Une fois dans le taxi, la conduite "sportive" de notre chauffeur m'empêche de savourer sereinement le paysage. Mais pour le peu que je m'en souvienne, les immeubles type "barres" bordant le trajet n'avaient rien d'inoubliable.
Si l'appartement Airbnb - situé à deux pas du parc Principe Real - dans lequel nous logeons ne manque pas de charme, sa photogénie semble avoir été privilégiée sur le confort de l'occupant.
En déambulant dans les rues hétéroclites de la ville, les fameux azulejos lisboètes me séduisent par surprise : je ne pensais pas être sensible à ces assemblages de faïences peintes et pourtant force est de constater que le résultat est émouvant. Il faut dire qu'en reflétant la lumière, ces carreaux insufflent une luminosité toute particulière à leurs motifs géométriques.
Ces façades sont de telles oeuvres d'art que les tags qui recouvrent le bas de certaines me plongent dans une totale incompréhension : que l'on tague un vieux mur abandonné, pourquoi pas, mais des espaces esthétiques ? Les tags sont d'ailleurs partout et confèrent à la ville une fausse impression de saleté.
Les sept collines sur lesquelles s'étend Lisbonne offrent à cette dernière une topologie ponctuée de nombreuses surprises, entre vue plongeante sur le Tage, tramway grimpant en pente raide et volées de marches pierreuses …
Souvent glissants, parfois extrêmement étroits, les trottoirs pavés ne sont pas très rassurants pour les parents d'un enfant de moins de 6 ans.
Qu'il s'agisse d'un restaurant de burgers, d'un stand situé au sein du marché couvert ou d'une mini gargote fréquentée exclusivement par des Portugais, les produits utilisés se révèlent extrêmement frais et délicieux. Et ce pour un prix bien moindre que ceux pratiqués à Paris ou Toronto. Après un déjeuner avec des amis vivant ici depuis quelques mois, mon regard sur la ville s'adoucit. Je réalise que celle-ci n'est qu'un décor et non un but en soi. Si nous venons nous installer ici, notre qualité de notre vie sera indexée sur la richesse de notre réseau social et non sur le nombre de tags sur les façades.
La plage la plus proche se situe à 20 minutes en train. Nous ratons malheureusement notre arrêt et nous retrouvons à Cascais, où le pittoresque de la petite plage de Rainha nous fait bénir notre changement de programme imprévu. À l'abri du vent, Charles entreprend la construction d'un château de sable, tandis que je teste l'eau de l'Atlantique ; je crois que je ne me suis jamais baignée dans une eau aussi froide... Mais qu'importe : la joie d'effectuer quelques brasses dans l'eau salée me fait oublier la morsure des vaguelettes.
Après la baignade, nous partons découvrir la ville dont la citadelle, les demeures 19e, l'élégant parc peuplé de coqs en liberté et le phare tricolore composent une carte postale inattendue.
Dans le train du retour, nombre de jeunes - et de moins jeunes - sont munis de leur planche de surf. Moi dans un an ?
Après quelques jours, l'impression de simplicité qui se dégage des Lisboètes se confirme. Ici, contrairement à Toronto, pas de manucure systématique, pas de teinture à l'apparition du moindre cheveu blanc, pas de lèvres gonflées ou de front lissé, et cela fait un bien fou.
Mon amie vivant ici me glisse que pour 10 euros, son mari fait le plein de fruits et légumes - pour 4 personnes - au marché le samedi. Au vu des prix pratiqués chez nous, cela me fait littéralement rêver.
En fin de journée, les différentes générations se mêlent pour boire un verre sur le trottoir à l'extérieur de minuscules bars. L'ambiance est chaleureuse, quasi familiale. Une sorte de douceur de vivre un peu brute, non photoshopée.
Une virée au parc situé à deux pas de notre appartement nous fait prendre conscience de l'existence d'une forte communauté d'expats SP+. Qu'ils soient Américains, Français ou Anglais, les parents sveltes en Stan Smith et Ray-Ban surveillent leur progéniture en échangeant sur le brunch dominical à venir. On sent la ville en pleine transition : les façades rénovées jouxtent des bâtiments abandonnés, nombre de restaurants semblent avoir été designés pour plaire aux instagrammeurs, les concept stores éclosent çà et là...
Si les familles chics peuplant des villes telles que Paris, Toronto, New York ou Florence partagent un certain éclat de perfection, elles n'en cultivent pas moins certaines différences. Dans le quartier huppé de Principe Real, l'homme arbore ainsi la barbe et un blazer coloré ajusté porté ouvert sur une chemise blanche ; sa femme, plus joyeuse que ses homologues d'outre-Atlantique, diffuse une vitalité à la séduction solaire ; quant à leurs enfants, s'ils s'avèrent un brin moins lookés que leurs cousins du 6e arrondissement parisien, ils n'en exhalent pas moins une suave lassitude face à la facilité de la vie.
Le vaste Jardin d'Estrela appelle aux longues après-midi de farniente. Les familles s'y pressent et les babilles d'enfants se mêlent aux piaillements des oiseaux pour former une bande-son des plus gaies.
Les pâtisseries locales - Bola de Berlim, Queijadas, Pastel de Nata, Pão de Deus - feraient replonger n'importe quelle foodista control freak dans les plaisirs du full gluten.
Les coqs s'ébattent en liberté au sein des parcs de Lisbonne et de Cascais (voir ici et là); c'est à la fois assez surprenant et délicieusement dépaysant. Une portée d'adorables petits poussins noirs suivant doctement leur mère à travers les brins d'herbe fera dire à Charles "C'est décidé, je ne retourne pas à Toronto !".
Le marché de l'immobilier lisboète est actuellement en plein boom. Il n'est ainsi pas rare de voir sortir d'une maison de ville désaffectée un groupe en costumes, dossier à la main, prêt à dégainer les capitaux nécessaires à la réfection de ce qui deviendra bientôt un hôtel, un Airbnb ou un appartement de standing...
PS : Demain, nous louerons une voiture pour deux jours afin découvrir Sintra et son littoral, puis la côte plus au sud vers Comporta. Une fois ce petit road trip effectué, je pense que nous aurons une bonne idée de la viabilité ou non de notre projet lisboète…
Par Lise Huret, le 17 mars 2019
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