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Chronique #114 : Retourner à l'essentiel
Adolescente, j'enviais la vie de ces femmes trentenaires/quadra voyageant régulièrement, habitant de grandes métropoles, exerçant un job dans la pub/la mode/la presse, ayant les moyens de s'offrir du mobilier "design" et de déboucher un grand cru pour leurs invités, allant fréquemment au théâtre, croquant le dimanche matin dans des brioches toutes chaudes lovées dans un édredon de plumes, possédant des piles de CD, des tonnes de DVD, un dressing richement garni et une bibliothèque sponsorisée par la Pléiade, affichant une beauté urbaine (devant beaucoup à leur coiffeur fétiche) et une nonchalance étudiée procurée par une certaine aisance matérielle...
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Puis, petit à petit, les mythes nourrissant mes fantasmes ont commencé à se détricoter : à force de vivre, d'expérimenter, de voyager, de déceler au travers des façades scintillantes les existences artificiellement enjolivées, moins j'enviais la vie de celles qui m'entouraient.
Les "jobs" excitants sur le papier se révélaient ainsi souvent riches en relations toxiques et en horaires destructeurs, tandis que les destinations de vie lointaines - une fois dépassé le cliché Instagram hebdomadaire faisant baver d'envie les amies coincées en Métropole - comportaient une dose de solitude insoupçonnée. J'intégrais également que les appartements dignes de The Socialite Family n'empêchent pas les divorces, les cours de sport dernier cri les malaises existentiels, les myriades de sacs à main les envies de jeter son petit dernier du 4e étage, les escapades aux Maldives les rendez-vous hebdomadaires chez un psy hors de prix, le nombre de followers astronomiques la vacuité d'un quotidien ayant fusionné avec la virtualité des réseaux sociaux…
Plus ce qui m'avait fait rêver s'effritait, moins je savais dans quelle direction aller pour accéder à une existence susceptible de m'épanouir réellement. Je me mis alors à rechercher dans mon passé les moments où j'avais été fondamentalement et simplement heureuse, où mon corps et mon esprit étaient tendus vers le même but et où l'instant se suffisait à lui-même.
Curieusement, aucun de ces moments n'était lié à l'argent, à la reconnaissance, au regard de l'autre et à l'abondance matérielle. En voici une liste non exhaustive :
Une fois cette liste dressée, le point commun de ces différentes expériences me sauta aux yeux : le bonheur naît chez moi de situations où les facilités offertes par le monde moderne cèdent la place à des efforts me permettant de savourer le fruit de mon travail ou de ma quête. Comme si le confort procuré par des décennies de progrès avait fini par nous déconnecter de nous-mêmes (ainsi, si la valeur nutritive d'une baguette industrielle et d'un pain pétri par nos soins est à peu près la même, le fait de croquer dans l'une ou l'autre ne nous procure pas le même plaisir). Finalement, la satisfaction immédiate de mes besoins (via Amazon, Netflix, Starbucks et autres Uber Eats...) qui me parut dans un premier temps magique ne l'est peut-être pas tant que cela, la disparition des notions d'attente, d'effort et d'envie privant l'objet de mes désirs d'une bonne part de sa saveur.
Ce constat étant désormais établi, je sais ce qu'il me reste à faire. Mais aurai-je le courage d'aller vers une vie plus simple, de faire les compromis nécessaires (non, il n'est pas raisonnable d'acheter une vieille bâtisse dans les Cévennes et de vivre de notre potager - enfin pas tout de suite), de me sevrer de ces choses facilement accessibles mais qui mènent à terme à une absence de sensation, de préférer les jours de morosité psychologique l'effort d'une marche sous la pluie au confort d'un trajet en voiture ou encore de prendre la plume pour me confier à ma grande soeur dans une longue missive plutôt que de céder à l'instantanéité d'un appel Skype (souvent de qualité discutable) ?
Autant de questions qui demandent à trouver une réponse en 2019…
PS : Je suis totalement fascinée par les vidéos de cette ex-DJ ayant décidé d'opérer un retour aux sources en allant vivre chez sa grand-mère et en créant tout ce dont elles ont besoin…
Par Lise Huret, le 02 janvier 2019
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Vivre, c'est d'abord toutes ces petites joies que tu cites, je pense que ce sont celles dont on se rappelle à la fin.
Je te souhaite une année tissée de petits bonheurs !