Milan, 1913 : Mario Prada, artisan maroquinier, ouvre une petite boutique sous la Galleria Vittorio Emmanuele, qui attire rapidement une riche clientèle grâce à la qualité de ses créations. Il nommera l'entreprise « Fratelli Prada ».
Quelques 50 ans plus tard, l'enseigne a prospéré, et repose sur des bases solides. Et c'est ici qu'intervient la petite-fille de Mario, Miuccia. Elle a étudié les sciences politiques à l'université de la ville, mais a aussi suivi une formation de comédienne au Piccolo Teatro ; et pourtant, elle abandonne tout pour prendre les rênes de l'enseigne de sa famille.
Son cursus atypique lui a donné un double talent, artistique et commercial, qu'elle usera pour insuffler un vent de nouveauté chez Prada. Dès son arrivée, elle signe un accord avec la société IPI, spécialisée dans les productions en cuir, pour la réalisation de la maroquinerie qu'elle dessinera, et elle s'associe avec son mari Patrizio Bertelli, industriel toscan, designer puis PDG de Prada, avec qui elle construira tout un empire.
Les chaussures, les sacs, les accessoires Prada nouvelle génération marquent un tournant stylistique de l'enseigne : ils sont moins classiques et s'adressent à une clientèle jeune et chic. Prada se veut désormais dans l'air du temps, et ne regarde plus en arrière. C'est d'ailleurs grâce à des innovations telles que le sac en nylon qu'elle se fait peu à peu connaître dans le monde de la maroquinerie de luxe.
Mais Miuccia a l'ambition d'aller beaucoup plus loin, et en 1988, elle lance une première collection de vêtements féminins. Les mots d'ordre chez Prada seront élégance, qualité et originalité, si bien que les vêtements de la maison deviennent extrêmement populaires.
L'arrivée en 1990 de Marc Audibet à la direction artistique de l'enseigne participe également à la renommée internationale de celle-ci, et des centaines de boutiques Prada se disséminent sur tout le globe. Cependant, cette collaboration est de courte durée, et Miuccia continue seule son ascension.
Elle conçoit en 1993 une ligne plus abordable dédiée aux jeunes, qu'elle nommera « Miu Miu », ligne anti-conformiste, aux collections rebelles et originales. S'ensuivent d'autres lignes collatérales : la mode masculine Prada voit le jour en 1994, « Prada Sport » en 1997, et « Prada Beauty » en 2000.
Le travail de la styliste ne passe pas inaperçu, et devient une référence en matière de luxe avant-gardiste. Il se voit d'ailleurs récompensé en 1994 par l'International Award du Council of Fashion Designers of America. Il faut dire que Miuccia possède une étrange facilité à sentir l'air du temps, intuition qui se mêle à un non-conformisme très caractéristique.
Cette ambivalence est en quelque sorte la signature de la créatrice, qui aime puiser dans les tendances actuelles sans hésiter pour autant à créer une esthétique élitiste. Son vestiaire peut paraître aux premiers abords quelque peu sévère et austère en surface, mais il regorge de touches subversives, jouant avec l'érotisme et le kitsch avec la plus grande subtilité.
Miuccia Prada développe peu à peu un style reconnaissable entre tous, qui défie les notions de bon et de mauvais goût, et aime télescoper les genres, comme par exemple la richesse baroque et l'épurement de l'art minimal. L'univers de la mode est aujourd'hui devenu familier de cette façon de penser si spécifique, qui a véritablement redéfini le prêt-à-porter haut de gamme de ces dernières décennies.
Cette prise de pouvoir sur la fashion sphère est due également à un esprit de conquête commerciale qui poussa Prada à adopter une politique d'expansion rapide à la fin des années 90. Aujourd'hui, la marque possède en partie ou en totalité les griffes Jil Sander, Helmut Lan, Church & Co, Azzedine Alaïa et Genny, devenant ainsi un des leaders mondiaux du luxe.
Prada a aussi créé en 1995 sa propre fondation artistique, qui promeut des événements culturels liés à l'art contemporain. En effet, l'enseigne aime à flirter avec d'autres univers que le vêtement haut de gamme. C'est ainsi qu'elle commence en 1997 son aventure dans la navigation vélique, avec l'acquisition du yacht Luna Rossa, et en devenant sponsor des compétitions America's Cup.
Tout cela constitue des outils de communication importants pour Prada, empire sans cesse en expansion, qui pèse aujourd'hui plus de 1,5 milliards d'euros, et qui ne compte pas en rester là...
Par Lise Huret, le 22 janvier 2007
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