateur contient des oeufs durs et des sandwichs à la violette…
23h : Épuisée, la d'ordinaire si joyeuse mère célibataire végète devant la soporifique série Maniac. Soudain, quelqu'un frappe à la porte : c'est sa cousine - assistante n°7 de la rédactrice en chef d'un grand magazine de mode - qui vient trouver refuge chez elle pour la nuit après s'être brouillée avec sa colocataire.
23h03 : "Whaouuuu ! Le nouveau Staud ! Il est canon !". Amélie soupire : "Enfin…".
Lucie, 28 ans - Sac Loewe
7h : Voilà plus de 20 minutes que Lucie - une fringante artiste non accomplie mariée à son ancien professeur de fac désormais auteur de best-sellers - cherche parmi les vêtements jonchant le sol de sa chambre le sac Loewe qu'elle s'est offert la veille pour pallier la déception causée par son incapacité à achever sa sculpture en stylos à bille/latex/plumes de pigeons récoltées sur les trottoirs parisiens.
7h30 : Elle finit par le trouver sous une pile de gilets péruviens Isabel Marant, de plaids Caravane et de dessous Eres. Ouf : elle ne sera pas en retard à son rendez-vous chez son ophtalmologue.
7h45 : Alors qu'elle est assise dans le bus, des petits crissements réguliers attirent son attention. Elle tourne la tête et découvre ahurie une fillette d'environ 7 ans en train de couper studieusement les franges de son cabas hors de prix. Interloquée, elle le saisit contre elle et lance un regard outré à l'enfant, puis à sa mère. Surprise, l'apprentie designer dit alors d'une voix tremblante : "Mais maman, je voulais juste aider la dame, il y avait plein de fils qui dépassaient, c'est moche les fils qui dépassent…".
8h30 : Dans la salle d'attente du médecin, elle voit le regard fatigué d'une jeune maman s'illuminer à la vue de son cabas. Et celle-ci de s'exclamer : "Vous aussi vous avez craqué ? Il faut dire qu'un cabas de cette taille à 15 euros chez Tati cela ne se refuse pas, n'est-ce pas ?".
8h32 : Lucie envisage sérieusement l'éventualité de descendre furtivement au café du coin afin d'avaler cul sec un verre de cognac.
9h : Derrière ses lunettes siglées, l'ophtalmologue lui lance : "Votre vue n'a pas bougé. Tout est parfait !". Enfin quelques ondes positives au sein de cette matinée jusqu'ici placée sous le signe de l'ignorance et du mauvais goût… Le médecin poursuit : "Mais dites-moi, je ne savais pas que vous aviez des enfants ! Vous pourrez les féliciter de ma part : le sac qu'ils vous ont confectionné est particulièrement réussi !".
9h10 : Le cognac lui brûle délicieusement la gorge.
17h : Accoudée au balcon filant de leur appartement haussmannien, Lucie rumine sur le destin des artistes incompris de leur vivant, tels que Van Gogh, J.W. Anderson ou encore elle-même...
17h20 : Sous les moulures du plafond immaculé, une voix masculine s'élève : "Chérie, je suis rentré ! Euh… mais pourquoi la femme de ménage a-t-elle laissé ses chiffons sur la table ? Hum… Chérie ? Dis-moi, c'est quoi ce truc vert sur la table ?".
17h22 : Tremblant d'une rage froide, Lucie s'avance et s'exclame : "Ce sont les 2800 euros en moins sur ton compte, MON CHERI".
On aura également une petite pensée pour…
Laurène qui, désirant prouver à tous (son fiancé, sa petite soeur et ses copines de la natation synchronisée) que sa passion pour les chats était loin d'être ringarde, a vendu les bijoux hérités de sa mère pour s'offrir un sac "chatons" Balenciaga.
Honorine, qui a dû expliquer 40 fois que non, elle ne s'était pas mise au bowling et que oui, cette boule noire en cuir était bien un véritable sac à main. À la fin de la journée, la jeune femme envisagea sérieusement de couper la tête de la 41ème personne à lui poser une question sur son sac et de la placer dans sa sublime sphère Gucci.
Violette, qui a perdu 3 heures de son existence après avoir égaré son nouveau sac Sacai successivement dans son appartement, dans l'ascenseur, dans sa voiture et enfin dans la poche de son trench...
Marilyn qui, en allant chercher sa fille à la crèche, transforma involontairement son adorable sac à main Loewe en ménagerie à microbes après avoir laissé des dizaines de petites mains caresser voracement son pelage immaculé…
Par Lise Huret, le 16 octobre 2018
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