Chronique #162 : Lettre à la jeune mariée que je fus
Alors que nous fêtons aujourd'hui nos 14 ans de mariage, j'ai eu envie d'écrire à celle qui se réveilla le 19 novembre 2006 à l'aube d'une vie nouvelle ourlée d'incertitudes…
N'attends pas de recevoir des compliments pour commencer à t'aimer. Peu importe que ta belle-mère n'ait pas daigné se fendre d'une remarque positive sur ta sublime robe immaculée ou qu'elle t'ait privé de toute parole susceptible de rassurer la jeune fille peu sûre d'elle que tu es. Cela ne signifie rien, ni ne justifie le regard dépréciateur que tu portes sur la Lise qui remonta hier l'allée de l'église toute tremblante d'émotion. Cesse d'attendre que la parole d'autrui valide ton apparence, ton existence. Et puis tu sais… les gens font rarement des compliments. L'absence de paroles laudatives à ton endroit ne signifie pas que tu ne les mérites pas. Ne crois pas que les conflits font le sel de la vie de couple, que les disputes sont romantiques et que les paroles blessantes s'effacent facilement. Ne cherche pas à pousser dans ses retranchements celui que tu aimes afin de lui prouver que tu ne mérites pas d'être aimée. Apaise-toi. Cultive ce qui te définit avec patience, constance et détermination. Ne gomme pas ta personnalité, ne passe pas sous silence tes passions, ne sous-estime pas tes talents sous prétexte de tenir le rôle que tu crois devoir jouer. Tu es ton bien le plus précieux. Ne te déguise pas. Personne n'attend de toi que tu deviennes une ombre malléable. La vie va bientôt s'accélérer ; pour autant, ne perds pas le fil des amitiés qui t'ont nourri jusqu'ici. Fais l'effort de sortir de cette bulle qui te comble aujourd'hui pleinement et va vers celles qui, ne sachant pas comment réagir face à ton bonheur si soudain, s'éloignent déjà de toi. Sois à l'écoute, rends-toi disponible, car leur présence te manquera bien plus vite que tu ne peux l'imaginer. Réjouis-toi, car le jeune homme discret que tu viens d'épouser va se révéler être un concentré de force, d'audace et d'intrépidité. Ne t'épuise pas à essayer de cacher à ton mari les parties de ton corps que tu détestes. Ce corps que tu conspues, il le désire. De sa manière de se mouvoir, à sa douceur, en passant par sa grâce, tout l'émeut… Alors s'il te plaît, cesse d'être obnubilée par la cellulite qui selon toi tapisse tes cuisses, car il n'en a cure. Tu apprendras d'ailleurs plus tard que cette fameuse cellulite, il ne la voit même pas... Avant d'émettre un reproche à l'endroit de Julien, essaie de te mettre à sa place et de savoir comment tu aurais toi- même agi. Si tu fais cela en toute honnêteté, tu verras que le reproche ne mérite souvent pas d'être formulé. Je sais que tu bous d'envies, que tes pieds fourmillent, que ton regard se porte sans cesse sur l'horizon. Ne sois pas impatiente, tout viendra en temps et en heure. Ne crains pas que ta maladie fasse fuir Julien et te projette dans une prison médicamenteuse t'imposant la médiocrité. Loin de vous détruire, cette anomalie chimique va en effet vous pousser à exiger le meilleur de votre existence : vous voyagerez en quête de l'environnement le plus propice à l'assoupissement de ta bipolarité, tu te nourriras d'art et de littérature (afin que tes "down" soient peuplés d'images galvanisantes) et vous ferez de tes "up" mille et une occasions de briser les contraintes du quotidien. Je peux aujourd'hui te l'assurer : aussi douloureuse que sera parfois cette aventure, elle n'en vaut pas moins le coup d'être vécue. Ne crois pas que tes névroses feront de toi une mère détestable inapte à élever un enfant. Cet enfant qui viendra dans quelques années vivra au contact d'une maman des plus aimantes, n'ayant à coeur que son bien-être. Alors oui, tu seras parfois dans l'incapacité de t'occuper de lui, mais Julien prendra le relais et vous trouverez rapidement votre équilibre. Tu ne seras pas une maman capable d'organiser une semaine au cordeau, sachant maintenir une routine apaisante ou faisant partie des piliers de l'association de parents d'élèves, mais tu compenseras en décidant d'aller pique-niquer sur la plage un mardi soir à 19h, en racontant des histoires sous la couette à la lueur d'une lampe de poche ou en passant des nuits blanches à construire des châteaux forts en cartons et à confectionner des déguisements en tous genres. N'attends pas tes 38 ans pour comprendre que le pain se congèle. Cela simplifiera grandement la préparation des petits déjeuners familiaux... Loin d'être une quête égocentrique, la recherche de ton bien-être est en réalité la condition sine qua non pour être une épouse lumineuse, une mère apaisée, une fille aimante, une soeur à l'écoute et une amie joyeuse...
Par Lise Huret, le 18 novembre 2020
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47 commentaires
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Sophie •Il y a 4 ans
Chère Lise,
Cela fait longtemps que je suis ton blog (on peut bien se dire "tu" après toutes ces années!). Bien des billets m'ont touchée sans que je sorte de ma réserve. Celui-ci aura su me faire vaincre ma timidité. Merci pour ce message, que j'aurais aimé entendre plus tôt, par d'autres peut-être. Le don de soi sans se nier est la clé de relations riches, j'en suis convaincue et suis heureuse de voir que cela est partagé. Merci pour toutes ces bulles de légèreté si précieuses, en rien futiles, que tu nous offres.
Très belle lettre que j’aimerais m’écrire lorsque je me marierai ...
Quelle magnifique mariée sur cette toile !! De qui est cette œuvre chère Lise?
Je t’embrasse!
Merci Lise pour ces très beaux mots, j'en tire des leçons utiles pour mon propre couple.
Et je suis comme vous, j'ai congelé du pain pour la première fois cette année, à 38 ans :) belle journée à vous
Bonjour, Lise,
Cette lettre est magnifique. Comme à chaque fois que tu écris un texte personnel, je ressens chacun de tes mots. Quelle sensibilité et quelle plume!
Très chers Lise et Julien, je vous souhaite un merveilleux anniversaire de mariage.
Ces mots, je reviendrai les lire souvent, tant ils sont sages et bienveillants.
Quant à cette phrase, je devrais me la faire tatouer sur le poignet, en changeant le prénom : "Avant d'émettre un reproche à l'endroit de Julien, essaie de te mettre à sa place et de savoir comment tu aurais toi- même agi. Si tu fais cela en toute honnêteté, tu verras que le reproche ne mérite souvent pas d'être formulé." J'aurai, particulièrement en ce moment, besoin de me rappeler souvent.
Après 23 ans de non mariage, et à 43 ans, je viens aussi de congeler du pain pour la 1ère fois cette année (ce que j'ai longtemps pensé être une insulte à mes aïeux boulangers, se révèle un gain de temps certain !)
Lise, tu es une belle personne, vraiment <3
Encore une fois Lise, tu nous touches en plein cœur, avec tes mots si justes et ta plume sans commune mesure.
Je garde cette belle lettre précieusement en tête car elle semble bien refléter ce que je pense actuellement et me permettra de dénouer des conflits intérieurs dans le périple qui m’attend.
Et ne jamais oublier que je suis mon bien le plus précieux
Bravo pour la congélation du pain , une épiphanie..digne du droit de vote dans la libération féminine..bien sur je rigole .
Certains passages au début mériteraient d être placardés dans les salles de mariage des mairies...
Surtout merci de nous faire partager ton cheminement, tes réussites , ce que tu es devenue pour porter un vrai message didactique et rassurant aux" jeunes personnes " avec des paroles justes et soutenantes. Moi j'aime beaucoup te lire cela me donne foi en l'humanité 😊
Je vous suis depuis un moment et j’aime tellement votre sens du style, vos mots toujours si justes et vos partages et récits de voyages toujours intéressants! Je me permets de vous écrire ce matin parce que ce texte est si beau et que j’aurais aimé le lire plus jeune. Juste merci 🙏🏻 ☺️ Je ne vous connais pas mais vous êtes comme une amie bienveillante.
Cette lettre montre tout le chemin parcouru, non ? Je vous souhaite un très long voyage à deux.
"Tu ne seras pas une maman capable d'organiser une semaine au cordeau, sachant maintenir une routine apaisante ou faisant partie des piliers de l'association de parents d'élèves" : si tu savais à quel point je me reconnais dans cette phrase. Je suis tout sauf une maman GO qui planifie les activités de mes enfants. J'ai maintenant deux ados épanouis qui semblent ne pas m'en tenir rigueur, et qui ont développé leur imaginaire et leur créativité sans mon aide. L'essentiel c'est l'amour. Et tu fais vivre à ton garçon des expériences extraordinaires.
Magnifique... je m’y retrouve aussi .... nous qui fêterons , ds qqs jours , nos 24 ans de vie commune , qui nous supportons et nous portons !
Joyeux anniversaire d’Amour Lise et Julien
Quel beau texte!
Une phrase me parle beaucoup:"Cesse d'attendre que la parole d'autrui valide ton apparence, ton existence. " C'est sûr que le chemin aurait été plus agréable,plus aisé...Mais c'est ainsi ,et maintenant j'ai appris...
Joyeux anniversaire de mariage à tous les deux et que votre chemin à deux dure longtemps !
Lise,
merci de cette lettre à toi-même
bien que dans une situation différents, tes mots m'encouragent aussi, même si je ne suis pas mariée ou que je ne souhaite pas d'enfants, je me retrouve dans certains de tes mots !
"Ne cherche pas à pousser dans ses retranchements celui que tu aimes afin de lui prouver que tu ne mérites pas d'être aimée."
"Ne gomme pas ta personnalité, ne passe pas sous silence tes passions, ne sous-estime pas tes talents sous prétexte de tenir le rôle que tu crois devoir jouer. Tu es ton bien le plus précieux. Ne te déguise pas. "
ces phrases ont une résonnance particulière...
je vous souhaite à tous les deux et au petit Charles de profiter pleinement de cet anniversaire !
Chère Lise,
tout d'abord joyeux anniversaire de mariage!!!!!
Quel bel hommage à ton mari !!!! Au travers de toutes tes chroniques, nul doute possible, Julien est un homme formidable...!!!! Et comme toi aussi tu es une femme épatante, je crois que l'on peut dire que vous vous êtes trouvés!!!!!
En avant pour la suite!!!!
Je demande un "Julien" à l'univers... ;)
Tu as beaucoup de chances de l'avoir, et il a beaucoup de chance de t'avoir aussi...
Ce n'est pas toujours simple... La relation de soi à soi, avec l'un et l'autre... Et vous avez l'air de bien réussir tout ça (a avancer) :)
Ça me réveille encore plus mon insécurité quand je suis en couple... Le dernier en date, qui avait l'air de très bien m'accepter, à qui j'avais parlé de mon manque d'estime et de confiance en moi a décidé de me ghoster le jour où je suis parti de chez lui en me disant que je n'étais pas à la hauteur de ma formation, de la relation... Sans rien lui reprocher... Sympa, hein !
Du coup je retourne voir mon psychologue grâce à lui... Pour être encore mieux pour le prochain ! Ahah
J ai connu les meme arrogants(cadres) qui ressentaient le besoin de me rabaisservdes le debut via leur statut sociaux,du coup je suis seule j apprends a etre moins tolerante,moins gentille,prendre le temps de me faire desirer et avoir de la repartie,j ai toujours attendu les meme valeurs chez un homme:la protection,un esprit de famille,travailleur,bienveillant,loyal et des projets (meme si j ai un type de physique ce n est pas le plus important)tout cela se perd pour au profit de l egocentrisme, materialisme,egoisme comme une photo instagram
Tu sais, les gens qui te ghostent, déjà c'est lâche et ça doit être insupportable parce que eux savent que c'est fini, toi non. Après, mettre fin à la relation, ça peut être pour plein de raisons, bonnes comme mauvaises, qui ont plus à voir avec lui qu'avec toi, quasi forcément puisqu'il vit avec lui-même 100% du temps. Et y a un aspect un peu "commercial" aux relations via appli, aussi (une copine à un moment cherchait assez assidument un mec, elle m'a décrit une impression de faire des entretiens d'embauche, super romantique quoi).
Quant aux problèmes d'estime de soi - toute inconnue sur internet que je suis - je connais aussi, ça empoisonne, ça engendre des comportements qui finissent par faire fuire les gens et conforter la pertinence des sentiments d'infériorité, alors qu'ils n'ont pas du tout lieu d'être. Ce qui m'a aidée à les gérer, mis à part ma psy, c'est de me dire que, souvent, c'est juste le cerveau qui tourne en roue libre, c'est purement chimique. Parce que ça m'arrive de partir dans des délires absolument énormes là-dessus, souvent le matin d'ailleurs, en mode "youpi! c'est le matin! petit dej!... ah merde, je suis moi". Y a un terme d'ailleurs, "rejection sensitive dysphoria", qui n'est pas officiel mais ça peut permettre de faire des recherches.
Mais bref, dans un premier temps j'essaie de me dire "c'est chimique". Ce qui ne freine rien, mais ça donne au moins un peu de distance. Et souvent, une fois que j'ai mangé un truc ou vu des gens, ça va. Et si y a un thème qui revient plusieurs fois, là je me penche dessus parce qu'il y a des chances que ça en vaille la peine. Mais la réponse au questionnement, ce n'est absolument jamais "je suis une sous-merde", et je suis persuadée que ça ne l'est pas non plus pour toi.
Encore un magnifique texte empli de sagesse et de douceur❤ Beaucoup de phrases m'ont fait percuter...Je le relirais aussi souvent que possible pour m'imprégner de certains de ses conseils. Merci Lise
Très belle lettre Lise, juste et profonde ... vos incertitudes du passé ne sont plus que souvenirs ... votre chemin se poursuit positivement et c'est un bonheur de le lire.
Mon parcours de mère et grand-mère m'a appris, et m'apprend encore, que les enfants sont plus épanouis et équilibrés en vivant des moments de fantaisies que des semaines toujours au cordeau...
Magnifique Lise, très émouvant et tellement juste. Et malgré ma cinquantaine, il y a des conseils dans ta lettre que je ferais mieux de pratiquer.
Et honnêtement la maman que tu fantasmais, elle est plutôt flippante non ? Mon enfant intérieur vote pour la maman fantasque.
En tout cas je vous souhaite encore beaucoup de bonheur.
Je suis très émue en lisant cette lettre dont certains passages font écho à mon propre vécu. Je n'oserais pas dire que j'aurais pu en écrire certains passages mais j'ai envie d'en recopier dans mon carnet car je sais que ces mots me parleront encore. En effet, moi aussi, je ne suis pas la mère pilier de l'association de parents d'élèves (contrairement à ce que j'aurais voulu) mais je me suis découverte des talents de conteuse et entendre mon fils me dire "c'était trop bien maman" à la fin d'un récit que je viens d'inventer pour lui me rend fière et heureuse.
En lisant les commentaires, je vois que je ne suis pas la seule et je trouve que c'est très beau d'arriver, en parlant de soi, à toucher également les autres.
Chère Lise,
C’est un des plus beaux textes que j’ai lus sur ce thème. Les mots me manqueraient presque pour exprimer la justesse, la profondeur et la hauteur de ce texte ... il gagnerait à être lu à la mairie/église etc... de façon obligatoire !
Merci pour ce partage, je retiens la dernière phrase que j'essaie d'appliquer en ce moment : prendre soin de soi-même est le meilleur cadeau que l'on peut faire à ceux qui nous entourent.
Une très belle lettre d'amour accompagnée d'une belle image
"Fais l'effort de sortir de cette bulle qui te comble aujourd'hui pleinement et va vers celles qui, ne sachant pas comment réagir face à ton bonheur si soudain, s'éloignent déjà de toi"... c'est un réel danger parce que cette bulle semble suffire au bonheur. Mais il ne faut surtout pas se couper des autres, la vie n'est -pas que la vie du couple.
Quelle belle lettre qui m'a émue aux larmes. Fidèle lectrice depuis 10 ans, je n'ai quasiment jamais commenté, mais tant de bienveillance, d'empathie envers son prochain, et d'amour viennent de me pousser à le faire. La seule chose que je me souhaite en cet instant, c'est d'avoir à mon tour un jour la chance de ressentir, de vivre et d'écrire ce que tu as partagé ici avec nous. Merci
J'ai 26 ans, et depuis mon adolescence, je suis une fidèle lectrice.
Une grande soeur fictive, un guide, merci d'être à mes cotés par vos mots, que je trouve toujours aussi beaux!
La conclusion de cet article m'accompagnera et restera bien ancrée dans un coin de ma tête, aujourd'hui pour moi et mon entourage, et demain, quand j'aurais rencontré la bonne personne.
Merci
Cela fait longtemps que je suis ton blog (on peut bien se dire "tu" après toutes ces années!). Bien des billets m'ont touchée sans que je sorte de ma réserve. Celui-ci aura su me faire vaincre ma timidité. Merci pour ce message, que j'aurais aimé entendre plus tôt, par d'autres peut-être. Le don de soi sans se nier est la clé de relations riches, j'en suis convaincue et suis heureuse de voir que cela est partagé. Merci pour toutes ces bulles de légèreté si précieuses, en rien futiles, que tu nous offres.