Chronique #134 : Mes "no looks"

Afin que vous compreniez la genèse de ces "no looks", il faut que je vous emmène devant ma penderie. Sur une étagère et une trentaine de cintres se concentre la quasi-totalité de ma garde-robe. Un nombre limité de vêtements rangés par teintes et par catégorie. 

Ces vêtements, je les connais par coeur. Je sais ainsi que mon pull en cachemire me donnera trop chaud une fois dépassés les 15°C, que tel pantalon me procurera immédiatement un sentiment de coolitude extrême, que tel tee-shirt possédant un petit trou dans le dos devra être porté avec un gilet, que tel autre pantalon nécessitera d'être arboré avec une paire de baskets à semelles épaisses (sous peine de balayer le trottoir), que telle pièce rouge me donnera bonne mine ou encore que telle chemise - en offrant une structure à ma silhouette - me permettra de mieux structurer mes pensées…

Je me souviens également des sentiments qui accompagnèrent l'achat de ces pièces et qui imprègnent aujourd'hui leur ADN. Je pense notamment à mon coup de foudre pour le pantalon d'homme aperçu dans la vitrine de la boutique Le Mont St Michel près de la place Saint-Sulpice que j'avais concrétisé sans regarder à la dépense, du plaisir de trouver chez COS Paris un slim ne me boudinant pas et de la rencontre sur la pile d'une friperie avec un tee-shirt au vert plus que parfait…

Bref, lorsque je sors de la douche le matin, je sais exactement de quels "matériaux" je dispose pour concrétiser mes envies du jour. Je ne pense alors pas "esthétique", mais plutôt "incarnation textile de ce que je ressens". Démonstration par l'exemple :

"No look" du 28 octobre

Composition : Veste Sessun de 2013 + ancien pull J.Crew de Julien en cachemire bleu marine + slim COS + baskets Nike Air Force One blanches + collier mala + lunettes Ray Ban Aviator.

6h30. Je me glisse dans mon jean slim avec une légère appréhension : en fonction de la période du mois, celui-ci me serre plus ou moins. Joie et félicité : mon slim baille légèrement au niveau des cuisses. Reste à choisir l'élément qui viendra réchauffer mon baromètre à rétention d'eau. Après un rapide scan de mes émotions, le verdict est clair : j'ai envie de douceur et d'ampleur chaleureuse. C'est donc tout naturellement que j'enfile à même la peau un ancien pull de Julien en cachemire bleu nuit, dont j'aime la caresse quasi sensuelle.
Sur le plan de travail de la cuisine traîne le collier mala en perles de jade que m'offrirent mes parents pour mon dernier anniversaire. Je le glisse autour de mon cou en me disant que je le rangerai dans sa boîte lorsque je retournerai dans ma chambre, puis je l'oublie.   
En fin de matinée, je retrouve Julien pour déjeuner à l'extérieur. J'enfile les seules baskets que je porte en ce moment (mes Nike blanches) et hésite entre mon caban bleu marine descendant mi-cuisse et ma veste lainée dont j'adore la dégaine seventies mais qui dévoile mes fesses. Étant dans un jour d'assèchement lymphatique, j'opte pour la veste Sessun. 
Il ne me reste plus qu'à saisir mes clefs et à chausser mes anciennes Aviator (étant donné que je ne parviens pas à remettre la main sur mes Wayfarer)...

"No look" du 18 octobre

Composition : Pull bleu marine COS + pantalon en drap de laine Le Mont Saint Michel + Etole crème Zara + baskets Nike Air Force One blanches.

6h30. J'ai du mal à m'extraire du rêve qui court encore sous mes paupières. Cure de jouvence éphémère, celui-ci m'a ramenée au coeur de mon adolescence et plus précisément à l'année de mes 16 ans. Celle où j'étais scolarisée dans un lycée privé lillois et où je passais ma vie en baggy Dickies, écharpe trop longue nouée autour du cou et baskets de skate. 
La nostalgie de cette époque où passions amoureuses, cadre scolaire à contourner et projets "bigger than life" rythmaient ma vie parfume d'une note âcre le thé brûlant que je déguste contre la vitre du salon. 
Charles se réveille. Je file dans ma chambre et attrape dans la penderie un pantalon, un pull et une étole. 
Au moment de quitter la maison pour emmener mon fils à l'école, je jette un coup d'oeil dans la glace et souris : je suis habillée exactement pareil qu'il y a 21 ans. Comme si l'ado que je fus était venue me faire un petit clin d'oeil dans le reflet du miroir...

"No look" du 13 août

Composition : Foulard imprimé marron/beige/vert chiné + combinaison bleu marine COS + sandales Arizona Birkenstock + bracelet mala.

9h30. De retour de trois semaines de vacances en Lozère où je n'ai pas quitté mes shorts en jean et mes tee-shirts vintages, je ressens un cuisant besoin de netteté efficace. Après avoir briqué la grande salle et la chambre de Charles, je file sous la douche, inspecte mes cheveux qui repoussent décidément trop vite et ouvre ma penderie. Là, suspendue bien sagement se trouve la réponse textile à mes envies de simplicité structurée : la combinaison COS que j'ai achetée en juin sans trop savoir quand et comment je la porterai et qui a tendance depuis à prendre la poussière. 
Je l'enfile, noue rapidement un foulard dans mes cheveux (afin de m'épargner une crise de nerfs capillaire), enroule autour de mon poignet mon collier mala (dans l'espoir de rester connectée avec mes parents durant cette journée) et chausse les seules et uniques chaussures qui m'accompagnent de juin à début septembre : mes Birkenstock Arizona.