Défilé Prada - Printemps/été 2021
Si le mois d'avril 2020 fut avant tout marqué par le confinement généralisé, il n'en fut pas moins brièvement illuminé par l'annonce de la nomination de Raf Simons en tant que co-directeur de la création aux côtés de Miuccia Prada. Une surprise qui électrisa les neurones des passionnés de mode, tant la fusion entre l'esthétique baignée de références à la contre-culture de l'un et la grammaire stylistique iconique de l'autre annonçait le début d'une nouvelle ère…
Quelques mois plus tard, c'est ainsi avec une impatience non dissimulée que le "fash pack" attendait de découvrir la première collection de ce duo atypique. Diffusée sur le site Prada.com en lieu et place d'un défilé traditionnel (rendu compliqué par les nouvelles normes imposées par le covid-19), cette dernière brilla tout d'abord par sa dimension démocratique. Oubliés en effet les cartons d'invitations, les front rows, les privilèges et les accès privés au backstage... D'une contrainte, Raf Simons et Miuccia Prada sont parvenus à faire une force en remettant le vêtement au centre de l'attention (rien de tel qu'une caméra pour capter le moindre détail d'un manteau basculé vers l'arrière) et en offrant de mettre tout à chacun sur un plan d'égalité (diffusion du défilé au même moment pour tous et interviews construites autour de questions posées en amont par les internautes). Et si l'on se dit que la griffe aurait pu prendre un peu plus de risque en proposant ladite interview en direct, cette ouverture - aussi balisée soit-elle - n'en demeure pas moins un heureux présage. Une fois bien installés devant leur laptop, tous purent alors découvrir une collection composée de 40 silhouettes placées sous le signe de l'uniforme et ourlées de références tant aux archives Prada qu'au parcours stylistique de Raf Simons. On retrouva ainsi ensembles pantalons nineties, matières satinées cassantes, logos assumés, détails sportswear et autres imprimés datant de 1996 chers à la créatrice italienne. Du côté de chez Raf Simons, certains passages évoquèrent aussi bien les silhouettes de son ultime défilé Jil Sander (voir ici et là) que certains détails de ses collections Homme (voir ici et là) ou de celles qu'il signa pour Calvin Klein (entre sous-pull troué/superposé, écriture graphique et clashs de couleurs vives).
Ajoutez à cela des imprimés fleuris (pour lesquelles ils ont un intérêt commun), des ensembles jupe ample/petit pull épais évoquant le style personnel de Miuccia Prada et des manteaux à la structure complexe flattant leur amour des coupes audacieuses et vous obtiendrez une fusion équilibrée entre leurs deux univers. Le respect mutuel entre le Belge et l'Italienne est d'ailleurs palpable : ici, pas de bataille d'ego, mais un seul et même objectif : trouver le parfait équilibre entre créativité et pragmatisme. Et c'est réussi. Car si l'on a envie de les voir aller - beaucoup - plus loin, la portabilité éclairée de cette collection fait néanmoins du bien. Difficile en effet de ne pas se laisser séduire par les silhouettes new-look piquées de modernité (voir ici et là), les manteaux coquille à l'élégance universelle (voir ici et là), les kitten heals bubble gum ou encore par l'ensemble jupe/sweat imprimé (qui nous donne envie d'en faire notre nouvelle armure urbaine). En jouant la carte du dialogue esthétique, Prada pourrait bien nous redonner confiance en la mode…
PS : À l'heure où les créateurs se cherchent plus que jamais et où les maisons doivent faire face à des défis inédits, l'idée du duo créatif pourrait bien être le passeport vers un avenir aussi radieux d'enthousiasmant. Imaginez : Dries Van Noten/Sarah Burton, Phoebe Philo/Nicolas Ghesquière, Alber Elbaz/Stella McCartney, Isabel Marant/Sacai…
Par Lise Huret, le 28 septembre 2020
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