Fashion week de Paris printemps/été 2024 : le debrief

Louis Vuitton

Recouvert d'une toile orange évoquant l'intérieur d'une montgolfière, l'intérieur du 103 avenue des Champs-Élysées - actuellement en rénovation - invite à se rêver en Phileas Fogg du futur.
Intrinsèque à la maison Louis Vuitton et chère à Nicolas Ghesquière, la notion de voyage se voit ici traitée sur une tonalité contemporaine : l'idée est désormais de voyager léger, de préférer le bagage cabine à la valise ventripotente et de regagner en liberté. Afin de matérialiser cette envie d'évasion moderne, Nicolas Ghesquière crée des silhouettes élargissant sa grammaire stylistique. Peu habitué à travailler le flou, le DA livre ainsi des longs jupons liquides fleurant bon un romantisme bohème. Surmontés d'amples blousons en cuir souple, ceux-ci évitent avec brio le premier degré (voir ici et là).
Plus les saisons passent, plus Nicolas Ghesquière tend à apporter au prêt-à-porter de chez Louis Vuitton un traitement couture à la pointe de la recherche textile. On en veut pour preuve la texture évoquant de loin un simple tweed, mais qui de près se révèle être une matière finement découpée au laser…
On regrette l'inégalité esthétique des looks présentés au sein de cette collection. Comme si, tel un adolescent passionné, Nicolas Ghesquière n'arrivait pas à faire la part des choses entre idées géniales (voir ici, ici et là) et lubies expérimentales (voir ici, ici, ici et là).

Balenciaga

En introduisant quelques figures fortes de la mode - Amanda Lepore, Diane Pernet, Cathy Horyn… -  au sein de son armée de modèles faméliques, Demna Gvasalia flatte la fashion sphère et espère ainsi estomper le souvenir des scandales passés. 
La collection Balenciaga printemps/été 2024 peut se diviser en 3 thèmes : 
- Une ode aux premiers amours de Demna Gvasalia qui se matérialise par des vêtements au delà de l'oversize, des accumulations à l'énergie sinistre et des éléments sportswear surdimensionnés.
- Une célébration de la fusion entre l'héritage laissé par Cristobal et le savoir-faire couture de Demna illustré par des robes capes fleuries d'une élégance à la fois sobre et onirique, des modèles épurés semblant découpés dans une toile cirée de mauvais goût ou encore des toilettes de soirée soufflant le chaud et le froid.
- Un humour ironique où les baskets paquebots, les passeports "Balenciaga", les digressions paresseuses autour du concept de porte-clefs et les cabas s'inspirant de ceux que l'on achète pour 50 centimes chez Carrefour semblent n'exister que pour horripiler ceux qui évoluent à l'extérieur de l'univers de la mode, à savoir 99.99% de la population.

Victoria Beckham

Au fil des années, Victoria Beckham a réalisé qu'il était judicieux pour elle d'être plus présente et authentique sur les réseaux sociaux, partageant à la fois des moments familiaux et des vidéos humoristiques. Pour autant, si elle maîtrise parfaitement l'art de se révéler, elle n'en conserve pas moins une certaine distance. Sa collection printemps/été a ainsi beau être décrite comme "autobiographique", mêlant des références à la danse classique (qu'elle pratiqua dès son plus jeune âge) et à ses week-ends passés à la campagne, elle n‘en demeure pas moins parfaitement calibrée pour cocher toutes les cases du succès en boutique (voir ici, ici et là). Il semblerait que chez l'ex-Spice Girl, le perfectionnisme agisse comme un filtre atténuant excessivement les émotions. Or, mode et émotion vont de pair… 

Givenchy

Le consulting qu'effectue actuellement Carine Roitfeld pour la maison Givenchy semble commencer à porter ses fruits. Sous son influence, Matthew Williams (ex-costumier de Lady Gaga) peaufine sa vision. L'abandon (probablement temporaire) du pantalon au profit du flou permet ainsi à la femme Givenchy de renouer avec une élégance à la fois moderne et intemporelle. Sans parler du contraste saisissant - mais néanmoins cohérent - entre les coupes architecturales chères au tailoring de Matthew Williams et la féminité émanant des nombreux jeux de transparences (voir ici et là). Cela étant dit, il manque à l'ensemble ce petit supplément d'âme qui permettrait de faire passer la copie d'un 14/20 à un 18/20… (voir ici, ici et là)

À noter également…

Du dernier défilé Chloé, on retiendra principalement la danse d'adieu de Gabriela Hearst (voir ici). De son passage au sein de la maison parisienne, on notera sa volonté de faire évoluer les choses sur le plan éthique et environnemental. Sous sa direction, la maison a en effet obtenu la certification B-Corp, tandis que le nombre de personnes travaillant à la section "développement durable" est passé de 1 à 12. 
Le mix pois/mini pois fonctionne particulièrement bien chez Balmain (voir ici).
La collection Loewe nous donne envie tour à tour de mixer jaune, marron et blanc, de détourner les éléments les plus sages de notre garde-robe, de subtiliser le faux lierre de la salle d'attente de notre dentiste ou encore de découper des poches verticales dans nos blazers en tweed.
Sarah Burton célébra son départ de chez Alexander McQueen en rendant hommage à ce dernier via des corsets évoquant ceux créés en 1996 par le designer britannique. 
Stella McCartney confirme la tendance du all-over floral pour la saison à venir (voir ici).
Chez Margiela, Galliano joue avec les codes de sa période Dior (voir ici).

PS : Retrouvez également mes analyses en vidéo du défilé Miu Miu et du défilé Saint Laurent