Alors que leurs concurrents - tels que Agnès B ou A.P.C. - ont du mal à rester à la hauteur de leurs débuts flamboyants, Comptoir des Cotonniers affiche une santé florissante. Le génie de ce label réside dans leur capacité à brouiller les pistes, entre philosophie altruiste et stratégie marketing, et à transposer leur marque au-delà du prêt-à-porter... Lorsqu'on pense Comptoir des Cotonniers, c'est en premier lieu l'image du duo mère/fille complice qui nous vient à l'esprit, plus que les dernières nouveautés en magasin.
Une success story familiale
Lorsque l'enseigne est apparue en 1995, les choses avaient été minutieusement étudiées et calculées. Car dans la famille Elicha, le business textile c'est dans les gènes. Tony Elicha est dans le prêt-à-porter depuis plus de 30 ans : en 70 il met sur pieds deux marques - Nelson Jeans et Va Bene - , en 80 il gère la distribution des produits Jackson Family et en 90 il s'occupe de la fabrication et de la diffusion de Gaultier Jeans...
Fort de ses expériences diverses et variées, il conçoit avec sa femme le concept Comptoir des Cotonniers, qui en 1995 n'est pas plus qu'une enseigne qui propose des produits style créateurs moyenne gamme, dans la veine de Claudie Pierlot, avec pour cible les 20/40 ans.
Un concept innovant et avant-gardiste
Pour l'instant, rien ne laisse supposer un futur épanouissement de la marque. C'est en 1997, en installant une vitrine et en observant les couples mère/fille se promenant dans la rue, que Georgette Elicha a une idée : proposer une offre ciblant à la fois les mères et les filles, leur permettant de faire du shopping dans la même boutique, sans les cloner, mais en leur proposant des vestiaires complémentaires.
À l'époque, les agences de pub ne croient pas au concept : quelle fille voudrait s'habiller comme sa mère, et inversement ? Elles n'avaient pas dû saisir la subtile différence entre des gardes robe identiques et le shopping commun proposé par la griffe. De son côté, le couple Elicha y croit dur comme fer et décide de développer toute leur communication autour de ce thème. Ils décident ainsi d'accentuer le côté famille/complicité/proximité sur leurs campagnes de pub : les mannequins pros cèdent la place à des binômes mère/fille souriants, castés pour l'occasion.
Dès lors, l'idée trouve une résonance auprès de la clientèle : elle découvre très vite que le Comptoir des Cotonniers propose une sorte de médiation entre deux générations et non une annihilation des différences, jeunes filles et femmes mûres s'y retrouvent et se plaisent à y trouver leur bonheur. À la fois sages et innovantes, fashion sans être grossières ou vulgairement copiées, les collections sont composées de 70 % de basics et de 30 % de mode pure, le tout toujours consensuel : pas de modèles qui choquent ou qui prêtent à discorde...
Sur le secteur moyen/haut de gamme, l'enseigne, au-delà de ses 300 boutiques en France et en Europe, a su se positionner en tête des marques de prêt-à-porter féminin vendues dans les grands magasins, type Galeries Lafayette ou Printemps. Le concept fonctionne et les bénéfices s'envolent, la société enregistre une croissance régulière de plus de 30 % chaque année, ce qui est pour le moins exceptionnel.
Un concept dans l'air du temps
Si le Comptoir des Cotonniers affiche un tel dynamisme économique, c'est qu'ils ont été les précurseurs d'une tendance lourde. Ils ont été à la charnière d'une évolution de la société où le conflit parent/enfant allait en s'estompant. Les mères sont trentenaires, elles ont évolué et préfèrent entretenir une relation amicale avec leur fille, une relation qui les projette dans une même réalité et qui atténue le vieillissement de l'une et la jeunesse de l'autre.
S'ils sont nombreux à reprendre le concept, peu l'appliquent dans les règles de l'art. Princesse Tam Tam ou Les Prairies de Paris proposent des modèles miniatures des tailles adultes... Des lignes bis apparaissent et le secteur haut de gamme n'est pas en reste : Little Marc pour Marc Jacobs et Chloé se sont déjà lancés dans l'arène.
Pour l'instant, le concept du Comptoir des Cotonniers reste unique en son genre, et se développe à l'étranger (Madrid, Barcelone, Bruxelles, Berlin, Tokyo, Séoul...) où il provoque le même engouement que sur le marché français. En 2006, Comptoir des Cotonniers a été racheté par un groupe Japonais, Fast Retailing. Ce rachat va permettre à la marque de se développer plus rapidement à l'étranger, tout en gardant le même esprit. En effet, avec l'internationalisation de la marque, le risque eut été de perdre la fraîcheur et l'authenticité du concept qui a fait de Comptoir des Cotonniers ce qu'il est aujourd'hui.
Quelque soit l'endroit où les nouvelles boutiques s'implanteront et quelque soit leur nombre, les équipes marketing et stylistiques privilégieront toujours le coté chaleureux, précurseur, vrai et familial qui fait que Comptoir des Cotonniers reste unique en son genre. Il ne s'agit pas de grandir en y perdant son âme, mais de diffuser toujours un peu plus loin et à un peu plus de femmes les collections et l'esprit de la marque.
Un développement vers le life style
Loin de se reposer sur ses lauriers, l'enseigne joue à 100% la carte de l'altruisme et développe tous azimuts les initiatives mêlant mères et filles : disques de chansons réunissant des couples mère/fille, sponsoring de tournois de tennis en team mère/fille, parrainages, concours littéraire ou de cuisine... Les castings mis en place chaque saison attirent plus de 10 000 candidatures... Les mères et les filles ont envie de ressembler à l'image véhiculée par les précédentes campagnes, envie d'afficher au grand jour leur complicité qui hier n'était autre que ringarde. Désormais le concept a infusé et lorsque Anna Wintour ou Carine Roitfeld s'affichent avec leur progéniture, cela ne fait que confirmer que le Comptoir des Cotonniers est loin d'avoir épuisé le concept.
Toute marque à besoin avec le temps d'élargir sa gamme de produits, et particulièrement celle-ci, qui est réellement dans la diffusion d'un style de vie. Il y a un an, une ligne pour enfant a été lancée en test et fut très bien reçue. Depuis on trouve dans les magasins des collections s'adressant aux petites filles de 4 à 12 ans. Une ligne de lingerie a également vu le jour et au Japon, et dans quelques mois sera mis à la disposition des Tokyoïtes une ligne d'accessoires. Le grand projet est de transposer le concept mère/fille au masculin. Les clientes le réclament à cor et à cri, et les études de marché confirment que les hommes seraient tentés par le concept...
Le petit bémol reste les prix - quasi haut de gamme - que proposent l'enseigne. Paradoxalement, les campagnes de publicité touchent un large panel de femmes, mais les prix pratiqués en tiennent plus d'une à distance. Le P.D.G. de la marque justifie ses tarifs en précisant que par rapport à H&M ou Zara, il proposent un vêtement quasi indémodable, tout en suivant de près les tendances, et que ses produits ne sont pas issus de la production de masse. Ils sont étudiés à la couture près, afin de coller à l'air du temps, tout en donnant une âme au vêtement et en misant sur des matières nobles.
Au-delà du marketing affectif du Comptoir des Cotonniers, les collections proposées sont souvent un bon cru en matière de mode, et elles y sont probablement pour beaucoup dans la réussite de la marque...