Chronique #117 : Les filles de la salle de sport
Lassée par mes joggings quotidiens et légèrement déçue par mes séances de coaching, j'ai récemment décidé de retenter la salle de sport, l'idée étant de suivre des cours différents chaque matin à 6h30. Et si je savais par avance que ce nouveau rythme correspondrait parfaitement à mes attentes, j'avais oublié à quel point les abonnées d'une salle de sport un brin branchée pouvaient constituer une galerie de portraits hauts en couleurs. En voici un petit aperçu…
La diva affûtée
Elle arrive sur les coups de 6h15, aussi fraîche qu'un pissenlit en plein champ. La cuisse ferme moulée dans un legging technique, les baskets super profilées et la casquette vissée sur la tête, cette jeune brune de 25 ans n'accorde pas un regard à celles qui l'entourent et s'octroie d'autorité le meilleur emplacement (face au miroir à quelques pas du prof). Loin derrière, je ne peux m'empêcher d'être fascinée par cette casquette qui ne bougera pas d'un millimètre durant la séance et qui, à défaut de protéger d'un soleil inexistant, ne fait qu'accentuer l'air terriblement hautain de sa propriétaire.
La naturiste occasionnelle
Le pas souple, les boucles opulentes et le creux des reins marqué d'un minuscule tatouage, elle quitte la section casiers pour se diriger, totalement nue, vers les douches situées un couloir plus loin. L'image de ce corps féminin que je ne n'étais pas préparé à découvrir dénudé restera accroché à ma rétine tout au long du chemin du retour. Cette femme avait l'air tellement épanouie... Son corps, loin d'être "parfait", était habité avec une telle confiance qu'il en devenait idéal, non "questionnable", sublime dans son unicité.
La petite fille modèle 2.0
Cette grande fille blonde - que l'on imagine aisément disputer une partie de beach-volley sur les plages de Miami - traverse le studio avec un je-ne-sais-quoi de timidité pouvant faire croire à un manque de confiance en soi. Une impression qui se dissipe instantanément lorsque la demoiselle se place sur son tapis, observe avec délectation le mouvement de ses cheveux dans les grandes glaces tapissant le mur, puis retire son sweat zippé pour dévoiler une combinaison dos nu ne laissant aucun mystère sur une plastique ne devant pas tout à Dame Nature. Au fil des 55 minutes de cours de barre, la demoiselle semblera moins préoccupée par le fait d'exécuter correctement ses pliés que par l'apparente nécessité de rendre ces derniers instagrammables.
La stakhanoviste anti-âge
Avec ses muscles secs, sa mélanine boostée artificiellement, ses rides subtilement comblées et son absence de sourire, cette sportive de 55 ans exhale une détermination réfrigérante. Il suffit d'observer le zèle avec lequel elle effectue ses mouvements d'aérobic - et ce sans aucun signe de découragement - pour entrevoir l'intensité de la lutte à laquelle se livre cette femme. Une lutte contre le temps qui passe, contre la jeunesse insolente de ses camarades, contre le potentiel désintérêt de la gent masculine, contre la fonte inexorable des muscles… Elles sont nombreuses comme elles : un bataillon d'IMC 18 n'ayant pas l'intention de céder la place à qui que ce soit.
L'aspirante sportive de bonne volonté
Point de Nulu signé Lululemon sur la silhouette de cette post-adolescente accro aux glaces Ben & Jerry's et aux vidéos "fat killer workout" dénichées sur Youtube, mais un vieux sweatpant roulotté sur la cheville ainsi qu'un tee-shirt distendu achevant de flouter ses formes. La mine encore chiffonnée par un réveil aux aurores, la jeune étudiante hésite avant de pousser la porte du studio vitré. Une fois dans l'arène, elle jette un regard discret aux poids de sa voisine afin de savoir lesquels aller chercher, scanne rapidement les pieds des filles déjà présentes afin de déterminer si oui ou non elle doit conserver ses chaussettes et finit par s'asseoir en tailleur sur un fin tapis de yoga en attendant doctement le professeur. Vers le milieu du cours, au moment où chacune a envie de fuir mais n'en laisse rien paraître, elle est la seule à rire de son épuisement, à sourire lorsqu'elle ne termine pas une série et à laisser éclater son soulagement au mot "release".
Mais aussi...
Celle qui, pour chaque mouvement, trouve une variation augmentant la difficulté de l'exercice. Le genre de fille auprès de laquelle il vaut mieux éviter de se placer, sous peine de perdre rapidement toute motivation...
L'homme assumant bravement de prendre un cours de barre ballet, seul au milieu de 15 femmes.
La frileuse précautionneuse qui, en dépit d'avoir un vestiaire à sa disposition, arrive au studio de yoga emmitouflée et sur-équipée. À côté de son tapis, on trouve ainsi un maxi gilet, une écharpe, un iPod, des écouteurs, une grande bouteille d'eau effet marbre, un tube de crème pour les mains, un petit sachet de noix, une serviette personnelle (alors qu'une serviette est fournie par la salle) et un livre…
L'hyperlaxe qui, quel que soit le cours auquel elle assiste (boot camp/pilates/boxe/tabata) effectue avant ce dernier de longs étirements permettant à chacun de constater qu'elle aurait pu sans mal prétendre à un poste de contorsionniste au sein du Cirque du Soleil.
La septuagénaire frêlissime qui se révèle être d'une force et d'une endurance insoupçonnée (et dire que j'ai failli lui proposer de l'aider à monter les escaliers menant au vestiaire...).
Par Lise Huret, le 12 février 2019
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